LA MONTEE DES OBSCURANTISMES
A l’école, l’offensive incessante des religions a rendu nécessaire le rappel aux fondements de la laïcité : pas de signes religieux. Mais l’exigence laïque de cantonnement des particularismes dans la sphère privée n’est plus seulement confrontée aux appareils religieux contre lesquels elle s’est définie dans l’histoire de notre pays. D’autres voies d’enfermement des consciences sont à l’œuvre d’une manière d’autant plus efficace qu’elles ne sont pas reconnues comme telles par tous. Le mercantilisme, l’ethnicisme, religieux ou non, ou le régionalisme sont autant de nouveaux obscurantismes. Ils divisent le peuple en montant les individus les uns contre les autres, entre communautés, entre régions, entre religions, voire entre ceux qui « ont réussi » et les autres dans la nouvelle fable bobocrate du « chacun peut y arriver au sein du grand marché ».
Contre cet enfermement des consciences, l’émancipation intellectuelle vise à libérer les individus en leur donnant une capacité de jugement autonome par l’exercice de la raison. Elle implique une éducation du peuple formant des citoyens éclairés et armant les futurs travailleurs grâce à la qualification. Elle exige l’extension de la laïcité.
FAIRE UNE ECOLE DU PEUPLE
Former des citoyens éclairés par l’éducation et armer les futurs travailleurs grâce à la qualification doivent être les deux ambitions d’une école du peuple. Cela suppose de conforter l’objectif de 80% d’une classe d’âge au baccalauréat, qu’il soit général, technologique ou professionnel, là où les libéraux tentent partout de réduire l’école à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, voire d’abaisser l’âge de l’obligation scolaire à 14 ans. Dans la perspective d’élever la qualification du plus grand nombre, la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans devra être envisagée. Elle impliquerait notamment l’accès au bac professionnel ou technologique de tous ceux qui renoncent aujourd’hui à aller jusque là. Dans une société et une économie avancées, le baccalauréat est un minimum requis, aussi bien en terme de qualification que de capacité à être un citoyen libre.
Pour rétablir l’égalité de tous devant l’école à tous les niveaux, l’instauration d’un véritable ordre public éducatif devra être une priorité impliquant à la fois l’Etat et l’ensemble des collectivités concernées (communes, départements et régions). L’Etat devra pleinement assumer sa mission de mutualisation et de péréquation pour que les objectifs divers et les moyens inégaux des collectivités locales ne débouchent pas sur une école à plusieurs vitesses. Il lui faut garantir l’égalité des droits contre l’égalité des chances. Il devra imposer des critères de convergence éducative de la maternelle au supérieur. A chaque niveau de scolarisation, l’éducation et l’instruction constituent en effet progressivement les fondements de la qualification tout au long de la vie. Ainsi, dans un enseignement supérieur aujourd’hui féodalisé, droits d’inscription, services offerts aux étudiants, intitulés des diplômes et des parcours de formation doivent être plus étroitement encadrés pour rétablir l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur.
L’école doit fondamentalement être le lieu et le moment de convergence des politiques éducatives, de formation, de qualification et d’insertion. Elle doit également être son propre recours afin de prévenir les sorties précoces du système scolaire par la mise en œuvre des dispositifs adaptés à la prise en charge de tous les jeunes.
ETENDRE LA LAÏCITE
L’espace public n’appartient pas à des groupes ou à des intérêts particuliers. Conformément à l’ambition de la loi de 1905, il doit être rendu à tous, en particulier à l’école, à l’hôpital, dans tous les services publics. Mais aussi sur tout le territoire y compris dans les DOM-TOM, en Alsace Moselle ou en Corse où l’enseignement ici de telle religion, là de telle langue régionale ne doit plus être obligatoire. C’est la condition de l’égalité des droits et du libre exercice de la citoyenneté.
Trop souvent méconnue, la lutte contre la pollution de l’espace public par le mercantilisme est un des fronts sur lesquels doit résolument s’engager la bataille laïque. L’offensive des marques et l’invasion publicitaire ne sont pas une fatalité. Ce sont des lois qui ont par exemple ouvert la télévision à la publicité, autorisé la coupure des films et multiplié la durée des spots publicitaires.
Ce n’est pas un hasard si les rares secteurs qui résistent encore, comme l’école ou la santé, n’ont pu le faire que grâce à des législations particulières qui interdisent ou limitent la publicité. Limiter la place de la publicité par l’auto-modération ou l’éthique professionnelle ne peut conduire qu’à son extension au rythme de la marchandisation de la société.
La loi doit donc intervenir pour arrêter l’invasion publicitaire. Elle commencera par l’école. Parce qu’ils n’y sont pas encore en terrain conquis, les publicitaires prennent l’apparence d’aimables philanthropes avant tout désireux d’apporter leur aide là où la dépense publique est devenue insuffisante. Ils prétendent même agir comme des auxiliaires du service public. Mais l’offensive des marques est d’autant plus intolérable dans le milieu scolaire qu’il s’agit d’une menace pour la liberté de conscience. Ce nouveau cléricalisme développe déjà une morale exécrable de l’apparence, aggravant les conséquences symboliques des inégalités sociales face à la consommation. Nous demandons donc que les marques soient hors-la-loi à l’école. Il faut retirer la circulaire du 28 mars 2001, présentée comme « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire », qui remplace la notion de laïcité par celle de « neutralité commerciale ». Jusqu’alors, c’est une circulaire du Front populaire qui régissait les rapports entre l’école et les marques en stipulant qu’ « en aucun cas et en aucune manière les maîtres et les élèves ne doivent servir directement ou indirectement à aucune publicité commerciale ». Il faut y revenir car il n’y aucun mot à en changer.
Cette lutte contre l’invasion de l’espace public par la publicité doit être menée partout. Dans les villes notamment, les implantations d’espaces publicitaires doivent être stoppées de la même façon que le volume de ces espaces doit être restreint dans l’univers médiatique et sur le Net.
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