Sur la notation des élèves par les professeurs et des professeurs par les élèves

vendredi 7 mars 2008.
 

Quoi d’autre ? Oh trois fois rien, mais qu’il m’avait bien mise en rogne, aussi, le coup des notes aux profs par les élèves. Ce n’est pas tant que les gamins puissent donner leur avis qui me titillait l’amour-propre, que la façon de le faire.

Je vais vous dire, en tantôt quarante ans de boulot, je n’ai jamais donné une note à haute voix dans une classe, bonne ou mauvaise, jamais dit que la meilleure c’est 12 ou 19,5. Je me bagarre avec ma « hiérarchie » comme on dit, depuis des années pour qu’ils fassent disparaître des bulletins une fois pour toutes les colonnes « moyenne la plus haute et la plus basse » dont on sait bien qu’elles ne font que porter le fer dans des blessures de cancritudes inguérissables, ou au contraire attiser un esprit de compétition qu’Albert Jacquard pourfend bien mieux que moi.

. Ah ! Entendre un père vous dire que son gamin est « le plus mauvais » en Sciences... je vous jure que ça vous calme. Ça vous coupe à jamais l’envie d’évaluer qui que ce soit. Des années à lutter contre les moulins à vent de l’inertie administrative, pour qu’on oublie ces saletés de notes qui creusent les différences, et on voudrait que je me laisse faire, que je me laisse noter, jauger, juger, en douce en plus...

Ce n’est pas que j’en aie peur de ces foutues notes, pas du tout, mais si on veut gagner le combat, il faut les refuser, pour nous aussi. Et pas par amour-propre, justement, par respect de nos élèves, leur expliquer ce que l’évaluation peut parfois avoir de subjectif, même chez le plus juste des évaluateurs. Leur expliquer que la compéte, c’est bon pour les sportifs, que ça n’a jamais permis de s’améliorer de se dire qu’on va la bouffer, l’intello du premier rang, en faisant mieux qu’elle à la prochaine interro... et qu’en tous les cas, ça n’a jamais rendu quelqu’un plus humain de lui faire savoir qu’il est le meilleur, meilleur que qui donc, au fait ? et meilleur en quoi, en maths ? en choux à la crème ? en tricot jacquard ?

Quelquefois, je les fais marrer, les gamins, en leur disant que si un jour je suis président de la République, mais ce n’est pas encore pour cette fois, la première chose que je ferai, vu que pour la guillotine, quelqu’un l’a fait avant moi !, ce sera d’abolir les notes. Et il y en a toujours un pour dire : « Trop bien, Madame, on votera tous pour vous ! » Eh, je vous l’avais bien dit, qu’il fallait que je sois candidate !


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