Le Tour de France de 1989 bicentenaire de la Révolution

dimanche 20 juillet 2008.
 

1989, bicentenaire de la Révolution. Grand moment de folie dans tout le pays. Tu voyais la vie en bleu blanc rouge. On te vendait tout estampillé 1789, les bonbons, le chocolat, les cahiers, les tee-shirts, les caleçons de bain. À l’école, on avait planté des arbres de la Liberté. Ici, dans notre patelin, on avait même élu un maire socialiste, c’est dire si le citoyen électeur croyait aux bienfaits de l’Histoire régénératrice ! Plus fort que la coupe du Monde de foot, juré ! Et puis, voilà un gars de chez nous qui gagne l’étape du 14-Juillet, à Marseille, ça ne s’invente pas ! Vincent Barteau, il s’appelait, un type sympa, marrant, qui n’avait pas l’air de se prendre trop au sérieux, plaisant à suivre.

Alors, si en plus, le maillot jaune était sur les épaules d’un Français au départ de la dernière étape, tout était possible, et même une pyramide dans la cour du Louvre ! Les épaules, c’étaient celles de Laurent Fignon. Celui-là aussi, plutôt agréable. Il portait des lunettes, alors on l’appelait le prof, ou l’instit, parce qu’il avait le bac, en plus des lunettes !... Ça vous fait marrer ? Riez bien, c’est moins drôle après. Cette dernière étape, un contre-la-montre, dans Paris, un truc de fou. C’était le 23 juillet, comme si c’était hier. Dès le début, on a bien vu que Fignon, il n’était pas au mieux de sa forme. On nous a donné les raisons : une douleur « à la selle ». Si tu connais un peu le vélo, tu situes à peu de choses près où ça se joue, cette affaire-là… Bref, pas dans son assiette, le champion.

Et juste devant, à le grignoter, un petit américain rigolard, Greg LeMond, assis sur un vélo de science-fiction, avec un guidon complètement dingue. Un guidon de triathlon, on nous a dit, dans le poste. Nous, chauvins comme des poux, on a crié à la triche, bien sûr ! La triche, tu parles, on n’avait encore rien vu ! Sur la fin, ça a été pathétique. Fignon vidé, à bout de souffle, exsangue, livide, au bord de la syncope. Et puis tout à coup, LeMond qui hurle sa joie… pas terrible, le souvenir. 8 secondes… 8 petites secondes… 80 mètres sur les 3250 km du parcours. Ça a l’air imbécile, dit comme ça, et ça l’est en réalité. Ce soir-là, on avait déjà tous les bouteilles au frais. On ne les a pas sorties, non. Boire un coup à la santé d’un petit gars venu d’Amérique pour nous barboter la Victoire du tour du Bicentenaire, non. Le Tour du Bicentenaire gagné par un vélo tricoté main, quasi ! Je vais vous dire, je ne m’en suis JAMAIS remise.


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