Une nouvelle élection commence

mardi 24 avril 2007.
 

L’élection présidentielle s’est ouverte par un premier tour hors norme. Le vote survenu dimanche a fait mentir plusieurs constantes jusqu’ici inébranlables de ce scrutin. Et apporté ce faisant son lot de bonnes nouvelles.

Premier coup de tonnerre : la loi d’airain selon laquelle la participation électorale enregistre une baisse à chaque nouvelle présidentielle (84,2% au premier tour de 1974, 81,1% en 1981, 81,4% en 1988, 78,4% en 1995, 71,6% en 2002) a été pulvérisée. En se hissant d’un coup à 85%, le niveau de participation revient à celui de la première élection présidentielle de la Cinquième République, en 1965. Le premier événement du scrutin est donc sa dimension d’insurrection civique, déjà constatée lors du référendum sur la Constitution européenne, qui a flanqué cul par-dessus tête la tendance quasi-cinquantenaire au recul de la participation.

Deuxième ébranlement : la tendance là aussi inflexible à la progression du Front national (14,37% en 1988 avec 4 376 742 voix, 15% en 1995 avec 4 571 138 voix, 16,86% en 2002 avec 4 804 385 voix) a été brisée. Non seulement Le Pen est pour la première fois en recul à 10,5%. Mais il perd la bagatelle d’un million de voix par rapport au premier tour de 2002 !

Participation en hausse, FN en baisse, ces deux grandes nouvelles sont encore meilleures lorsqu’on les rapproche l’unes de l’autre. L’insurrection civique ne bénéficie pas au FN. Elle se fait à son détriment. Le parti de Le Pen s’est montré incapable de chevaucher la mobilisation populaire réalisée dans les urnes. Toutes les belles personnes qui estimaient que la mobilisation électorale des classes populaires ne pouvait se faire qu’au bénéfice principal du Front National sont lourdement démenties. C’est au contraire la démobilisation politique du peuple populaire dont Le Pen a fait son nid.

L’inversion de deux régularités électorales aussi nettement établies manifeste l’ampleur des bouleversements à l’œuvre dans la période d’état d’urgence politique que nous vivons. La présidentielle de 2007 est hors norme comme l’ont été les régionales de 2004 ou le référendum de 2005 car cette période est justement celle d’une déstabilisation des normes qui régissaient de longue main l’ordre politique dans notre pays.

C’est en raison de ce contexte qu’il faut prendre au sérieux le résultat obtenu dimanche par la droite. Pour la première fois depuis vingt ans, son principal candidat a réussi à reconstruire un socle électoral qui représente près d’un électeur sur trois. En 1995, Chirac a du son élection à un pillage méthodique du discours de gauche. En 2002, la réalité de sa politique l’a rattrapé et conduit à un résultat historiquement bas. A peine plus d’un électeur inscrit sur dix ont voté pour le candidat principal de la droite. Après avoir triomphé aux Etats-Unis et marqué des points décisifs en Italie (rappelons que lors des dernières élections législatives, le pôle emmené par Berlusconi a obtenu plus de voix que la coalition de gauche, qui n’a accédé au pouvoir que par la grâce du mode de scrutin), le projet libéral sécuritaire a été importé avec succès en France par Sarkozy. Les postures rassembleuses et protectrices dont il s’est paré à l’annonce des résultats ne doivent pas faire illusion. Ses 31% signent l’irruption d’une nouvelle droite, agressive et conquérante, qui se donne les moyens d’une rupture brutale avec nos acquis sociaux et républicains.

Face à cette menace sans précédent, la gauche a le devoir de l’emporter. Une nouvelle élection commence désormais. La qualification de Ségolène Royal fait que désormais tout est possible. Certes l’effondrement de l’autre gauche conduit à une addition des voix de gauche particulièrement faible. Mais l’erreur serait de raisonner en termes de cheptels électoraux au moment où ceux-ci sont débandés de toutes parts. Le deuxième tour ne se gagnera pas par l’addition des patrimoines électoraux rassemblés par tel ou tel. Fût-il celui tout neuf de Monsieur Bayrou. Dans cet état d’urgence politique, le peuple appelé aux urnes ne fonctionne plus comme une juxtaposition d’agrégats électoraux structurés de longue main. C’est dans le mouvement même de la campagne qu’il faut expliquer, éduquer, convaincre et rassembler autour d’orientations politiques la grande masse de ceux qui cherchent une issue à la crise. Quinze jours, c’est court pour un travail de cette ampleur. C’est pourquoi il ne faut pas perdre une seconde. Cela sera facile pour ceux qui ont soutenu Ségolène Royal dès le premier tour. Ils n’ont désormais qu’à accentuer leur effort. Le reste de la gauche doit surmonter la déception légitime des résultats du premier tour pour faire voter sans réserve pour Ségolène Royal au second. Il faut aider chacun à faire ce chemin sans tarder. Car dans la campagne d’éducation populaire qui commence, la force de la gauche repose sur chacun de ceux qui s’engagent pour elle.


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