Une insurrection civique permanente (par François Delapierre, délégué général de PRS)

vendredi 19 janvier 2007.
 

Le signal vient de toutes parts. Ceux qui privilégient par goût ou tradition la dimension purement électorale du combat politique ne peuvent s’y tromper. L’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy devant plusieurs dizaines de milliers de partisans n’a rien à voir avec celle de Chirac en 2002. Ceux qui tournent plutôt leur regard vers les mouvements sociaux font un constat qui rejoint celui-ci. On n’avait jamais vu à trois mois d’une présidentielle se lever comme à Firmi pour les services publics ou à Paris pour le logement Paris des mobilisations aussi fortes et déterminées à intervenir directement dans le contenu de la campagne présidentielle. La société est en mouvement, et cela d’autant plus que l’approche de l’élection précipite l’implication populaire.

L’élection présidentielle s’inscrit dans la continuité de cinq ans de droite à la tête du pays. Malgré un rapport de force électoral à l’origine écrasant, la législature n’a pas été un long fleuve tranquille. Le pouvoir a été désavoué à plusieurs reprises dans la rue puis dans les urnes. Il n’a pu mener sa politique sans dévier d’un mètre qu’à cause d’une Constitution qui a réduit l’exercice de la souveraineté populaire au seul vote pour choisir un président de la République. Ce faisant, le pouvoir UMP a renvoyé à la présidentielle de 2007 l’intégralité d’une crise politique aggravée par la négation des autres échéances électorales. Ce rendez-vous dans les urnes trouve donc le pays dans un état d’exaspération qui a encore franchi plusieurs crans. Dans tous les camps en présence, on constate une même radicalisation. Avec une masse immense de désorientés, qui peuvent passer d’une semaine à l’autre de la rage de tout changer à un sentiment désespéré d’impuissance.

Sarkozy comme les citoyens qui se mettent en mouvement pour s’approprier la présidentielle ont compris que le résultat de l’élection serait l’expression d’un rapport de forces pour l’instant incertain. La volonté du champion de la droite de s’appuyer sur une masse militante mobilisée dans tout le pays depuis plusieurs mois, depuis les meetings d’accueil des nouveaux adhérents jusqu’au rassemblement du week-end dernier, montre qu’il sait la fragilité des consécrations médiatiques et la relativité des fluctuations sondagières. A la différence de Chirac en 2002, il n’entend pas gagner sur la seule démobilisation de l’adversaire. Il sait que la droite ne gagnera pas sans convaincre une majorité de consciences. Il sait que cela implique pour elle de renouer avec l’électorat populaire. Il sait donc que la droite ne l’emportera pas en se réclamant du seul libéralisme. Le chef de l’UMP n’a d’ailleurs même pas prononcé ce mot dans son discours, tandis qu’il se référait une nouvelle fois à la figure de Jaurès.

A gauche aussi, des milliers de nos concitoyens ont compris que rien de bon ne viendrait sans leur implication personnelle dans la lutte. La semaine écoulée a été particulièrement riche en la matière. Samedi dernier, un nouveau Guéret est né à Firmi, en Aveyron (voir l’annonce dans le A Gauche de la semaine dernière). La mobilisation considérable de la population (près de 500 personnes à la réunion publique pour défendre la Poste de Firmi, ville de 2500 habitants), la convergence des citoyens, des élus, des militants associatifs et syndicaux, la détermination à défendre tous les services publics, poste, ligne SNCF, hôpital, maternité... rappellent la magnifique mobilisation de la Creuse. La fédération nationale de défense des services publics née à Guéret, ne s’y est d’ailleurs pas trompé et ont demandé à nos camarades de l’Aveyron d’accueillir un rassemblement national en Aveyron pour les services publics avant le premier tour de la présidentielle.

Les formes de ces luttes se rejoignent et sont extrêmement intéressantes. Les citoyens mobilisés retournent contre le pouvoir ce qui constitue dans notre culture républicaine le fondement même de sa légitimité. Le vote par exemple, avec l’organisation rigoureuse d’un référendum local, voulu par le Maire de Firmi et demandé par les habitants conformément à la loi sur la démocratie de proximité du gouvernement Jospin. L’intérêt général également, qui légitime le refus de se soumettre la collectivité à la loi du marché. On retrouve ces ingrédients dans la création du « Ministère » de la Crise du Logement et dans l’application de la loi de réquisition à la place d’un Etat qui se dérobe à sa mission d’assurer le droit au logement inscrit dans la Constitution. Ces caractéristiques donnent à ces luttes une dimension nouvelle d’insurrection citoyenne. Celle-ci résonne avec l’histoire profonde d’une Nation républicaine qui s’est constituée contre le pouvoir en place et qui consacre depuis ce jour le droit à l’insurrection comme un droit de l’homme et du citoyen. Voilà la toile de fond de l’élection présidentielle. Il reste trois mois pour que la gauche en prenne la tête. Et pour toi, cher lecteur, si ce n’est déjà fait, en être pleinement acteur.


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