Chaque jour le travail humain donne naissance à une quantité gigantesque de biens et de services : depuis 1950, la production mondiale a été multipliée par 7. En moins de 2 siècles, le niveau de vie a été multiplié par 15, le volume des échanges internationaux par 100, la production mondiale de biens industriels par 200. Jamais au cours de son histoire l’humanité n’aura autant produit. Jamais elle n’aura été aussi riche. Jamais elle n’aura connu un tel développement des sciences et des techniques.
Mais, loin d’annoncer une ère nouvelle d’épanouissement, cette période voit le retour en force des chaînes les plus anciennes.
Les chaînes infligées par le nouvel âge du capitalisme s’imposent partout, sans limites ni frontières, soumettant tout et chacun à la logique du profit maximal, aux exigences immédiates des actionnaires, au rythme tyrannique du carnet de commandes.
Les chaînes de la misère emprisonnent des centaines de millions d’hommes et de femmes, la majorité de celles et ceux qui vivent dans les pays du Sud, un nombre considérable et sans cesse croissant d’habitants du Nord.
Les chaînes de l’idéologie dominante et celles des obscurantismes qui déferlent soumettent de plus en plus profondément les consciences aux normes morales qui servent les intérêts du système. C’est sans doute la servitude la plus solide car c’est celle que l’on voit le moins. Or il n’est pas d’esclave plus fermement enchaîné que celui qui est heureux de l’être parce qu’il se croit libre.
Les chaînes du capitalisme Le capitalisme de notre époque exerce une domination sans précédent sur l’ensemble des activités humaines. C’est la marchandisation généralisée du monde. La privatisation et la libéralisation massive des services publics en sont les indicateurs les plus significatifs. Elles en montrent aussi les conséquences. Les services publics étaient les moyens de mettre des secteurs vitaux au service de l’intérêt général. Ils étaient les droits de l’humanité en actes, le droit de se soigner, d’aller à l’école, de se déplacer, de communiquer... Aujourd’hui, ils ont été largement démantelés pour offrir un nouveau terrain de conquête et d’accumulation aux intérêts capitalistes. Du coup, ce sont les droits humains fondamentaux sont remis en cause par la logique privée. Les néo-libéraux l’assument désormais quasiment ouvertement. Malcom Harbour, co-rapporteur de la directive Bolkestein au Parlement européen, le dit avec une franchise presque naïve : « il serait injuste d’empêcher certaines compagnies privées de profiter du libre marché sous prétexte que les services qu’elles fournissent correspondent à l’intérêt général. »
Libéré des règles qui lui étaient jusqu’alors imposées au nom de l’intérêt général, le capitalisme de notre époque a pu obtenir une dégradation considérable de la condition salariale. Pour parvenir à ce résultat, il n’a pas hésité à se servir du chômage de masse comme d’une stratégie. Soumis à une pression croissante, les salariés ont vu le rapport de forces social évoluer en leur défaveur et leurs protections reculer une à une. Le droit du travail et la protection sociale ont été patiemment rognés ou détricotés. La majorité travailleuse de l’humanité se trouve alors plus que jamais livrés aux exigences aveugles de la finance et aux variations du carnet de commande. La modification spectaculaire du partage de la richesse produite (plus de dix points de valeur ajoutée sont passés en 25 ans des salaires vers les profits) témoigne du basculement des rapports de force entre capital et travail qui caractérisent le nouvel âge du capitalisme. Il y a dans cette inversion un parfum de 19e siècle : le rétablissement du droit de licencier sans motif ni contrôle avec le Contrat Premières Embauches montre quelle est l’ampleur du retour en arrière. Le sens du progrès se trouve dès lors inversé. C’est d’autant plus que le progrès technique et technologique est mis au service d’un mode de développement qui gaspille les ressources rares et menace les équilibres écologiques de la planète.
Lorsque les intérêts du capital s’imposent au détriment de l’intérêt général, le peuple des citoyens disparaît au profit d’un marché éclaté de clients renvoyés à l’irréductible différence des pouvoirs d’achat et des préférences de consommation individuelle. La mondialisation néo-libérale prétendait rapprocher les hommes. En réalité, elle les divise et les oppose, donnant naissance à un monde morcelé et fracturé où la solidarité et l’unité humaines n’ont pas leur place.
Les chaînes de la misère La moitié de l’humanité vit avec moins de 2 dollars par jour. 20 % de la population mondiale n’a pas d’eau potable, 40 % n’a pas d’installations sanitaires, 40 % n’a pas l’électricité. 842 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde (un habitant sur huit). Si l’on ne fait rien, il y en aura 100 millions de plus d’ici 2015.
