Le mélenchonisme dantonien (réponse à Guy Sorman)

mercredi 5 mai 2021.
 

A) Textes émanant de Guy Sorman et de son blog

En France, il y aura toujours un piédestal pour les Melenchon. Quoi qu’ils disent, c’est à dire rien : pas de texte mais un hymne. Le mélenchonisme cristallise des courants nationaux et exclusifs : la défense des intérêts des fonctionnaires , la haine de l’économie réelle et la litanie révolutionnaire dont on berce encore les enfants des écoles. Ainsi, au croisement du matérialisme et de l’idéologie, est-il aisé de réunir des foules enchantées. Au second tour disparait le mélenchonisme mais son sillon reste assez profond pour rendre toute réforme impossible.

07 avril 2012 à 09:26 Guy Sorman

La France est rendue inreformable par les melenchonismes du moment vous dites. C’est possible. Je pense que Melenchon ne fait que surfer sur la realite politique du pays : la majorite des gens en France ont une sensibilite de gauche et rejette clairement l’economie de marche, surtout si on parle en comparaison avec les autres pays occidentaux. Le resultat est que l’on va droit dans le mur. Le mur qu’ont rencontré le Portugal, l’irlande et bien sur la Grece et qui se profile pour l’Espagne. Une fois dans ce mur, on sera bien forcé de faire quelque chose. Mais il sera bien sur trop tard. Je pense que la France sera au centre de l’Euro-crise dans les mois qui viennent. La catastrophe est la. Et quand, apres la catastrophe, on relira ou rediffusera tous ces debats (et toutes ces decisions ou non-decisions de nos gouvernants), on se dira, "mais comment pouvaient-ils etre si stupides ?", de la meme facon que l’on regarde aujourd’hui (ou depuis l’apres guerre) les debats politiques et les decisions des gouvernants de l’epoque face a la montee du nazisme dans les annees 30 en se disant "mais comment pouvaient-ils etre aussi laches ?".

Rédigé par : Avidadollars | 08 avril 2012 à 17:46

B) MA REPONSE (Robert Mascarell)

Je fréquente votre blog de loin en loin, mais chaque fois je ne suis pas déçu. J’y trouve exprimé le libéralisme sans fard, un peu comme on pourrait l’entendre développé au Café du Commerce, les grossièretés en moins. Vous décrétez donc que Mélenchon aurait « la haine de l’économie réelle ». Bien sûr, vous n’étayez pas votre propos.

Jusque-là, je vous croyais cultivé et intelligent. Vos propos lapidaires me font craindre une erreur de jugement de ma part.

En tout cas, je suis sûr d’une chose : vous ne comprenez rien à la réalité du capitalisme à son stade actuel de développement. En ce mois d’avril 2012, ce qui caractérise votre système chéri, c’est précisément que sa crise inexorable est due à la prééminence de plus en plus flagrante du capitalisme financier ou spéculatif par rapport au capitalisme industriel ou économie réelle.

A ce propos, il me revient que le 26 décembre 2010 j’avais écrit sur votre blog ce qui suit :

« Permettez au non-économiste que je suis, enfin pas tout à fait, mais qui est doté d’un solide bon sens, de vous dire que non seulement les pays capitalistes riches, dont les Etats-Unis, sont toujours en crise, mais que celle-ci va inéluctablement connaître plusieurs rebonds gravissimes. Une sorte de crise en W entrecoupée de U, mais une crise continue. Bref, une crise fatale. Pour quand ? 2011, 2012….2020, 2025, plus tard ? A l’échelle d’une vie humaine, dans pas trop longtemps.

Pourquoi tant d’assurance de ma part ? Il suffit de lire Marx, cet analyste implacable du système capitaliste qui, semble-t-il, hante tant vos nuits. Vous avez raison d’en avoir peur.

Vous, vos références ce sont Friedrich Hayek et Milton Friedman, les maîtres à penser de Pinochet, moi c’est Marx, Lordon, Généreux.

Dans ce que Marx appelait « la formule générale du capital » (tome I du Capital), celui-ci a traduit les différents stades de développement du capitalisme en équations, où M représente l’acte de produire et de vendre la Marchandise et où A représente l’Argent et A’ sa plus-value.

