Voici des recettes nouvelles pour la retraite

dimanche 30 mai 2010.
 

Quelles mesures opposer au projet antisocial du gouvernement ?

Le gouvernement a publié son « document d’orientation », et la communication fonctionne à plein autour de la « contribution supplémentaire sur les hauts revenus et les revenus du capital ». Comme il précise qu’il n’y aura ni hausse générale des impôts ni augmentation des cotisations sociales, autant dire que cet affichage est symbolique et veut masquer l’essentiel : l’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge de la retraite.

Les réformes Balladur (1993) et Fillon (2003) avaient aussi refusé d’augmenter les recettes. Bilan : les comptes sont plus que jamais dans le rouge et le nombre de retraités pauvres a brutalement augmenté, les femmes étant particulièrement touchées. Désormais, plus de 42 % des nouveaux retraités du régime général ont des retraites tellement faibles qu’ils doivent bénéficier du « minimum contributif », soit entre 590 et 645 €. Sur les 14,5 millions de retraités, plus de 4,4 millions ont une retraite à ce niveau minimal !

Continuer ainsi, c’est entraîner la paupérisation d’un nombre croissant de retraités… et ne toujours pas résoudre la question du financement. Les derniers travaux du COR en administrent la preuve par l’absurde : augmenter la durée de cotisation à quarante-cinq années et porter l’âge de la retraite à soixante-huit ans ne couvriraient que 36 % du besoin de financement de 2050. Cotiser toute sa vie et mourir avant de prendre sa retraite, voilà un excellent moyen d’atteindre l’équilibre financier ! Une autre voie est nécessaire, celle de l’augmentation des recettes. Elle est possible. C’est ce que nous voudrions ici montrer.

Selon le COR, le rééquilibrage de l’ensemble des régimes de retraite nécessite 1,7 point de PIB (32 milliards d’euros) dès 2010 et entre 1,7 et 2,1 points en 2020. Par la suite, la modification n’est que marginale (au pire, 0,4 point de PIB, soit de l’ordre de 7,5 milliards d’euros). Au-delà du simple rééquilibrage financier, nous n’acceptons pas les régressions des réformes Balladur-Fillon et nous voulons revenir aux dispositions plus favorables. Cela implique un coût supplémentaire que nous estimons à 4 points de PIB, soit 75 milliards d’euros actuels (1). Au total, rééquilibrage immédiat et retour aux dispositions plus favorables, près de 6 points de PIB (un peu moins de 110 milliards d’euros actuels) seront nécessaires à l’horizon 2020.

Voici un scénario de financement possible parmi d’autres :

1. Des mesures fiscales générales pour satisfaire les besoins immédiats des régimes de retraite et même au-delà : suppression du bouclier fiscal et de ce qui l’accompagne (Tepa, TVA à 5,5 % pour la restauration…), ponction exceptionnelle sur les banques, taxation des dividendes versés par les entreprises au même taux que les salaires. Ce qui représente entre 35 et 40 milliards d’euros de recettes. Au-delà, le financement doit être complété pour assurer un équilibre durable des comptes.

2 . Augmenter les cotisations patronales et élargir l’assiette

Annulation progressive en trois ans de l’essentiel des exonérations de cotisations sociales ; celles qui demeurent sont soit conditionnées à des engagements des entreprises sur l’emploi soit réservées à certains secteurs (non lucratifs). Total : 9 milliards d’euros la troisième année.

Mise en place progressive, en deux ans, d’une majoration des cotisations (10 % la première année, 20 % ensuite) sur les emplois précaires et le temps partiel. Total : 9 milliards d’euros la deuxième année.

Élargissement de l’assiette des cotisations aux stock-options, à l’intéressement, à la participation, avec application du même taux que sur les salaires. Total : 4 milliards d’euros.

Financement du minimum contributif. Actuellement, son coût est de 4,7 milliards d’euros et correspond à 1,15 point de cotisation plafonnée. Son financement devrait être fait sur une base élargie. À titre d’exemple, on pourrait lui substituer 1 point de cotisation patronale vieillesse RG déplafonnée.

3. Renforcer la solidarité nationale

L’État verse à la Sécu l’équivalent des transferts de compensation, assume la couverture du déficit du Fonds de solidarité vieillesse, verse ses dettes sur les exonérations de cotisations sociales et compense les exonérations qu’il n’a pas légalement aujourd’hui à compenser. Total : environ 15 milliards d’euros.

Cet ensemble de mesures représente autour de 80 milliards d’euros. Reste à faire l’autre partie du chemin vers les 110 milliards d’euros.

4. Relancer la création d’emplois

Le problème posé par le financement des retraites n’est pas essentiellement démographique, mais économique. Les emplois manquants sont autant de cotisations en moins, et on ne peut utiliser pour les retraites ce qu’il faut verser en allocations chômage.

Quant à l’emploi, il n’est prévu de créer que 1,4 million de postes d’ici à 2024 : 100 000 par an ! Il n’y a là ni ambition ni volonté (2 millions avaient été créés en cinq ans, entre 1997 et 2002). Avec une politique volontariste de l’emploi (réduction du temps de travail, emplois jeunes…), un plan d’investissements socialement utiles et de reconversion écologique de notre économie, on peut créer 300 000 emplois par an. Cela représente environ 24 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2020 (1,2 % du PIB) pour les retraites. Et grâce à la réduction du chômage, il devient possible d’utiliser une partie des cotisations mobilisées par l’Unedic au profit des retraites, soit, selon le COR, environ 0,4 point de PIB, ou 8 milliards d’euros. Le compte est largement bon.

« La part des salaires en France est passée de 66,5 % en 1982 à 57,2 % en 2006 de la richesse totale du pays » (Commission européenne en 2007). Il est temps d’inverser cette logique et d’oser une nouvelle répartition des richesses pour satisfaire les besoins sociaux !

(1) Ces chiffres, comme ceux qui les suivent, correspondent aux ressources qui reviendraient aux seuls régimes vieillesse, si la mesure proposée était appliquée.


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