Retraites : travailler plus pour gagner moins ! Décryptage par le parti de gauche

lundi 4 octobre 2010.
 

La réforme des retraites présentée par le gouvernement est un véritable rouleau compresseur contre le travail :

* âge légal de départ repoussé de 60 à 62 ans,

* durée de cotisations relevée à 41,5 annuités,

* droit à la retraite à taux plein repoussé à 67 ans.

* les contreparties en terme de prise en compte de la pénibilité et de taxation du capital sont dérisoires.

�� Relèvement de l’âge légal et de la durée de cotisations : double peine pour les salariés. En combinant recul de l’âge légal et hausse de la durée de cotisations, le gouvernement applique la double peine aux salariés : travailler plus pour gagner moins.

La poursuite du relèvement de la durée de cotisations de 40,5 annuités jusqu’à 41,5 annuités en 2020 va faire encore baisser le niveau moyen des pensions. Alors que celles-ci ont déjà baissé entre 15 et 20 % depuis les réformes Balladur-Fillon. Le gouvernement s’assied donc allégrement sur son engagement de « ne pas baisser les pensions » pourtant formulé dans son document d’orientation du 14 mai. Ce relèvement de la durée de cotisations va amplifier l’application de la « décôte » sur les pensions instaurée par la loi Fillon. Et même dans l’hypothèse où ils travailleraient jusqu’à 65 ou 66 ans, les salariés ayant des durées insuffisantes de cotisations, comme les femmes aux carrières fractionnées, verront quand même baisser leur pension. En effet le gouvernement a décidé de relever de 65 à 67 ans l’âge à partir duquel la décôte cessera de s’appliquer aux salariés n’ayant pas atteint une durée suffisante de cotisations. Le relèvement de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans va pénaliser en premier lieu ceux qui ont commencé à travailler tôt. Et en choisissant une application rapprochée à 2018 (à raison de + 4 mois par an de juillet 2011 à 2018) plutôt qu’à 2020 ou 2030 comme envisagé initialement, cette mesure sera encore plus brutale. C’est donc principalement sur le dos des ouvriers et des employés que seront faites des économies. D’autant que cette mesure est présentée par le gouvernement comme le pivot de sa réforme, dont il sera l’élément le plus « rentable ». Alors même que Nicolas Sarkozy s’était engagé en 2007 et en 2008 à ne pas relever l’âge légal de la retraite :

« Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer. » (interview de Nicolas Sarkozy au Monde le 27 janvier 2007)

interrogé sur RTL le 27 mai 2008 sur la perspective de relèvement de l’âge légal, Sarkozy avait aussi répondu très clairement : « j’ai dit que je ne le ferai pas. Je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour cela » Ce mensonge montre que le gouvernement et Sarkozy profitent de la crise pour aller encore plus loin dans la casse du système de retraite que ce qu’ils avaient pu espérer faire il y à 2 ou 3 ans.

