Être représentant du personnel dans un établissement scolaire catholique sous contrat

dimanche 10 mars 2024.
 

Il faut savoir que les établissements scolaires sous contrat fonctionnent selon un système hybride : les enseignants sont recrutés par les chefs d’établissement mais ils sont assimilés fonctionnaires et dépendent du rectorat.

Être représentant du personnel dans un établissement scolaire catholique sous contrat : c’est la croix et la bannière !

Les établissements scolaires privés sous contrat n’échappent pas à la règle. Depuis les ordonnances Macron de 2017, toutes les entreprises doivent procéder tous les quatre ans aux élections d’un CSE (comité économique et social). Cette instance a pour but de fusionner les anciennes représentations du personnels (DUP) ainsi que le CSSCT (responsables de la santé et sécurité au travail).

Ainsi les élus ont pour mission à la fois de représenter leurs collègues dans tout conflit avec la hiérarchie, mais aussi de veiller au bon fonctionnement économique de l’entreprise et d’avoir la lourde mission de veiller à la santé et la sécurité des salariés. La tâche est lourde et loin d’être simple.

Il faut savoir que les établissements scolaires sous contrat fonctionnent selon un système hybride : comme mentionné dans un précédent article de septembre 2021, les enseignants sont recrutés par les chefs d’établissement sur entretien mais les professeurs passent le même concours que leurs collègues du public. Seul le nom change : CAFEP. Ils sont assimilés fonctionnaires et dépendent du rectorat. Les chefs d’établissement les recrutent mais ne sont pas leur employeur. Cette dimension schizophrénique permet déjà de cerner le malaise de salariés qui n’apparaissent pas comme faisant partie intégrante de l’entreprise où ils exercent.

Être enseignant et au CSE, c’est donc représenter des collègues qui n’apparaissent pas comme membres à part entière de l’établissement où ils exercent. Les élus du CSE doivent en effet avoir accès à la banque de données économique et sociale qui permet une visibilité entre autres sur la parité homme /femme, les variations de salaires, etc…Or cette banque de données (quand elle est transmise aux élus, ce qui n’est pas toujours le cas, au mépris du texte de loi) ne prend pas en compte les enseignants. Les données rectorales n‘y figurent pas. Seuls sont comptabilisés les salariés de l’établissement payés par l’OGEC (organisme de gestion de l’enseignement catholique).

Ces derniers sont des salariés vulnérables, soumis par contrat exclusivement à l’employeur, contrairement aux enseignants qui ont un statut protégé. En principe…car il faut aussi savoir que les établissements sous contrats recrutent de plus en plus d’enseignants n’ayant pas passé le concours, avec un statut de délégué auxiliaire qui les soumet au chef d’établissement qui peut décider de renouveler ou non leur contrat d’une année sur l’autre. Ce statut extrêmement précaire pour ces maîtres ne leur permet pas de faire valoir leurs droits aisément et les pressions sont parfois grandes. Ils sont trop souvent corvéables à merci.

Les risques psychosociaux sont importants : des enseignants mal rémunérés, à qui on fait sentir quand ils sont délégués auxiliaires que leur contrat peut ne pas être renouvelé, soumis à des pressions sociétales multiples, sans parler des parents parfois intrusifs et agressifs, du manque de formation et de chefs d’établissement parfois trop lâches pour les soutenir, car le parent client est roi, et préférant ne pas faire de vagues.

Être élu du CSE dans un établissement scolaire privé sous contrat, c’est aussi avoir en charge le bien être de salariés OGEC en situation majoritairement de grande vulnérabilité. Paradoxalement, le CSE en ayant fusionné les élus du personnel et les instances CSSCT a un pouvoir non négligeable. Le CSE a le droit de faire appel à des experts comptables et également de déclencher des expertises mettant en avant les risques psychosociaux. Mais que faire quand l’OGEC, qui se doit de payer lesdites expertises, fait appel au chantage et à l’intimidation pour discréditer les représentants du personnel ? Certains chefs d’établissement n’hésitent pas à monnayer des témoignages en leur faveur de la part de salariés en échange de primes ou autres avantages. Là encore c‘est l’opacité qui règne.

Le rectorat se défausse et laisse la direction diocésaine gérer les soi-disant dysfonctionnements des chefs d’établissement dont certains se comportent comme des tyrans au petit pied. Dans l’absolu… car là encore, il ne faut pas oublier que lesdits chefs d’établissement sont payés par l’OGEC. Et qu’ils leur sont soumis. C’est l’OGEC qui parfois met en difficulté les chefs d’établissement en leur donnant des directives comptables, en décidant du nombre de surveillants à recruter, du nombre de salariés de droit privé à licencier, etc…

Certains présidents d’OGEC ne se privent pas d’utiliser les établissements scolaires pour effectuer certains travaux et favoriser les entreprises amies, voire même leur propre entreprise. Idem pour les conflits d’intérêt qui permettent à certains présidents de l’OGEC de se faire de l’argent en dispensant eux même des formations sur les risques psychosociaux. Un comble quand on sait que lesdites personnes sont censées être bénévoles.

