La HONGRIE, Ségolène et le pape : Quand la social-démocratie joue la carte du « moins pire que la droite » en vendant le beurre du libre marché ouvert et non faussé et l’argent du beurre qu’est l’Etat social ( par Jean Luc Mélenchon)

mercredi 4 octobre 2006.
 

Le titre n’est pas de Jean Luc Mélenchon mais du site prs12.com

En Hongrie le premier ministre social démocrate s’est fait prendre en train d’expliquer comment il avait volontairement truqué les élections en présentant un programme qu’il n’avait pas du tout l’intention d’appliquer puisque le seul programme applicable c’est le programme libéral. Là-dessus émeutes de rues. A la manœuvre dans ces émeutes ce sont des partis ultra nationalistes. Ces partis, le reste du temps, réclament le regroupement de toutes les populations désignées par eux comme des hongrois de chez Hongrie, menaçant de la sorte l’unité de leurs voisins comme la Slovénie, la Roumanie, la Croatie, la Slovaquie et ainsi de suite. Bref non seulement des nationalistes rancis du type des énergumènes monozygotes déjà au pouvoir en Pologne mais en plus ce sont ouvertement des fauteurs de guerre. Tout cela est d’un classique totalement banal désormais. C’est la même musique partout.

Le social démocrate joue la carte du « moins pire que la droite » en vendant le beurre du libre marché ouvert et non faussé et l’argent du beurre qu’est l’état social « à moderniser mais à préserver ». Une fois au pouvoir cette sorte de politicien prend les décisions courageuses qui s’imposent à toute personne de bonne foi. C’est-à-dire imposer au peuple qui l’a cru de renoncer à l’argent du beurre. La nouveauté depuis quelques temps c’est que les populations se rebiffent quand elles découvrent qu’elles sont bernées. L’impasse social démocrate est alors au pied du mur.

Au Vénézuéla et en Bolivie, les gouvernements sociaux démocrates ont pris la seule décision courageuse qui s’imposait : faire tirer sur les foules de manifestants. En Hongrie, le gouvernement a décidé de « rétablir l’ordre à n’importe quel prix ». En Amérique latine, après les massacres sociaux démocrates, il y avait des organisations populaires de gauche pour prendre la tête de la lutte contre les menteurs et les corrompus qui affrontaient le peuple. En Hongrie, ce sont les fascistes qui font le travail. Que faire ? De quel côté faut-il pousser les évènements ? Les fascistes ou les menteurs ?

Ségolène Royal a tranché : elle donne raison aux fascistes (peut-être qu’elle ne sait même pas qui sont ces gens), le menteur doit partir ! L’internationale socialiste a choisi : le menteur ne doit pas céder, les fascistes doivent admettre la seule politique possible ! Cette alternative répugnante est celle dont je vous avais parlé sur ce blog à propos du débat au bureau national du PS où il m’avait été enjoint de cesser mes critiques contre les partis sociaux démocrates à qui nous devrions « faire confiance par a priori ». J’avais aussi ce jour là demandé à quoi cela servait de notre point de vue que les sociaux démocrates hongrois aient gagné les élections. Je me souviens des mines consternées de certains de mes camarades devant tant d’impudence. N’étais je pas alors typiquement un gauchiste sans aucun réalisme ?

Depuis, le réalisme social bobocrate fait merveille. Et combien parmi vous aussi chers lecteurs m’ont écrit pour me dire que je devrais choisir des sujets « plus proches de notre vécu » et tutti quanti ! Vous souvenez-vous de combien de mails je fus poursuivi pour avoir donné raison à Chavez et Morales contre les voyous de mon propre parti dans ces contrées et les petits corbeaux qui les accusaient d’antisémitisme en recopiant les argumentaires de l’émigration maffieuse de Miami ? On continue d’ailleurs à m’interpeller à leur sujet davantage que si j’étais l’ambassadeur du Vénézuéla ou de Bolivie chaque fois que Chavez dit quelque chose qui fâche. Ceux qui m’interpellent affichent cette délectation morbide de ceux qui se réjouissent de le voir s’enfoncer dans un soutien aux mollahs d’Iran absolument suicidaire et contraire à tous nos principes. Peu importe le fait que j’ai dit de vive voix aux intéressés ce que j’en pensais. A présent quel étrange silence des bonnes âmes !

