TUNISIE Riad Ben Fadhel (PDM) lance un appel à l’union de toutes les forces progressistes

samedi 29 octobre 2011.
 

Si les premiers résultats partiels de l’élection du 23 octobre en Tunisie confirment l’avance du mouvement islamiste Ennahdha, les partis de gauche entendent bien peser au sein du paysage politique. En effet, le Forum démocratique, le CPR de Marzouki, le PDP, le PDM, le PCOT et d’autres formations et listes indépendantes totaliseraient plus de sièges qu’Ennahdha et pourraient ainsi faire basculer l’Assemblée constituante. Riad Ben Fadhel, coordinateur du Pôle démocratique et moderniste (PDM), lance un appel à l’union de toutes les forces progressistes.

Comment analysez-vous, neuf mois après la chute de Ben Ali, l’exceptionnel taux de participation à ces premières élections libres en Tunisie ?

Riad Ben Fadhel. Jamais nous n’aurions pu imaginer une telle mobilisation des électrices et des électeurs tunisiens. C’est inouï. Dans nos projections les plus optimistes, nous espérions atteindre 60 à 70 % de participation. Toutes nos espérances ont été dépassées. C’est un succès du peuple tunisien. C’est aussi une leçon pour tous ceux qui théorisaient une prétendue incompatibilité entre la démocratie et le monde arabe. Ceux-là prédisaient à ces peuples, il n’y a pas si longtemps, un horizon de servilité. Le 14 janvier et le 23 octobre rompent un tunnel d’oppression. Il n’y aura pas de retour en arrière possible. Ces élections sont une première étape, pour rendre irréversible tout retour à la servitude.

Comment expliquez-vous l’importante percée des islamistes d’Ennahda ?

Riad Ben Fadhel. Cette percée signe la victoire des tenants d’un modèle conservateur. Le Pôle démocratique et moderniste avait appelé, dès la fin du mois d’avril, au rassemblement de tous les progressistes et démocrates de Tunisie. Malheureusement, les deux principales composantes de la famille démocratique, Ettakatol (le Forum démocratique pour le travail et les libertés - NDLR) et le Parti démocrate progressiste (PDP), ont préféré faire cavalier seul. Par ce choix, ils ont permis aux forces islamistes de profiter pleinement de nos divisions. Nous avons été entraînés dans des débats stériles. Le camp démocratique paie aujourd’hui chèrement le prix de ses divisions.

Cet éclatement des forces progressistes peut-il être surmonté au sein de l’Assemblée constituante ?

Riad Ben Fadhel. Nous le pensons. C’est pourquoi nous appelons toutes les forces de progrès à l’union, pour porter ensemble les valeurs de fraternité, de démocratie, de modernité qui devraient façonner la future Constitution. Nous devons lancer un signal fort aux classes populaires, aux classes moyennes, leur offrir la perspective d’une Tunisie démocratique, moderne, où liberté individuelle rime avec justice sociale.

Le chômage massif qui frappe la jeunesse tunisienne a-t-il offert un terreau fertile aux islamistes ?

Riad Ben Fadhel. C’est une évidence. Les islamistes ont en effet réussi cette percée sur un terreau d’injustice sociale et d’inégalités régionales. Sans pour autant offrir la moindre perspective de sortie de crise. Ils se sont contentés de dénigrer la gauche et les valeurs de progrès, de brandir l’étendard de « l’identité arabo-musulmane » soi-disant menacée, d’imposer de faux débats sur les relations avec Israël. Ils ont refusé toute confrontation sur les problématiques socio-économiques. Ils nous ont désignés comme des athées, des mécréants, des dépravés, des homosexuels, des pro-israéliens. Ils ont choisi le terrain de l’insulte et de l’anathème plutôt que celui de la confrontation d’arguments politiques. En fait, ils ont instrumentalisé les angoisses et le sentiment d’abandon d’une partie de la population exactement sur le même mode que le Front national dans la société française. Ils sont passés maîtres dans l’art du double langage, leurs capacités organisationnelles sont redoutables et ils bénéficient, ce n’est pas rien, du puissant soutien financier des pétromonarchies du Golfe, Qatar en tête.

L’annonce par Mustapha Abdeljalil, porte-parole du CNT, de l’instauration de la charia dans la Libye voisine nourrit-elle vos inquiétudes ?

Riad Ben Fadhel. Bien sûr. Pour le PDM, qui a placé 16 femmes en tête sur 33 listes, cette annonce est un signal très préoccupant. D’autant que c’est le fruit d’un marchandage au sein du CNT avec les islamistes, pour permettre la constitution d’un gouvernement, reportée depuis des semaines du fait de désaccords sur l’attribution des portefeuilles de la défense et de l’intérieur. Une chose est claire : la Tunisie démocratique ne saurait admettre la moindre concession sur le code du statut personnel et l’égalité entre hommes et femmes.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui, L’Humanité


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