Hommage à Rudolf Brazda, dernier survivant des triangles roses (homosexuels opprimés par les nazis)

mercredi 14 avril 2021.
 

Il était le dernier survivant des triangles roses. Cet insigne que les nazis cousaient aux treillis des homosexuels qu’ils déportaient pour cause d’orientation sexuelle non-conforme à la grandeur du Reich. Ein Rosa Winkel, disaient-ils… Rudolf Brazda vivait en Alsace depuis la fin de la guerre. Il y est mort hier, à 98 ans.

Lorsque les nazis prennent le pouvoir, Rudolf Brazda, né tchèque, vit en Allemagne. Les nazis n’aiment pas les homosexuels. Et le font savoir. Dès 1937, Himmler verbalise un projet d’éradication de cette « maladie contagieuse » qui menace l’avenir de la race pure. Éradication qui passe par l’élimination physique de tous ceux qui présentent des signes de ce « déséquilibre sexuel ». Rudolf va faire plusieurs fois l’expérience de la prison pour « débauche entre hommes ». La déportation à Buchenwald suivra. Il y restera pendant 32 mois.

Comme plus de 100000 autres « déséquilibrés » arrêtés et internés. En mai 45, il suit Fernand, un déporté politique, qui rentre chez lui à Mulhouse. C’est dans cette ville qu’il rencontrera Édouard, avec qui il vivra pendant un demi-siècle. On parle peu, et depuis peu de temps, de cette partie de l’histoire de la déportation. Peut-être parce que ceux qui en revinrent turent les raisons de leur arrestation ? Peut-être aussi parce que l’histoire « officielle » a parfois des raccourcis dérangeants… À tel point que le nombre exact des victimes des camps au motif de leur homosexualité avérée est encore bien flou.

En France, grâce à des lois tolérantes, les homosexuels échappèrent aux poursuites. Mais pas en Alsace et en Moselle, territoires annexés à cette époque. Curieusement, c’est ici que Rudolf choisit de vivre à son retour. Pas bien loin de Pierre Seel, dont l’autobiographie (Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel) fera date. L’horreur dénoncée après des années de silence. Jusqu’en 2008, Rudolf se fera discret sur sa vie d’avant. À partir de cette date, il répondra à toutes les demandes de témoignages. Il devient alors « Témoin de l’histoire » pour les Oubliés de la Mémoire. Il accepte aussi qu’une biographie lui soit consacrée : Itinéraire d’un Triangle rose, de Jean-Luc Schwab. Cette année, au printemps, en présence de Raymond Aubrac, il avait été décoré de la Légion d’Honneur. Enfin, serait-on tenté de dire.

Le Parti de gauche (et nous en sommes fiers…), a contribué l’an dernier à l’installation d’une plaque commémorative au camp du Struthof à l’initiative des Oubliés de la Mémoire. Nous n’oublierons pas non plus une autre association : le Mémorial de la Déportation homosexuelle, dont le dessein est de perpétuer la mémoire des victimes de la haine des nazis.

brigitte blang


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