JL Mélenchon aux prises avec deux pieuvres.

jeudi 19 mars 2020.
 

Missionné par le Front de Gauche pour proposer au Peuple le message "L’Humain d’abord !", Jean-Luc Mélenchon fut stoppé dans son ascension de popularité par la mise en œuvre de toutes les techniques médiatiques de neutralisation où silences et tirs de barrage se succèdent au gré des prises de mesure sondagières.

Prises de mesures avant tirs en rafales sur le messager de L’Humain d’abord.

Mélenchon et les deux pieuvres.

- 1.Rappel de quelques faits antérieurs sur le mouvement social.

- En septembre et octobre 2010, différentes grèves et manifestations, concernant notamment la réforme des retraites, font descendre dans la rue, à plusieurs reprises, entre 1,5 et 3,5 millions de personnes. Plus généralement, les mouvements sociaux importants peuvent s’exprimer par des manifestations pouvant réunir entre 3 millions et 4 millions de personnes pour la France entière. (Pour une journée d’action déterminée) Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvem...

Nous appellerons R1 (Résistants 1) cette partie de la population qui descend dans la rue, et ce, de manière pas forcément unique, pour défendre ses droits.

-  2. Les meetings. Autre constatation : Jean-Luc Mélenchon, à tous ses meetings, fait salle où place comble. Ceci indique une forte mobilisation au moins de la part des sympathisants du Front de gauche.

- 3. Le score. Jean-Luc Mélenchon, obtient au premier tour des élections présidentielles de 2012, 3 900 622 voix en France métropolitaine (3 951 795 si l’on compte les voix obtenues en Outre-mer). Ces chiffres sont à rapprocher des précédents.

- Jean-Luc Mélenchon obtient 11,14 % des suffrages exprimés, réunissant ainsi la quasi-totalité des voix de l’Autre gauche, dont le poids n’avait cessé de décroître ces dernières années.

- 4. Une progression à analyser qualitativement.

Certes le score est voisin de celui de la totalité des voix obtenues à gauche du PS en 2007 Rappelons les scores.

Les 3 partis d extrêmes-gauche et J. Bové : 1,32% + 5,75% = 7,07% ( 2 593 741 voix) + PC : 1,93% (707 327) = 9,00 % (3 301 068 voix)

Mais le vote en 2012 est qualitativement différent car il s’appuie sur une fédération unitaire de forces et un programme unitaire partagé, L’Humain d’abord !

De sorte que l’avis formulé par Stéphane Courtois, dans l’article reproduit sur ce site intitulé : "Comment expliquer l’écart entre la dynamique de la campagne de Mélenchon et son score final ?" est très approximatif ( voir : http://www.gauchemip.org/spip.php?a... )

"Mais il faisait illusion car il a siphonné très largement les voix de l’extrême gauche, ajoute cet historien. Si on reprend la percée de l’extrême gauche en 2007, on arrive presque à 10 %", un score proche de celui réalisé par M. Mélenchon. Pour M. Courtois, ce résultat serait donc, au final, assez logique." . D’abord José Bové n’est plus en lice et les voix de cet électorat se sont sans doute reportées majoritairement sur Eva Joly. D’autre part, depuis lors, le NPA a évolué et une partie s’est ralliée au Front de gauche : ce sont plutôt les effectifs du NPA qui ont été "siphonnés" par le FDG. En outre , d’autres petits partis se sont fédérés (FASE) et se sont associés au FDG.

Et rappelons ces évidences : en 2007, ni le PG, ni la gauche unitaire (GU), ni le FDG n’existaient encore. C’est donc plutôt d’une fraction de l’électorat de LO dont on peut parler de "siphonage".

- 5. Les résistants.

Nous appelons aussi R2 (Résistants 2) cette partie du corps électoral dont l’esprit n’a pas été formaté par les grands médias libéraux et qui résiste aux différents chantages à la peur, dont en particulier , le "vote utile". Les populations R1 et R2 sont à peu près superposables mais ne coïncident pas complètement car tous les citoyens de R1 ne sont pas forcément anticapitalistes.

-  6. Les éléments de volatilité du vote pour Jean-Luc Mélenchon.

Il est plus que probable qu’une partie de la population R1, pas trop critique par rapport au PS, a "voté utile" par peur que Nicolas Sarkozy soit élu en tête au premier tour et puisse gagner au second tour par la dynamique ainsi créée.

On appelle VU cet ensemble d’électeurs de R1 qui a "voté utile".

On a alors : R1= R2 + VU,

ou si l’on préfère : R2 = R1 – VU

J’évalue à environ 2 % à 3 %,en pourcentages des suffrages exprimés, la population VU.

Soit M la partie de l’électorat qui avait l’intention de voter Mélenchon au premier tour à la fin de son ascension, avant les élections. Appelons A les autres électeurs ayant l’intention de voter Mélenchon.

