Partenariat Parti Socialiste et BNP Paribas en Seine Saint Denis. On se pince pour y croire !

mercredi 23 décembre 2009.
 

Seine-Saint-Denis : après le « green-business », le PS invente le « pink-capitalism » !

Lundi 14 décembre, Claude Bartolone, Président socialiste du Conseil général et Député de la Seine-Saint-Denis, et Baudouin Prot, Administrateur Directeur Général de BNP Paribas ont signé un accord entre le Département et la Fondation BNP Paribas dans le cadre d’un programme de financement de voyages scolaires nommé « Odyssée Jeunes ».

Pendant deux ans, sous le prétexte d’une participation au financement et à l’organisation de voyages scolaires pour pas moins de 12.000 collégiens, le Conseil Général va donc largement ouvrir les portes des locaux des collèges publics du département dont il a la charge aux agents commerciaux de la Banque BNP-Paribas. Ainsi, au mépris de la laïcité de l’école, la publicité pour BNP-Paribas va donc pouvoir tranquillement s’introduire dans les établissements, diffusant l’univers culturel développé par la banque (logos, slogans...) pour capter sa future clientèle chez les enseignants et - surtout - chez les enfants de 11 à 15 ans qui représentent comme on sait une cible commerciale stratégique.

Aucun détail n’est négligé pour faire passer en douceur la belle campagne qui va déferler dans tous les collèges de Seine-Saint-Denis :

* pour faire « social », la Fondation BNP - Paribas promet de mettre « en œuvre des actions conjointes dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, de l’insertion et de l’égalité républicaine » et le « renforcement des actions de proximité menées au titre du Projet Banlieues de BNP Paribas et dans le cadre de la relation du Groupe avec le monde associatif, l’économie sociale et les différentes communes de Seine-Saint-Denis ». Ça ne veut pas dire grand-chose, et on cherchera vainement le détail des engagements fermes dans les documents publiés par le conseil général.

* pour faire écologique, on a pris soin de placer un peu de Yann Arthus-Bertrand dans le paquet, en annonçant une action en lien avec expédition scientifique de "La Boudeuse", et du programme "6 milliards d’autres" du très médiatique photographe-réalisateur dont l’association Good Planet vit essentiellement de la générosité désintéressée de grands mécènes  parmi lesquels... BNP Paribas !

L’investissement financier de BNP-Paribas pour cette formidable opération de communication s’élève à 3 millions d’euros sur 2 ans. Une goutte d’eau si on le compare aux 4,5 milliards de bénéfices réalisés par la banque au cours des neuf premiers mois de l’année 2009... Il n’est pas inutile non plus de comparer ce chiffre aux 517.000 euros que Monsieur Baudouin Prot vient d’acquérir à la faveur d’un plan de stock options de 47.296 actions de leur banque (au prix de 43,67 euros l’action).

Lundi 14 décembre, lors du lancement de l’opération au siège du CG-93, Monsieur Prot avait sans doute ces chiffres astronomiques à l’esprit, et aussi - peut-être - une petite pensée pour les 750 emplois supprimés chez Fortis - Belgique la semaine dernière et aux 200 prévus chez Fortis - Espagne, lorsqu’il déclarait la main sur le cœur devant une assemblée d’enfants que « les entreprises, notamment les banques, ont le devoir d’être solidaires de l’environnement dans lequel elles se développent. Devenu en dix ans le premier employeur de Seine Saint-Denis, BNP Paribas entend contribuer activement à l’effort de ce département pour lutter contre le chômage, améliorer l’accès des jeunes à l’éducation et développer le lien social ». Ce cynisme n’étonne plus, malheureusement.

Mais ce qui est beaucoup plus stupéfiant, c’est le discours de Claude Bartolone.

Dès l’introduction protocolaire, le ton est donné : « Entre le Département et le groupe BNP Paribas c’est - allez, j’ose le dire sans rougir - une longue et fidèle histoire d’amour », dans un département où l’exclusion bancaire bat des records, chacun appréciera... mais le pire est à venir, lorsque le dirigeant du Parti Socialiste qu’il est, construit sa théorie pour justifier cette association entre le Conseil Général qu’il préside et la banque : « notre présence ici, Baudouin Prot et moi-même, BNP Paribas et Département de la Seine-Saint-Denis, est le fruit d’un paradoxe, presque d’un non sens : à l’heure où chacun reconnait le besoin d’Ecole pour notre société, jamais la Nation ne s’est à ce point désengagée de l’éducation et jamais un groupe privé via sa Fondation ne s’est à ce point investi pour notre territoire et nos enfants. »

N’oubliant pas de rappeler que « jamais l’Etat n’a à ce point déserté le terrain de l’éducation », expédiant en un paragraphe de six lignes la description de l’action éducative du Conseil Général, Claude Bartolone théorise le recours au privé comme moyen ultime de construire l’école de demain : « Aujourd’hui, nous franchissons un cap. Dans le cadre de notre projet éducatif, je n’ai pas hésité un seul instant à solliciter le groupe BNP Paribas, premier employeur privé de la Seine-Saint-Denis et acteur historique de ce département, pour conclure un véritable pacte éducatif [...] preuve d’un service public moderne et conquérant. »

Bartolone précise sa vision du modèle de demain : « notre partenariat avec BNP-Paribas, c’est l’effort financier considérable d’une belle et grande entreprise privée en direction des collèges, et c’est l’expertise d’un acteur institutionnel, le Conseil général, qui joue pleinement son rôle de passeur, de régulateur [...] voilà la formule gagnante : l’argent du privé et la vision du politique ! » et de conclure : « Je lance aujourd’hui un appel à toutes les entreprises qui souhaitent investir dans l’avenir de la Seine-Saint-Denis. Je ne vous cache pas d’ailleurs que je réfléchis à la création d’une Fondation dédiée à la Jeunesse du département, qui serait vouée à lever des fonds auprès de grands groupes privés désireux de participer à notre aventure collective. Nous aurons sans doute d’autres occasions d’en parler... ».

Voilà l’expression crue du modèle économique que défend aujourd’hui les dirigeants du Parti Socialiste, idéologiquement ralliés - comme on l’avait compris - au social-libéralisme européen dominant le PSE, mais s’attachant à le mettre en œuvre dans les collectivités territoriales où ils sont aux commandes.

Ce que fait Claude Bartolone en Seine-Saint-Denis avec BNP-Paribas, c’est ce que feront tous les départements et les régions demain si le peuple de gauche ne s’exprime pas avec force lors des prochaines élections pour affirmer son attachement à la laïcité de l’Ecole et aux services publics.


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