Ségolène Royal, DSK et les sondages

jeudi 9 décembre 2010.
 

En 2006, si l’on en croit les révélations du site WikiLeaks, DSK aurait confié à l’ambassadeur des États-Unis que la forte popularité de Ségolène Royale dans les sondages était le fruit d’une « hallucination collective ». Sans doute porte-t-il un regard différent sur sa propre ascension dans les sondages de la fin 2010.

Pourtant, dans les deux cas, leurs rapides ascensions dans les sondages ont la même origine : une construction conjointe des instituts de sondages et des médias. En 2006-2007, les instituts de sondages et les médias ne s’étaient d’ailleurs pas contentés de contribuer de façon déterminante à imposer Ségolène Royal, comme candidate du PS en affirmant, six mois avant l’élection, qu’elle était la seule à pouvoir battre Sarkozy au second tour. Ils avaient, ensuite empêché la même Ségolène Royal d’arriver en tête au 1er tour (ce qui aurait cassé toute la dynamique de Sarkozy) en faisant de Bayrou, à quelques semaines de l’élection, le seul vainqueur possible de Sarkozy au second tour.

Aujourd’hui, les sondages et les éditorialistes réitèrent la même opération avec DSK qu’avec Ségolène Royal. Les primaires « ouvertes » organisées par le Parti Socialiste leur donne, bien évidemment, une efficacité encore plus redoutable qu’en 2006-2007.

Les sondages vont même, à un peu moins de 18 mois de l’élection présidentielle, jusqu’à calculer le report des voix entre le 1er et le second tour. Pourtant, un sondage de 2ème tour, avant que le 1er tour ait eu lieu, n’a aucune valeur prédictive. Tous les instituts de sondage le reconnaissent. S’ils ne le reconnaissaient pas, il suffirait d’ailleurs de leur rappeler 2001-2002 où tous, pendant des mois, avaient prédit un inéluctable second tour Jospin-Chirac et avaient calculé avec précision l’évolution des reports des voix en faveur de chacun de leurs deux finalistes.

Les sondages de 1er tour effectués aujourd’hui, à près de 18 mois de l’élection présidentielle, n’ont pas non plus la moindre valeur prédictive. Les sondeurs oublient seulement de préciser (voir Acrimed et Patrick Champagne) que sur 10 000 personnes interrogées, 9 000 ont refusé de répondre et que les 1 000 réponses qu’ils ont obtenues ne sont pas représentatives de l’électorat puisqu’elles sont celles des électeurs les plus politisés, déjà sûrs de leur choix.

Ce n’est qu’après que la campagne électorale ait eu lieu et à moins de quinze jours de l’élection que les sondages d’opinion commencent à mériter leurs noms.

Au cours des mois qui ont précédé, les sondages n’ont pas mesuré l’ « évolution de l’opinion », contrairement à ce que prétendent les médias, mais l’évolution de la mobilisation de l’opinion et l’augmentation du nombre d’électeurs qui acceptent de répondre aux enquêtes des instituts de sondage. Au fur et à mesure que ces électeurs se sentent concernés par l’élection et se considèrent aptes à se faire une opinion.

Mais les instituts de sondage comme les médias qui utilisent ces sondages se moquent éperdument de la valeur des sondages en question. Ils ne sondent pas l’opinion, ils la fabriquent.

Aussi ont-ils patiemment construit, pendant des mois, les sondages actuels favorables à DSK.

Dans un 1er temps, les sondages portaient sur la popularité des hommes politiques de gauche. DSK arrivaient en tête car ils cumulaient les avis favorables de sympathisants de gauche mais aussi ceux de bon nombre de sympathisants de droite. A cette étape là, les sondages se gardaient bien d’opposer DSK à Sarkozy car DSK aurait, dans l’opération, perdu les avis favorables d’une bonne partie des sympathisants de droite. Les éditorialistes suggéraient cependant, parfois avec beaucoup de lourdeur, que DSK n’était pas seulement l’homme politique de gauche le plus populaire mais l’homme politique le plus populaire à gauche. Ce qui, à ce moment là, selon les sondages eux-mêmes, était faux. Martine Aubry le distançait largement auprès des sympathisants de gauche.

Dans un 2ème temps, ils ont construit un « indice synthétique » qui n’avait strictement aucun sens mais qui avait, pour eux, l’inestimable mérite de faire arriver DSK en tête des hommes et des femmes politiques de gauche.

Dans 3ème temps, surfant sur les deux premières séries de sondage, ils tentent d’imposer DSK comme l’homme politique de gauche qui l’emporterait le plus facilement face à Sarkozy.

Ces sondages favorables à DSK (avec leurs étroites limites) ont trois origines.

La 1ère, c’est la construction sondagière et journalistiques qui vient d’être analysée.

La 2ème, c’est, après l’énorme mobilisation en défense de nos retraites, la volonté très partagée de se débarrasser à tout prix de Sarkozy.

La 3ème, c’est que beaucoup d’électeurs de gauche croient encore que le FMI est réellement venu « en aide » à la Grèce et à l’Irlande. Au fur et à mesure, cependant, que ce type d’ « aides » frappera de nouveaux pays européens tels que le Portugal, l’Espagne, l’Italie ou notre pays, l’image de DSK n’aura sans doute plus grand-chose à voir avec celle que les médias tentent d’imposer aujourd’hui.

Encore faudra-t-il que le PS ait, alors, un(e) candidat(e) qui refuse clairement d’être le ou la Papandréou français(e).


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