On a alors : M = R1 + A = R2 + VU + A

Or, les votes de A s’élèvent à environ 2 % ou 3 % qui proviennent de l’électorat Eva Joly et quelques petites fractions de pourcentages de l’électorat Poutou, Arthaud, FN, Bayrou.

À cela, il faut ajouter des électeurs qui avaient l’intention de voter Mélenchon mais qui ensuite se sont abstenus (ce peut être une conséquence de l’effet "peaux de bananes").

Ce potentiel de voix A a été pulvérisé par l’action médiatique entreprise depuis mars 2012. Donc potentiellement Mélenchon, comme l’indiquait différents sondages depuis mars 2012, avait un potentiel électoral de : 15 % à 17 % :

M(15 à 17 %) = R1(13 à 14 %) + A (2 à3 %)

- 7. De la prise de mesures aux tirs groupés : de la dynamique à la dynamite électorale.

- a) Le décollage ascensionnel de Jean-Luc Mélenchon dans les différents sondages se situe aux environs de la mi-mars.

Il est alors clair que les chiffres deviennent de plus en plus inquiétants pour la grande bourgeoisie, aux aguets, détentrice de la quasi-totalité de la presse et des médias, leurs amis politiques contrôlant par ailleurs les chaînes publiques.

De même que l’on utilise des rayons laser pour faire des prises de mesure avant un tir de longue portée, par exemple, les sondages sont utilisés pour mesurer les progressions de "l’adversaire de classe" sur la terre de campagne. Comment stopper l’avancée du colonel Roberspierrochavez, pardon du candidat Mélenchon, sur la ligne de front de gauche ? Comment annihiler la puissance de son Verbe ?

Examinons la stratégie cognitivo -guerrière mise en œuvre.

Primo : les soldats de l’information sondo–guidée semblent se coordonner.
- De plus en plus de place est donnée à Eva Joly, François Bayrou puis Poutou, tous jusque-là peu visibles, car tenus en réserve (pour deux raisons : ne pas leur donner beaucoup d’importance et disperser les voix dans la dernière ligne droite.).
- Le visage de Marine Le Pen devient de plus en plus présent sur les écrans et la presse lui consacre une véritable campagne de promotion photographique. La place qui lui est accordée à la télévision et dans les journaux est tellement importante, au soir et au lendemain des élections, que l’on peut se demander si un observateur étranger qui ne comprendrait pas le français, ne pourrait pas être convaincu que c’est Marine Le Pen qui est arrivée en tête du premier tour. Même Le Monde, qui donne les résultats complets, dans son numéro daté de mardi et sorti lundi, lui accorde la première page avec une photo qui en occupe la moitié ! François Hollande est invisible !

Secondo : peu de relais sur les meetings de Mélenchon, notamment pour les deux derniers. Plus grande promotion est faite pour ceux deux Hollande et de Sarkozy. Diminution globale de la visibilité de l’Homme du Front de Gauche sur les écrans et de son audibilité sur les chaînes radio.

Tertio  : cette stratégie audiovisuelle, qui ne peut être détectée que si l’on a une vision globale et attentive du paysage médiatique, se déploie conjointement, avec un mitraillage continu des soldats de l’éditocratie de la presse écrite. Il serait trop long ici d’en faire une description.

.Il faut se reporter à l’article intitulé : "les éditocrates contre Jean-Luc Mélenchon" sur le site ACRIMED (voir : http://www.acrimed.org/article3802.html )

Quarto, à ceci s’ajoute toute une série de jets de peaux de banane de dernière minute, tenues aussi en réserve, pour faire chuter, au moment voulu, l’homme à neutraliser : celui-ci parle sur son blog d’une boule puante par jour : l’allégorie est trop douce. Je parlerais plutôt de peaux de banane putréfiées et rendues nauséabondes, par une trop longue conservation dans les caves de l’ignominie.

Métro : comment expliquer que la publication, par le journal gratuit Métro, tirant à 4 millions d’exemplaires, d’une photo présentant Jean-Luc Mélenchon en compagnie du dirigeant syrien Bachar al-Assad, datant de 2001 et non légendée, à quelques heures des élections, sans possibilité de réponse, n’ait provoqué aucune réaction d’indignation de ces champions des droits de l’homme que se prétendre être certains journalistes ? Que signifie ce silence ? Indifférence ? Complicité ? Approbation ? Pourtant, Jean-Luc Mélenchon a porté plainte contre le journal Métro. http://blogs.lexpress.fr/media/2012...

Et je ne parle pas des arbalétriers, archers et autres hallebardiers de la Terre de Gauche qui ont cru bon, sans vision globale du champ de bataille, d’envoyer toutes sortes de flèches et projectiles sur le valeureux messager de L’Humain d’abord !