Comment survivre en tant que représentant du personnel dans ce type d’établissement, sans être ostracisé par la direction, sans parler des multiples intimidations, pressions voire harcèlements auxquels ils doivent faire face de la part de Directions prêtes à tout pour les faire taire ou pour s’en débarrasser ?

Comment s’étonner du peu de volontaires pour remplir cette tâche complexe, sachant que certaines directions en profitent aussi pour présenter elles même des listes concurrentes avec des salariés précaires acquis à leur cause ou des membres de la Direction ?

Tout cela pour affaiblir le droit syndical, pour faire du CSE une instance fantoche dans laquelle les vrais sujets, même s’ils sont abordés, ne trouvent aucune réponse tangible et où le dialogue social se trouve dégradé. En effet cette situation perverse amène certains élus du personnel à devoir gérer des conflits au sein de l’instance même, en plus des conflits avec la hiérarchie. Ce qui est du pain béni pour l’employeur qui du coup peut se permettre d’éviter les vrais sujets que sont l’organisation du travail et la qualité de vie au sein de l’établissement.

Et pourtant : jamais la souffrance au travail n’a été aussi grande dans les établissements privés sous contrat. En témoigne le blog StopsouffrancEC (Stop aux souffrances dans les établissements catholiques) qui recense nombre d’articles et de témoignages dénonçant un management délétère, qui impacte la santé de nombreux personnels.

Un vrai représentant du personnel est seul contre tous : il doit affronter la direction, l’OGEC, les non-réponses du rectorat et de la direction diocésaine, la peur des collègues, l’ostracisme et est parfois lâché par son propre syndicat. Les pressions sont énormes : emplois du temps dégradés, classes difficiles, mise à l’index, refus de signer l’autorisation au représentant d’effectuer un cumul d’activité, etc… Tout est bon pour les faire craquer. Beaucoup démissionnent ou ne se représentent pas. D’autres finissent par accepter une forme de paix sociale afin de préserver leur santé psychique.

Certaines directions dysfonctionnelles acculées par des rapports de l’inspection du travail ou d’enquêtes RPS ou diligentées par des rectorats ne trouvent pas d’autre défense que de retourner la situation en se positionnant comme victimes de représentants du personnel trop pugnaces. On leur conseille alors d’aller se plaindre auprès de la médecine du travail et de se déclarer victimes de représentants du personnel, qui nuiraient à leur santé en exerçant leur mission d’aide aux salariés.

L’inspection du travail, se trouve là aussi souvent démunie face à des représentants catholiques qui soutiennent régulièrement des Directions maltraitantes contre vents et marées et ne prennent pas au sérieux ses injonctions, pourtant officielles. De plus, les directives actuelles ne font pas de l’enseignement privé sous contrat une priorité. Les derniers rebondissements concernant le groupe scolaire Stanislas ont permis de lever le voile sur certains abus et certaines opacités. Mais il y a encore tellement à faire pour assainir un système dont le vide juridique met en danger des enseignants et personnels qui y travaillent. Tant que les faits ne seront pas clarifiés, le mal être au travail ne pourra que s’aggraver.

Gageons que les derniers rebondissements concernant les vérités révélées sur le fonctionnement des établissements privés sous contrat ne soit pas qu’un feu de paille lié au passage éclair d’Amelie Oudea Castera au ministère de l’éducation nationale. C’est un véritable sujet de société dont la presse doit s’emparer.

Mais force est de constater que les dernières directives gouvernementales font la part belle aux établissements privés en affaiblissant l’école publique et en renforçant les moyens d’établissements privés à coups de subventions publiques parfois très élevées. La guerre publique privé est loin d’être terminée. Tant que les enseignants de droit public, travaillant dans les murs du privé sous contrat ne se mobiliseront pas pour exiger d’être traités à part entière comme des fonctionnaires, les choses n’iront pas en s’améliorant.

Les représentants du personnel sont le dernier rempart contre l’arbitraire et l’impunité. Malheureusement, ils sont trop souvent affaiblis, poussés à la démission ou contraints de se taire. Il n’est pas rare que les élus soient sous représentés au CSE, faute de volontaires pour porter cette lourde charge ou préférant démissionner tant les pressions sont fortes.

C’est pourtant l’avenir du système scolaire en tant que service public qui est en jeu… établissement privé sous contrat ou pas…

Le Collectif StopsouffrancEC


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