A l’échelle de l’humanité toute entière, les pauvres sont le plus grand nombre. L’acceptation de cette situation est l’un des signes majeurs des reculs de civilisation que nous connaissons. Le fondateur du libéralisme économique, Adam Smith écrivait au dix-neuvième siècle : « Aucune société ne peut être florissante et heureuse si une écrasante majorité de ses membres vivent dans la pauvreté et la misère. » Qui dirait cela au vingt-et-unième siècle parmi ceux qui se réclament aujourd’hui du libéralisme d’Adam Smith ? On voit à l’inverse les néo-libéraux s’efforcer de faire croire que la pauvreté relève de la fatalité ou de la seule responsabilité de ceux qui la subissent. On comprend pourquoi, sur la base de telles théories, l’aide publique au développement fournie par les pays riches a diminué de moitié au cours des années 1990.
On ne peut pas vivre en homme libre lorsque l’on est dans la misère, lorsque son projet de vie se résume à la survie. Mais au-delà, c’est toute la société qui ne peut être libre tant que règne une pauvreté massive. Pour que la pauvreté devienne tolérable et n’entraîne pas la remise en cause de l’ordre social qui la produit, il faut certes que les pauvres se soumettent mais aussi qu’une majorité de satisfaits considère la misère comme un fait somme toute acceptable. Ceux-ci le font sous toutes les latitudes par l’incorporation de la morale du « chacun pour soi » qui tombe à pic pour préserver leur bonne conscience, parfois même en niant l’humanité des pauvres. La pauvreté agit ainsi dans les rapports objectifs comme dans les représentations subjectives comme un puissant dissolvant des solidarités humaines.
La gauche mexicaine a comme slogan « pour le bien de tous, les pauvres d’abord ». Sur tout le continent sud-américain, les nouveaux gouvernements de gauche placent leur action sous ce signe. La France n’est certes pas dans une situation aussi dégradée que celle de ces pays. Les pauvres ne constituent pas la majorité de la population. Mais la pauvreté n’y représente pas un phénomène marginal. On compte déjà deux millions d’enfants pauvres. Le nombre de travailleurs pauvres a explosé. Les attributaires du RMI sont en augmentation constante. La pauvreté n’est pas une persistance du passé, c’est une tendance lourde qui est à l’œuvre. La pauvreté de masse n’est pas le résultat de comportements propres aux pauvres, elle résulte de logiques qui traversent toute la société. Dès lors ce que l’on prend pour la périphérie est en fait le centre. La pauvreté moderne est le fruit de la précarité du travail et du chômage de masse, de la ségrégation urbaine et du recul de la solidarité publique. C’est la conséquence des normes qui dominent le capitalisme de époque. On ne fera donc pas régresser la pauvreté en recourant à de simples politiques sectorielles plus ou moins agrémentées de discours compassionnels mais en s’attaquant aux racines de la misère, ce qui implique de remettre en cause le fonctionnement de la société capitaliste dans son ensemble.
S’attaquer à la pauvreté, c’est aussi une condition de la réunification le peuple que le néo-libéralisme a divisé. C’est conjurer le risque d’une guerre menée par chacun contre celui qui est encore plus pauvre que soi, laissant pendant ce temps tranquilles et incontestés ceux qui amassent des fortunes considérables et accaparent l’essentiel des richesses produites. Faut-il rappeler que les 1% les plus riches du monde ont un revenu égal aux 57% les plus pauvres ? Que les trois personnes les plus riches du monde possèdent une fortune supérieure au PIB des 58 pays les plus pauvres, soient 600 millions de personnes ? C’est à cette explosion des inégalités que l’on constate partout comme un invariant d’échelle qu’il faut s’attaquer. C’est pourquoi, en France aussi, nous disons que ce qui est bon pour les pauvres est bon pour tous.
Les chaînes de l’obscurantisme En 2006, l’obscurantisme se porte bien. Partout les communautarismes prospèrent sur la destruction du lien social que provoque le capitalisme de notre époque. Ils se présentent souvent comme des moyens de résister au système, de lui opposer d’autres normes morales, de reconquérir autonomie et dignité contre ce qui est ressenti à juste titre comme une négation des personnes. Mais en réalité, les ethnicismes et les intégrismes de toutes sortes marchent main dans la main avec l’ordre néo-libéral. Ils en sont les meilleurs alliés. Ils sont en effet parfaitement compatibles avec le marché, mais radicalement hostiles à l’existence d’un intérêt général et à la constitution de communautés politiques fondées sur l’égalité des citoyens. Le communautarisme, qui repose avant tout sur la domination des membres de la « communauté » par ses chefs, porte la négation de l’espace public. Il laisse ainsi à la marchandise le soin d’incarner un semblant d’universel et constituer le véhicule exclusif des relations avec ceux qui ne font pas partie de la communauté.