�� Une machine à produire du chômage et des déficits

L’explosion du nombre de chômeurs âgés sera l’autre effet dramatique du relèvement de l’âge légal. Aujourd’hui les deux tiers des travailleurs sont déjà hors emploi quand ils atteignent 60 ans. Alors que les entreprises se débarrassent déjà en masse des salariés à partir de 55 ans, on voit mal pourquoi elles les garderaient de surcroît jusqu’à 62 ans. Les 2/3 des actifs contraints d’attendre de 60 à 62 ans pour partir en retraite risquent donc d’être chômage ! Concrètement cela représente environ 750 000 actifs et donc une hausse potentielle du chômage de 465 000 personnes à partir de 2020. Avec une allocation moyenne de 13 000 euros par an versée aux chômeurs indemnisés, ces 465 000 nouveaux chômeurs représenteraient un coût supplémentaire de 6 milliards d’euros par an pour les Assedic. Cela conduirait donc à augmenter de 60 % le déficit actuel de l’assurance chômage (10 milliards en 2010). Non seulement le gouvernement ignore ce risque d’augmentation du chômage, mais il prétend même contre toute vraisemblance récupérer des « excédents » virtuels de l’assurance chômage pour financer les retraites à horizon de 2018. Pour cela il table sur une baisse du chômage sans proposer pourtant la moindre mesure pour l’emploi. Et alors qu’au contraire sa réforme va augmenter le chômage ! D’autant que l’emploi des seniors est justement le parent pauvre des annonces du gouvernement. Il vante des mesures qui existent déjà et dont l’efficacité est nulle. Le cumul emploi-retraite ne concerne par exemple que 2 % des retraités. Et l’obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés de signer un accord sur l’emploi des seniors est la plupart du temps piétinée par les entreprises. Et quand elles le signent, cela ne garantit pas véritablement l’emploi des seniors et se contente d’améliorer l’information ou le tutorat des salariés (parfois pour mieux les préparer à leur licenciement avant la retraite !). La seule mesure nouvelle avancée par le gouvernement est une aide supplémentaire pour les entreprises. Il s’agit d’une aide à l’embauche de chômeurs de plus de 55 ans qui représenterait 14 % du salaire brut. Plutôt que de pénaliser financièrement les entreprises qui se débarrassent de leurs salariés après 55 ans (comme le faisait la contribution Delalande supprimée par la droite), le gouvernement préfère donc verser une nouvelle aide aux employeurs. Une mesure qui est totalement contradictoire avec l’objectif de rééquilibrage des comptes. Car si cette aide marchait, son coût amputerait d’autant les économies faites pour les retraites grâce au maintien au travail de salariés jusqu’à 62 ans.

�� Carrières longues et pénibilité : des annonces bidons

Pour faire passer la pilule du recul de l’âge légal, le gouvernement a prévu quelques mesures de pur affichage, dont l’application ne concernera qu’une infime partie des salariés. Les annonces sur la pénibilité relèvent d’une grossière aumône. Choisis « individuellement » parmi les invalides, malades professionnels et victimes d’accidents du travail, à peine 10 000 salariés par an pourront bénéficier de ce dispositif et ainsi espérer partir avant 62 ans. Il n’existera donc aucun droit collectif lié à la pénibilité du travail. Les annonces sur les carrières longues sont tout aussi illusoires. Le gouvernement prétend « pérenniser et élargir » ce dispositif de la loi Fillon de 2003 qui a permis à 600 000 personnes de partir avant l’âge légal en ayant commencé à travailler très jeunes. Or le gouvernement oublie de préciser qu’il a considérablement réduit ce dispositif depuis 2 ans. Alors qu’il bénéficiait à plus de 100 000 bénéficiaires par an jusqu’en 2008, les critères ont été fortement resserrés et le nombre de bénéficiaires est tombé à 30 000 en 2009. Or le gouvernement propose aujourd’hui d’en faire bénéficier 90 000 personnes à horizon 2015. Présentée comme une avancée (« élargir le dispositif carrières longues »), cette annonce sera donc en fait un recul puisque le nombre de bénéficiaires sera moins important en 2015 qu’il ne l’était en 2008 ! Cette annonce ne constitue donc nullement une contrepartie de masse à l’allongement de la durée légale qui frappera de plein fouet les ouvriers et employés ayant commencé à travailler jeunes.

�� Baisse du salaire des fonctionnaires et retraite à 62 ans pour les infirmières Les fonctionnaires sont aussi touchés de plein fouet.

L’augmentation de près de 3 points deleurs cotisations retraites diminuera leur salaire net. Et cela ne rapportera rien au régime deretraites par répartition et ne contribuera donc pas à rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale comme on l’entend parfois dans les médias. Cette hausse de cotisations des fonctionnaires est particulièrement injuste car : les fonctionnaires cotisent certes moins (7,85 % contre 10,55 % dans le privé) mais ils bénéficient d’un taux de remplacement plus faible : 77 % contre 84 % pour les salariés du privé pour une carrière complète. Et leurs primes ne sont pas prises en compte dans le calcul de leur retraite à la différence du privé.

Les salaires des fonctionnaires sont plus bas que dans le privé à niveau de diplôme égal ; ils reculeront donc encore !

