Crise d’en haut, crise d’en bas

samedi 18 octobre 2008.
 

Traumatisée par la débandade des derniers jours, la presse hésite encore à emboucher le clairon pour annoncer la victoire définitive. Mais le ton a changé en l’espace d’un week-end. Libération n’hésite déjà plus à annoncer la « sortie de crise ». Tout cela parce qu’après des journées de baisse des cours sans précédent historique, les bourses mondiales ont battu hier 13 octobre de nouveaux records, cette fois à la hausse. Cette seule journée a suffi à Dominique Strauss Kahn pour estimer que « le pic de la crise est peut-être derrière nous ». Or pas plus tard que mercredi dernier, le FMI qu’il préside annonçait un ralentissement général de l’économie mondiale tout au long de l’année 2009, et prévoyait que les pays développés seraient proches de la récession…

Faut-il croire que l’ensemble des élites économiques, politiques et médiatiques analyse désormais l’économie mondiale comme le ferait un épargnant qui calcule chaque soir la nouvelle valeur de son paquet d’actions ? A lui seul, ce tropisme montre que la domination de la logique financière n’a en rien été entamée par la crise. Non seulement les cours de bourse battent sous nos yeux de nouveaux records d’instabilité sans que personne ne s’en inquiète. Mais en plus, leurs mouvements de montagne russe sont plus que jamais déconnectés de l’économie réelle. Et de même pour les commentaires des « milieux autorisés », comme raillait Coluche.

Quelle est la logique économique derrière la hausse de 33% lundi dernier à Wall Street de l’action General Motors lorsque l’on sait que les ventes de GM ont perdu 18% sur les neuf premiers mois de l’année aux Etats-Unis ? Ou encore d’une envolée de 87% du cours de la banque Morgan Stanley sur une seule journée ? Qu’ils soient à la hausse ou à la baisse, ces emballements panurgiques témoignent du fait que les marchés financiers continuent à être entièrement dominés par les logiques spéculatives qui consistent à parier sur l’évolution des cours sans guère se préoccuper des indicateurs économiques réels. Dénoncées lorsqu’elles amplifient la baisse, les causes du désastre sont encensées dès qu’elles alimentent la reprise… et demain une nouvelle bulle.

En ce qui nous concerne, comme en qui concerne la majorité travailleuse du pays qui n’a pas le privilège d’être membre de cette élite dopée au CAC 40, il est clair que « le pic de la crise » n’est pas derrière nous. Au contraire. Les suppressions d’emplois massives dans l’industrie et les services arrivent juste. Renault a commencé, la construction également, les banques vont suivre et en cascade tous les secteurs happés par le cercle vicieux de la récession. Les coupes franches dans les budgets publics aussi. Car le gouvernement a la volonté d’économiser sur le dos du plus grand nombre l’argent qu’il injecte dans les banques. La RGPP (Revue générale des politiques publiques) bat son plein : c’est un plan social de 500 000 emplois en perspective ! Avec la décision scandaleuse de faire supporter par l’assurance-chômage le report du paiement des cotisations des PME, on veut faire payer la crise par les travailleurs et les chômeurs. Dès lors ce serait continuer à aggraver le partage inégal de la richesse qui est pourtant à la racine de la crise actuelle ! De même, la gestion personnelle de la crise par Sarkozy et l’effacement de l’opposition renforcent la dérive antidémocratique du régime. Bref, pendant que la crise financière s’apaise, au moins provisoirement, l’ensemble des facteurs de crise de la société s’aggravent.

C’est pourquoi la mise en place d’un bouclier social protégeant l’outil de production et les travailleurs eux-mêmes est plus que jamais nécessaire. Ce bouclier social inclut notamment l’arrêt immédiat des réformes néolibérales, un moratoire sur les directives européennes de libéralisation, l’abandon du projet de privatisation de la Poste, l’abandon du bouclier fiscal, l’abrogation des franchises médicales, un moratoire sur les prêts relais, la hausse des salaires et des minima sociaux. Il s’agit de la seule politique anti-crise durable et juste car les pare-feux mis dans la sphère financière sont provisoires et ne permettent pas d’éviter la propagation de la crise à l’économie réelle et à la société elle-même.

Notre revendication du boulier social vient de recevoir un renfort de poids. Personnalité pondérée, le président de l’Organisation Internationale du Travail vient en effet d’en souligner la nécessité face à la crise. « Nous savons d’après nos expériences passées que les crises financières graves provoquent des récessions économiques extrêmement coûteuses au plan humain, social et économique. (…) Alors que l’attention est concentrée sur le sauvetage des banques et des compagnies financières par des injections massives d’argent public, il est également vital que les systèmes de protection soient maintenus et développés. Ceux qui n’ont eu aucune responsabilité dans la crise mais qui maintenant et dans un futur proche souffrent de perte d’emploi et de revenu doivent être aidés. »


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