Conséquence de cette stratégie : le capital de voix de cette partie de l’électorat que j’ai appelé A va donc se déporter sur Eva Joly, Le Pen et d’autres. Et environ 1 % va s’abstenir. Mélenchon perd ainsi 2 % à 3 %.

Ceux qui pensent qu’il existe une étanchéité absolue entre l’électorat de Mélenchon et de Le Pen se trompent. Ainsi, 500 000 électeurs avant de voter Le Pen ont hésité et avaient dans un premier temps l’intention de voter Mélenchon. Inversement, 200 000 électeurs qui ont voté finalement Mélenchon avaient, dans un premier temps, l’intention de voter Le Pen.

Cela donne raison à la stratégie de Mélenchon qui a consisté à essayer de convaincre le milieu populaire fasciné par le FN de venir vers le Front de Gauche. Sans l’acharnement de Mélenchon, il est possible que la présidente du FN ait pu obtenir 20 %.

- b) L’écart entre Sarkozy et Hollande, toujours d’après les sondages, diminuant, le vote utile devient impératif pour certains électeurs. Mélenchon perd encore entre 2 % à 3 %.

De sorte qu’au final : M = R2 = 11,14 % puisque VU se reporte sur Hollande et A se répartit, en se fragmentant, sur d’autres candidats ou dans l’abstention.

Les instituts de sondage ne parlent que de marge d’erreur ! Répétées toujours dans le même sens ? Non , ils se gardent bien de dire qu’ils constituent un outil de mesure pour l’ajustement des tirs de barrage anti-Mélenchon !

Il ne s’agit pas ici de discuter la qualité technique des évaluations ou même l’honnêteté intellectuelle des techniciens-sondeurs mais simplement de poser le problème de leur instrumentalisation par les tireurs d’élite des tireurs de titres.

- 8. Le Front de gauche et Mélenchon viennent de franchir une étape décisive.

Ce qui apparaît des faits précédents, c’est que Jean-Luc Mélenchon est arrivé à reconstituer un socle politique fédérateur, grâce au FDG, permettant au mouvement social et syndical, permettant aussi à des forces politiques dispersées, désorientées ou découragées, de trouver une expression politique à leur révolte et à leurs aspirations.. De nombreux citoyens jeunes et moins jeunes. prennent ou reprennent ainsi goût au combat politique. Cette dynamique dépasse les enjeux électoraux du moment.

Jean-Luc Mélenchon a bien précisé que le FDG devait se déployer comme force politique autonome et indépendante du PS. Le désistement pour François Hollande au second tour ne signifie nullement un ralliement ou adhésion à son programme : il s’agit uniquement de faire échec à l’élection du président sortant.

L’objectif des responsables et des adhérents du FDG a toujours été clair : devenir la première force autonome à gauche et prendre le pouvoir démocratiquement avec une assise populaire aussi large que possible.

Il est bien évident que si ce principe d’indépendance, d’autonomie était remis en cause, notamment pour des raisons d’acquisition de sièges, le FDG exposerait et le PCF reviendrait à un niveau de 1,5 %. Je ne parle pas ici évidemment d’alliances ponctuelles entre le PS et le FDG pour certaines circonscriptions où, à défaut de cette alliance, les candidats du FN seraient élus.

- 9. Le FDG devrait pouvoir maintenant commencer à élargir sa base électorale.

Le taux relativement modeste des voix obtenues, malgré une crise du système capitaliste profonde, doit inciter à la modestie et solliciter la réflexion. La gauche de combat a donc reconstitué sa base politique qui s’appuie grosso modo sur ce que j’ai appelé les résistants.

Mais le FDG n’est pas encore arrivé à arracher des tentacules de la pieuvre médiatique la majorité des salariés et citoyens, même les plus exploités.

Certains citoyens ont cru pouvoir s’en échapper mais sont retombés dans les tentacules d’une autre pieuvre : celle du Front National.

Jean-Luc Mélenchon a pensé en venir à bout en la frappant la bête à la tête : c’est oublier que cette pieuvre-là, dans cette liquidité marine d’eaux troubles et obscures, travaille en synergie avec la première pieuvre : elles forment système.

Le FN, depuis sa création, a été une machine de neutralisation de toute force politique mettant en péril le système capitaliste.

Comment soustraire tous ces concitoyens de l’emprise idéologique des médias tentaculaires qui les entretient, à leur insu, dans leur asservissement ? Tel est le défi que le FDG doit relever. Et toutes les forces intellectuelles et militantes du FDG ne seront pas de trop pour résoudre ce problème central.

J’ai, pour ma part, apporté ma modeste pierre pour aborder cette question avec quelques contributions :

Le Front de gauche doit améliorer sa puissance organisationnelle. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Analyse de la stratégie de conquête du Front National : http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

L’omniprésence de Marine Le Pen dans les médias contribue à sa légitimation http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

La demande populaire d’ordre : un enjeu électoral majeur http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Hervé Debonrivage


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