3 janvier 1973 Modification du statut de la Banque de France, pas décisif vers la financiarisation de l’économie

samedi 13 janvier 2024.
 

Réponse à l’article Les enjeux de la dette

Avant la réforme de la banque de France en 1973, l’état pouvait emprunter directement à sa banque centrale, c’est-à-dire à la banque de France. Et comme la Banque de France est une institution publique depuis qu’elle a été nationalisée en 1945, entre cette date et 1973 (les 30 glorieuses), l’état empruntait sans payer d’intérêts.

Mais depuis cette réforme, le gouvernement a interdit cette pratique. L’état fut dès lors obligé d’emprunter sur les marchés financiers privés et donc obligé de payer des intérêts.

La dette publique est apparue dès ce moment, et il est intéressant de constater que depuis 1978 (les chiffres de l’INSEE commencent en 1978) l’état n’a payé pratiquement que des intérêts et pour un montant cumulé équiva-lent à environ 1500 milliards d’euros, c’est-à-dire quasiment la totalité de la dette publique.

Bien que cela soit une projection fantaisiste (car évidemment les comportements des gouvernements auraient été modifiés), on peut raisonnablement penser que si les gouvernements ne s’étaient pas interdit d’emprunter directe-ment à la banque centrale sans payer d’intérêts en 1973, aujourd’hui il n’y aurait pas ou quasiment pas de dette publique.

Quand l’état emprunte sur les marchés financiers, il émet des obligations d’états, c’est-à-dire une reconnaissance de dette. A la différence d’un emprunt classique, l’état ne rembourse le montant du prêt qu’à son échéance finale (les durées les plus courantes sont de 2 ou 10 ans, la moyenne pour la dette publique française est environ de 7 ans). Et chaque année, l’état n’a donc finalement à payer que des intérêts, c’est ce qu’on appelle le service de la dette, soit environ 50 milliards d’intérêts en 2011, et c’est la 2ème plus grosse dépense dans le budget de l’état.

Hors depuis le milieu des années 1970, le budget de l’état étant systématiquement en déficit, pour rembourser les obligations arrivées à échéance, l’état en réémet de nouvelles … C’est l’AFT (Agence France Trésor) qui s’en oc-cupe. Bref, depuis presque 40 ans, pour rembourser ses emprunts, l’état réemprunte. Voilà pourquoi, depuis tout ce temps, nous n’avons pratiquement payé que des intérêts.

Seulement tout ceci a un effet pervers, cela signifie que nous payons encore aujourd’hui des intérêts pour des emprunts qui ont été fait et remboursés il y a 40 ans … C’est comme si petit à petit nous payions 2 fois puis 3 fois puis plus le temps passe plus nous payons de fois, les intérêts des mêmes choses que nous avons déjà payé … C’est de l’usure. Cela nous a couté 1500 milliards d’euros jusqu’à présent ! C’est comme si on avait tout payé deux fois !

Vous avez tout à fait raison d’attirer l’attention sur la modification du statut de la Banque de France en 1973 qui constitue en réalité une véritable bombe économique et politique dont les dégâts, en effet, se font encore sentir.

La Loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France (aussi appelée loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, et parfois, péjorativement, loi Rothschild, allusion au fait que Pompidou fut directeur général de la Banque Rothschild), est une loi votée en France sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’Économie et des Finances, sous la présidence de Georges Pompidou.

L’article 25 de cette loi est le suivant : « Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France. » Cet article a également été repris par l’article 104 du traité de Maastricht et par l’article 123 du traité de Lisbonne. L’article de wikipédia sur cette question est très instructif : http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_n%...

Pour justifier cette mesure d’apparence technique, VGE explique "qu’il s’agissait à l’époque de constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long terme, qu’il soit émis par une entité privée ou publique."De son propre aveu, c’est donc une véritable financiarisation de l’économie qui est mise en place par ce moyen.

Mais au-delà de ces décisions technico- économiques que vous décrivez à juste titre, il faut bien comprendre qu’il existe des intérêts de classe qui en sont la cause profonde.

Par exemple, lorsque la loi de 1973 est votée, Georges Pompidou, Giscard d’Estaing sont particulièrement liés, par leurs liens familiaux, amicaux et professionnels, à l’oligarchie financière et industrielle.

On peut se reporter à Wikipédia pour avoir une description de ces liens : c’est tout à fait probant Parlons quelques instants de son épouse Anémone Giscard d’Estaing : "Son père, François Sauvage, comte romain de Brantes, était le fils de Marguerite Schneider, elle-même fille de l’homme politique et industriel Eugène I Schneider et de Paul Sauvage, 1er marquis romain de Brantes. Les Sauvage de Brantes ont accédé à la noblesse par bref pontifical du 19 mai 1898, par lequel le pape Léon XIII accorda à Paul Sauvage de Brantes le titre de marquis de Brantes." (http://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-A... )

Il ne faut pas oublier que derrière des mots comme banque, marché, finance se cache une réalité sociologique et politique : les quelques milliers de familles fortunées, qui ne se réduisent pas aux patrons du CAC 40, dont les intérêts de classe sont défendus par leurs amis politiques qui instrumentalisent l’État à cet effet.

On peut se reporter aux ouvrages de sociologie de Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot : Grandes fortunes. Dynasties familiales et formes de richesse en France (éditions Payot) et sociologie de la bourgeoisie (éditions La Découverte).

C’est la raison pour laquelle j’ai mentionné la notion de "chaîne d’or" utilisée par Ernest Mandel pour qualifier la dette publique comme moyen d’assujettissement de l’État aux intérêts de la grande bourgeoisie. (http://www.gauchemip.org/spip.php?a... ).

Hervé Debonrivage


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