L’origine du déferlement obscurantiste auquel nous assistons se trouve également dans la nature de l’idéologie dominante de notre époque. Celle-ci procède en effet à un profond remodelage des identités sociales disponibles et entretient un glissement permanent vers les modèles communautaires. L’idéologie dominante agit en particulier pour invalider l’identité ouvrière qui a constitué pendant des décennies la figure centrale de référence pour le peuple de gauche. L’ouvrier, et au-delà le peuple populaire, est à la fois occulté (il est rendu invisible) et dénigré (il est ouvertement méprisé). Dans les médias de la culture de masse, journaux, publicités, séries télévisuelles, les travailleurs n’existent pas ou alors comme des survivances exotiques d’un monde révolu. Dans un pays comme la France, les ouvriers et les employés constituent pourtant la majorité de la population active ! Lorsqu’ils admettent son existence, les médias présentent le peuple populaire comme une masse sans visages obéissant à des instincts primaires et à des peurs irrationnelles, qui se manifeste de temps en temps par des colères immatures et aberrantes. C’est sous cet angle, qui rappelle là encore la vision que les bien-pensants du 19e siècle avaient des « classes dangereuses », que le récent référendum sur la Constitution européenne a été pensé par les médias dominants français et qu’il continue à l’être depuis la victoire du « non ». C’est ce mépris de classe que diffusent sans même se cacher tous ceux qui préparent le retour de la Constitution européenne et expliquent que la volonté populaire du 29 mai compte pour du beurre. Tous les jours, des commentateurs politiques et médiatiques, qui se présentent comme l’avant-garde de la démocratie, expliquent sans sourciller que le peuple s’est montré indigne de ceux qui lui ont fait l’honneur de le consulter. La réalité de l’intelligence populaire et du mouvement de réappropriation civique du débat européen qui s’est produit lors de la campagne référendaire est soigneusement niée.
La disqualification du peuple conduit à décourager tout sentiment d’appartenance aux classes populaires, transformées en véritables repoussoirs. En revanche, les médias dominants et la culture de masse abondent dans la mise en scène et la mise en valeur des innombrables identités communautaires par rapport auxquelles chacun est sommé de se situer et de se définir. Le travail de négation des identités collectives fondées sur les appartenances sociales ou les valeurs universelles prépare l’exaltation des particularités individuelles les plus étroites. Tout ceci encourage bien sûr le repli communautariste et entraîne également l’adhésion d’une portion croissante de la population à l’idéologie petite-bourgeoise. Tout devient bon en effet pour marquer sa distance avec le peuple, surtout lorsque l’on partage en réalité ses conditions d’existence. Divisé à un bout par le développement de la pauvreté, le peuple l’est à un autre bout par la prise de distance petite-bourgeoise de ceux qui ont fini par croire à l’indignité du peuple (d’où la nouvelle fortune dont bénéficie de nos jours l’accusation de populisme) et trouvent en conséquence plus valorisant de penser et voter comme l’éditorialiste du Monde que comme son voisin de palier.
L’alliance des libéraux, des communautaristes et de l’idéologie petite-bourgeoise contribue à une fausse conscience qui dissimule les rapports sociaux réels qui se nouent dans nos sociétés capitalistes. Elle joue ainsi le rôle d’un puissant ciment qui enlève aux citoyens la possibilité de changer le monde dans lequel ils vivent et de se rassembler autour d’un projet émancipateur qui les aide à comprendre et donc à dépasser leurs déterminismes sociaux.
L’émancipation est le processus par lequel l’homme brise ses chaînes. C’est celui par lequel l’esclave devient un homme libre. C’est le chemin que construit l’homme en apparence libre pour accéder à la liberté véritable et réaliser pleinement ses possibilités. C’est aussi l’horizon qui donne un sens et une direction d’ensemble aux efforts des hommes pour rendre le monde meilleur, pour aller vers un développement plus humain. Le projet d’émancipation s’appuie sur des siècles de progrès humain. Il n’est sûrement pas dépassé. A notre tour, nous voulons le faire vivre.
L’émancipation est l’affaire de tous et de chacun L’émancipation est un processus à la fois individuel et collectif.