Les salaires des fonctionnaires ont déjà reculé depuis plusieurs années, faute de revalorisation à la hauteur de l’inflation (rien que sur 2008 les salaires des fonctionnaires ont été revalorisés de 0,8 % alors que l’inflation était de 1,9 %, soit une baisse de 1,1 % du salaire net !) Avec cette baisse de salaire des fonctionnaires, le gouvernement s’aligne sur les plans d’austérité élaborés par le FMI dans plusieurs pays d’Europe. Les fonctionnaires vont aussi subir le relèvement de l’âge légal et de la durée de cotisations. Y compris pour les métiers dits d’ « active », dont la dangerosité ou la difficulté justifiait jusque là des départs à 50 ou à 55 ans. Pompiers, policiers, douaniers, gardiens de prison, contrôleurs aériens et égoutiers devront ainsi travailler 2 ans de plus alors que leurs conditions de travail se sont lourdement dégradées sous l’effet de la RGPP et de la politique du gouvernement. Pire, les infirmières ont non seulement perdu depuis quelques mois l’acquis de leur départ en retraite à 55 ans en vertu du nouveau statut infirmier, mais les infirmières nouvellement recrutées devront désormais travailler jusqu’à 62 ans ! Une véritable provocation compte tenu des conditions de travail dans les hôpitaux notamment.

�� Les riches et le capital passent entre les gouttes

A eux seuls fonctionnaires seront plus mis à contribution que l’ensemble du capital et des hauts revenus. A horizon 2020, ils seront ponctionnés de 4,9 milliards par an contre 4,6 milliards pour le capital et les hauts revenus. Si l’on regarde au niveau de l’ensemble de la réforme, l’injustice du projet du gouvernement est résumée par un chiffre : 90 % des efforts seront supportés par les travailleurs et 10 % seulement par le capital et les hauts revenus. Ces derniers ne paieront que 4 milliards d’euros sur les 42 milliards de besoin à couvrir à l’horizon 2018. Ces 4 milliards sont dérisoires comparés aux 30 milliards d’euros par an de baisses d’impôts distribuées par la droite aux plus riches depuis 2002. Le relèvement de 1 point de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu (passage de 40 à 41 %) est particulièrement dérisoire quand on sait que ce taux supérieur est passé de 52,75 % à 40 % depuis que la droite est arrivée au pouvoir en 2002. Cette mise à contribution est donc purement symbolique et sans commune mesure par rapport aux avantages engrangés par les hauts revenus depuis 2002.

�� Aucune garantie pour l’équilibre des comptes

Comme la réforme Fillon de 2003, qui devait garantir l’équilibre jusqu’en 2020, cette réforme sera aussi inefficace. D’emblée, le gouvernement a ramené ses engagements sur 2018, alors qu’il avait d’abord affiché des prétentions à « 2020 ou 2030 » et qu’il avait même préparé le débat sur les retraites en agitant des chiffres à 2050. Cela suffit à démontrer la malhonnête du procédé. Cette réforme ne rétablira de toute façon pas l’équilibre des comptes en 2018 comme elle le prétend. Comme on l’a vu, elle ne propose aucune mesure pour créer les emplois nécessaires à son financement. Et elle va même contribuer à augmenter le chômage. Faute de dégager des ressources nouvelles en partageant les richesses, le gouvernement a trouvé une grossière astuce. Il veut éponger les déficits qui vont s’accumuler jusqu’en 2018 en dispersant les actifs du Fonds de réserve des retraites. Doté de 33 milliards d’euros, principalement grâce aux marges de manoeuvre dégagées sous le gouvernement Jospin, ce fond n’était pourtant destiné qu’à équilibrer les régimes entre 2020 et 2050. Le gouvernement continue ainsi le dépeçage des ressources publiques sans le moindre scrupule pour l’appauvrissement durable de l’Etat que cela induit. Il prépare ainsi la faillite générale du système par répartition. Et son remplacement par la capitalisation. Face à un tel rouleau compresseur, un double mot d’ordre s’impose à nous. Exiger le retrait du projet de réforme du gouvernement dans les mobilisations du 24 juin puis celles qui suivront notamment à la rentrée. S’engager à abroger ces mesures si un gouvernement du Front de Gauche arrive au pouvoir en 2012. C’est le sens des communiqués de presse diffusés mercredi 16 juin par le Parti de Gauche dès l’annonce par le gouvernement de cette réforme (communiqués ci-après).


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