École privée : enfin la fin d’un tabou ?

dimanche 17 mars 2024.
 

Quand on aborde la question de l’école privée, on entend qu’il ne faudrait pas rouvrir la « guerre scolaire ». Mais quelle blague ! La bataille a lieu tous les jours ! Et les victimes sont clairement identifiées... Alors, fin d’un tabou ou défense d’y voir ?

Amélie OUDÉA-CASTÉRA aura réussi à remettre dans le débat un sujet devenu complètement tabou depuis 40 ans : la question de l’enseignement privé.

Le nom d’Amélie OUDÉA-CASTÉRA restera, aux dépens de l’éphémère ministre, dans l’histoire de l’Éducation nationale. Succédant à Gabriel ATTAL - parti à Matignon après moins de six mois passés au 110 rue de Grenelle - son propre séjour n’aura duré que quatre semaines. Surtout, elle aura réussi à remettre dans le débat un sujet devenu complètement tabou depuis 40 ans : la question de l’enseignement privé.

Il faut dire que le rôle, la légitimité et le financement de l’enseignement privé bénéficient d’une véritable omerta depuis le mouvement de l’École libre de 1984 opposé au projet de loi Savary, dispositif qui prévoyait d’intégrer les écoles privées à un "grand service public".

Impossible de résumer ici l’incroyable enchaînement de propos polémiques d’une ministre s’enfonçant dans le scandale à chaque prise de parole. Mediapart y a consacré un important dossier. On notera que mettre à un tel poste l’ancienne "chief marketing & digital office" de chez Axa devenue "directrice executive e-commerce" de Carrefour était risqué. Mais c’est en justifiant, par le dénigrement du public, la scolarisation de ses trois enfants dans un établissement privé ultra-conservateur qu’elle a rouvert le débat, sur fond de mensonges et tromperies.

Mais quel est le problème en fait ? Il existe à l’étranger deux systèmes pour l’enseignement privé. L’un, non subventionné, ne se voit quasiment pas imposer de contreparties. L’autre, bénéficiant d’argent public, est soumis à des règles de carte scolaire et de mixité sociale. Or, en France, le système privé réussit à vivre aux ¾ d’argent public tout en échappant à ses impératifs ! Du coup, libre de son recrutement et de ses évictions, il bénéficie du soutien de l’État pour pratiquer, en bien des endroits, l’entre-soi élitiste et le séparatisme social.

Cette concurrence est d’autant plus déloyale qu’elle se fait aux détriments des établissements publics qui perdent les élèves ainsi recrutés et les moyens financiers mobilisés. Il faut d’ailleurs rappeler que la loi Debré de 1959 envisageait de financer des établissements privés répondant à "’un besoin scolaire", comblant donc un manque dans l’offre publique et non ouvrant ce secteur à la concurrence.

Certains répondront qu’il ne faut pas rouvrir la "guerre scolaire". Mais quelle blague ! C’est oublier que cette bataille a lieu tous les jours ! À chaque fois qu’un établissement public perd ainsi ses bons éléments ! À chaque fois qu’un collège délabré s’entend répondre qu’il n’y a pas assez d’argent ! À chaque fois que se constituent des "ghettos" scolaires par manque de mixité sociale ! À chaque fois qu’on sépare ainsi la jeunesse tout en prétendant lutter contre le séparatisme !

Mais avec un Président, Emmanuel MACRON, ancien élève du privé, marié à Brigitte MACRON, une ancienne professeure du privé, et des ministres ayant mis leurs enfants dans le privé ultra élitiste (Pap NDIAYE, Amélie OUDÉA-CASTÉRA) ou étant issus du privé (Jean-Michel BLANQUER, Gabriel ATTAL), il est à craindre que cette question cruciale soit vite rejetée aux oubliettes de cette forteresse. Il ne faudrait pas que l’éviction de la ministre permette au pouvoir en place de refermer ce dossier. L’éléphant est au milieu de la pièce. Alors, défense... d’y voir ?

@GrandserreSylv1

Sylvain Grandserre


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