Car les gardiens intransigeants du moindre mal, ennemis des émeutes populaires et de leurs chefs quand ils sont de gauche sont dorénavant collés aux jupes de madame Royal. Ils donnent donc raison aux manifestations fascistes et à leurs chefs d’extrême droite parce que le mensonge c’est mal, très mal ! Seul un bon « panpan cucul au vilain menteur » peut rétablir l’ordre juste en Hongrie comme dans les banlieues. Heidi ne dirait pas mieux depuis sa cabane dans le Tyrol idéalisé. On cherchera en vain quelque part trois lignes censées sur cet incroyable dérapage sinon dans « le Figaro », mais ça me fait trop mal de le dire. Les plumes de commandes qui agitent l’encensoir médiatique ont tout juste mentionné une « boulette ».

Le vieux continent bascule petit à petit dans un état d’urgence politique dont les développements ont un tel air de déjà vu, les masques de la tragédie sont déjà ressortis des cartons où les lendemains douloureux de la guerre les avaient rangés. Pendant ce temps la petite France des politiciens de comice agricole fait des "boulettes". Une boulette c’est pas si grave. Maman ne peut pas être toujours parfaite ! Toi aussi tu fais des boulettes et maman ne te grondes pas trop si tu ranges bien ta chambre.

Une boulette en banlieue avec des mesures sécuritaires inapplicables et odieuses. Une boulette sur la carte scolaire qui détruirait l’école publique républicaine. Une boulette sur l’immigration qui tourne le dos aux conventions internationales signées par la France et au sentiment d’humanité le plus élémentaire. Une boulette sur la double peine. Une boulette sur les trente cinq heures. Une autre sur le règne du contrat plutôt que celui de la loi. Une boulette sur la "régionalisation jusqu’au bout de la politique économique". Une boulette sur la syndicalisation forcée. Une boulette sur le modèle suédois quelques jours avant son échec électoral. Une boulette sur les bonnes idées de Tony Blair dont personne ne veut plus même ses amis ! Mais quelle importance ? Les porte parole rectifient le lendemain en nous expliquant le sens caché de la sublime parole ! La foi dans la dame blanche doit nous guider, quand nous comprenons quelque chose à ce qu’elle dit, car il faut l’entendre à double sens : ce qu’elle a dit et son contraire sont vrais en même temps.

Soyons modernes et brisons un nouveau tabou de la pensée de gauche qui nous limite dans notre compréhension de la réalité. Savoir et croire ne s’opposent pas forcément. C’est ce qu’a dit le pape à Ratisbonne au cours d’une leçon de théologie pour laquelle on lui cherche noise au motif qu’il a cité une polémique du moyen age entre un prince chrétien et un interlocuteur musulman. Lisez la conférence de Ratisbonne et vous verrez que ce n’est pas du tout le sujet de son discours. Le pape dit qu’il n’y a pas de contradiction entre la foi et la raison à condition de ne pas se limiter à la règle fixée par la raison d’après laquelle on doit s’en tenir seulement à ce qui est vérifiable. Il ajoute que la révélation ayant été faite en langue grecque, sa forme même intégrait la culture du logos que les grecs portaient en eux comme le pommier porte des pommes et pas des poires. Sous cet angle, il n’y a aucune contradiction non plus à soutenir madame quoiqu’elle dise, tout en restant lucide, si l’on ne se limite pas à la règle d’après laquelle un programme politique peut être discuté et son contenu vérifié. Dit avec une bouche de gauche un ensemble d’idées de droite sont social-démocrates. Le pape est trop fort !

Jean Luc Mélenchon


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