L’équation finale du capitalisme est formulée de la manière suivante par Marx : A>A’ (l’argent qui génère plus d’argent. Dans cette phase, M (production industrielle ou économie réelle) a disparu.

C’est le stade auquel le système capitaliste est parvenu aujourd’hui, cohabitant tout de même avec l’économie réelle (A>M>A’ -l’argent achète une marchandise revendue ensuite avec une plus-value). La phase A>A’ est le résultat de l’accumulation du capital et des concentrations industrielles et financières, intervenues au fil des décennies.

Les plus gros mangent les plus petits et imposent la loi de la jungle. Ainsi, dès 1867, Marx entrevoyait déjà que le capitalisme, dans sa phase ultime, se libèrerait du carcan de l’économie réelle, pour devenir de plus en plus financier. Il parlait « d’argent qui pond de l’argent, monnaie qui fait des petits ».

Si bien que, dans nos contrées, l’économie réelle croît péniblement maintenant à raison de 1 à 2 % l’an (et encore, dans ce taux croissance sont pris en compte des éléments de l’activité économique parfaitement nuisibles pour les hommes, les animaux et la nature), alors que sur les marchés financiers les taux de retour sur investissements, exigés par les capitalistes et les fameux actionnaires, sont supérieurs à 15 % l’an, avec effet immédiat en outre. C’est pourquoi, je prétends avec certitude que les libéraux du monde entier peuvent se réunir tant qu’ils veulent, jamais ils ne pourront empêcher la financiarisation de l’économie capitaliste, c’est-à-dire la formation de bulles financières gigantesques appelées inéluctablement à exploser, et la quête effrénée de profit immédiat de ses laudateurs. La logique de leur système est plus forte qu’eux. Il n’y a pas de place pour la morale dans ce système, pas même pour la régulation. La seule règle admise dans ses hautes sphères c’est la loi du plus fort.

On comprend mieux dans ces conditions que tous les libéraux : politiciens, économistes, profiteurs, exploiteurs, spéculateurs aient jeté Marx dans les oubliettes de l’histoire. Ils sont dans leur rôle. Dommage pour eux, la réalité est plus forte qu’eux.

Je vous rejoins sur un point : je n’oppose pas le mauvais capitalisme financier au bon capitalisme industriel. A supposer qu’il y ait deux capitalismes, leur imbrication est tellement inextricable qu’il est vain de les séparer et, qui plus est, de les opposer. »

Aujourd’hui 20 avril 2012, je ne retire pas un mot à ce que j’écrivais le 26 décembre 2010. Les faits survenus en dix-huit mois donnent entièrement raison à Marx, à Mélenchon, comme à moi-même.

Si, en dehors de votre culture superficielle, uniquement destinée à vous permettre de briller dans les salons, entre gens bien élevés, vous aviez fait preuve de la moindre capacité d’analyse, vous n’auriez jamais pu écrire que Mélenchon était hostile à l’économie réelle. Il pense exactement l’inverse. C’est même là sa principale critique du capitalisme d’aujourd’hui. Mais manifestement c’est trop fort pour vous.

Sur votre blog, il y a déjà une ineffable vedette, un certain DJ, je viens d’en découvrir une autre, un certain Avidadollars. Tout est dit dans son pseudo. Pour ce personnage aux idées courtes : à cause de gens comme Mélenchon, la France va droit dans le mur. Avidadollars ajoute « Le mur qu’ont rencontré le Portugal, l’Irlande et bien sûr la Grèce et qui se profile pour l’Espagne ». Cher Avidadollars, dans ces quatre pays, il n’y a malheureusement pas de responsable politique de la trempe de Mélenchon ni d’organisation aussi structurée et forte que le Front de Gauche.

C’est probablement pour cela que ces pays sont déjà dans le mur et que leur descente aux enfers ne se terminera que lorsque les peuples concernés se soulèveront.

Je crains que, tout à votre cupidité, si j’en crois votre pseudo, vous ne compreniez goutte à ma mise au point. Le temps que vous passez à compter vos sous, vous ne pouvez le passer à vous instruire. Dommage pour vous.

Rédigé par : Robert Mascarell | 20 avril 2012 à 18:11


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