Le programme commun des droites est en place. Et à gauche ?

jeudi 22 mars 2007.
 

Il y aura donc 12 candidats à l’élection présidentielle. A droite, ils seront cinq : Bayrou, Le Pen, Nihous (CPNT), Sarkozy et de Villiers. A gauche, sept : Besancenot, Bové, Buffet, Laguillier, Royal, Schivardi (soutenu par le Parti des Travailleurs), Voynet. Premier constat, la gauche se présente en ordre légèrement plus dispersé que la droite. Surtout si l’on prend en compte le fait que cinq de ces sept candidats se réclament de la gauche antilibérale : trois trotskistes, un communiste, un altermondialiste. Cette arithmétique est déjà un indice. Mais elle ne suffit pas à rendre compte d’une différence fondamentale entre les camps. Alors que les différents candidats de droite se refusent à évoquer le désistement mutuel au deuxième tour, et que la majorité des candidats de gauche a convenu à l’inverse d’appeler à voter pour le candidat de gauche qui y sera qualifié, il apparaît au fil de la campagne que les droites sont les seules à affirmer un programme commun de fait. Ce qui explique largement les dynamiques à l’œuvre dans la première phase de la présidentielle.

C’est en participant à des ateliers de lecture sur le programme du FN organisés par PRS que cette réalité m’est apparue avec force. La lecture des argumentaires coordonnés par Jean-Luc Mélenchon contre le programme de Bayrou a achevé de m’en convaincre. Malgré les apparences, et malgré surtout les déclarations de ses candidats, il existe dans les faits un programme commun des droites. Il est en effet extraordinairement frappant de constater la convergence programmatique de Bayrou, Le Pen et Sarkozy en matière économique et sociale.

En examinant par exemple le programme de Le Pen, on constate que la quasi-totalité de ses propositions en la matière ont déjà été engagées sous l’actuel gouvernement UMP. Dans le moindre détail, depuis la « simplification » du code du travail, l’assouplissement du cumul emploi-retraites, la remise en cause des 35 heures pour permettre de « gagner plus à ceux qui travaillent plus », la réforme de l’impôt sur le revenu. Ses propositions en matière de retraite paraissent tout droit sorties d’un rapport de la Commission européenne et rappellent les politiques libérales mises en œuvre dans toute l’Europe : allongement de la durée de cotisation, choix de la capitalisation, harmonisation par le bas des régimes ... En examinant le programme de Bayrou (car il en a un), on constate de même que ses principales propositions économiques et sociales sont identiques à celles de Sarkozy, comme l’emblématique contrat de travail unique à droits progressifs qui n’est autre que la généralisation du CNE et sa période d’essai de deux ans au cours de laquelle le salarié peut être licencié sans motif.

Rien d’étonnant à cela, me direz-vous. A la différence des gauches, les droites n’ont pas besoin de se mettre autour d’une table pour élaborer un programme commun. Il leur suffit de promouvoir les fondements de l’ordre existant et de reprendre les exigences mises en mots par les puissants, MEDEF en tête. C’est vrai qu’on le savait déjà. Mais dans ces ateliers de lecture où viennent des citoyens éloignés des sphères militantes, j’ai mesuré quelle pouvait être l’efficacité idéologique d’une telle convergence. On y constate qu’un programme commun n’est pas une arme uniquement électorale. Ca l’est aussi, bien sûr. Il vaut mieux avoir un programme commun pour rassembler au deuxième tour. Les électeurs se reportent plus facilement si les principaux mots d’ordre du candidat parvenu au deuxième tour correspondent à ceux défendus par celui qu’ils lui ont préféré au premier. Les accords d’appareil ne peuvent suffire. Une culture commune est un vecteur indispensable des désistements. Mais l’existence d’un programme commun est aussi une arme dans la bataille culturelle pour convaincre l’opinion. Ainsi, parce qu’elles sont répétées à l’identique par tous les émetteurs de la droite, de ses porte-paroles politiques au moindre de ses relais sociaux, les principales antiennes de l’idéologie libérale, le fameux « travailler plus pour gagner plus », le refrain sur la baisse des impôts, font leur chemin dans les têtes. On les retrouve ensuite dans des bouches bien nées du peuple de gauche. Dès lors on comprend que les glissements électoraux d’une partie de l’électorat de gauche vers l’un des candidats de la droite ne tombent pas du ciel.

Un programme commun est d’abord un outil d’éducation populaire. Si, par-delà les divisions électorales, la gauche unit au moins ses forces pour argumenter dans le même sens sur ce qui la réunit, par exemple la défense du service public, la supériorité de l’intérêt général sur les intérêts particuliers des puissants, le nécessaire partage des richesses, elle peut trouver les moyens de modifier le rapport de force idéologique. L’actualité fournit de nombreuses occasions de se saisir de ces questions dans la campagne face à la droite. Et de faire vivre ainsi une culture commune à gauche dessinant les contours d’un programme commun de fait, sans lesquels ni la victoire de la gauche ni sa refondation nécessaire ne sont possibles.


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