L’émancipation est toujours individuelle, dans le sens où chaque homme est le sujet de sa propre émancipation. L’histoire montre que l’émancipation ne peut être ni concédée ni imposée. C’est ce que nous enseigne par exemple l’étude de la colonisation ou, sur un plan très différent, les échecs rencontrées par les plus belles expériences révolutionnaires. L’émancipation est d’abord une conquête sur soi-même car elle implique le dépassement de l’étroitesse des intérêts sociaux comme celui des préjugés dans lesquels baigne chaque homme. L’émancipation n’est pas le fruit d’une nécessité aveugle : elle doit être voulue consciemment. C’est pourquoi l’émancipation ne peut être que l’œuvre de citoyens éduqués et motivés. Les militants de l’émancipation ont donc toujours accordé une place centrale à l’éducation et à la liberté de conscience.
En même temps, l’émancipation est un processus nécessairement collectif. Car aucun esprit ne peut être libre si les conditions sociales n’en sont pas réunies. La citoyenneté véritable implique une puissante machinerie sociale pour émanciper l’homme de sa soumission aux aléas quotidiens qui dominent l’état de nature. Elle exige également une construction politique collective sans laquelle il ne peut y avoir de processus de formation de l’intérêt général. C’est parce qu’il avait compris que l’émancipation était un processus éminemment collectif que le mouvement ouvrier a tenu jusqu’à nous le fil des Lumières au cours des deux derniers siècles.
L’émancipation est nécessairement globale Le philosophe républicain Henri Pena-Ruiz distingue six registres de l’émancipation : l’émancipation juridique, l’émancipation politique, l’émancipation intellectuelle, l’émancipation éthique, l’émancipation culturelle et l’émancipation sociale. Mais l’émancipation elle-même est un processus global. « Les luttes pour la justice et la liberté privilégient tour à tour un des registres de l’émancipation, avec pour horizon une émancipation totale, concernant l’homme comme tel, compris dans tous ses domaines d’épanouissement. C’est dire qu’un registre isolé d’émancipation reste fragile, voire sujet à retournement, dès lors que demeurent des facteurs dans les autres registres. » Ainsi, l’émancipation juridique toute seule ne suffit pas : l’état de droit est insuffisant sans les conditions sociales qui lui donnent corps. De même, l’émancipation sociale est insuffisante sans l’émancipation intellectuelle qui libère de la soumission à l’idéologie dominante. Le projet émancipateur doit donc articuler dans une même dynamique toutes les dimensions de l’émancipation sans en négliger aucune.
L’exigence émancipatrice et la République sociale Pour peu qu’on la prenne au sérieux, l’émancipation est un projet politique extrêmement exigeant. Elle implique en effet la liberté, l’égalité, la laïcité, la souveraineté populaire, la vertu républicaine, l’esprit de progrès des Lumières. Le projet émancipateur met donc à l’ordre du jour une nouvelle République Sociale.
Il n’y a pas d’émancipation juridique sans liberté L’émancipation juridique fonde l’existence d’un état de droit. Réalisée pour l’essentiel dès la Révolution française, elle est aujourd’hui menacée par le recul des libertés décidé au nom des politiques sécuritaires. L’émancipation juridique implique la reconnaissance de la présomption d’innocence, l’inviolabilité des personnes, l’égalité devant la loi, le plein exercice des libertés publiques.
Il n’y a pas d’émancipation politique sans souveraineté populaire L’émancipation politique transforme les sujets en citoyens. Elle est aujourd’hui menacée par le fonctionnement oligarchique des institutions. Jamais depuis longtemps la volonté populaire n’avait été aussi clairement piétinée. L’émancipation politique implique la reconnaissance du principe de souveraineté populaire comme fondement de la communauté politique et de l’action de l’Etat.
Il n’y a pas d’émancipation intellectuelle sans laïcité L’émancipation intellectuelle permet de libérer les individus en leur donnant une capacité de jugement autonome par l’exercice de la raison. L’émancipation intellectuelle implique l’éducation et la liberté de conscience, donc la laïcité.
Il n’y a pas d’émancipation éthique sans vertu républicaine L’émancipation éthique transforme les individus en personnes. Elle est menacée par l’actuelle apologie de la force, de l’égoïsme et de l’irresponsabilité, véritable corruption morale de notre époque. L’émancipation éthique implique des normes fondées sur la responsabilité et l’altruisme, fondements de la vertu républicaine.
Il n’y a pas d’émancipation culturelle sans l’esprit des Lumières L’émancipation culturelle permet de forger des esprits libérés des conditionnements et des préjugés culturels. Elle est menacée par le déferlement inouï d’une idéologie dominante qui dispose de moyens de diffusion sans précédent et par la constitution d’une caste médiatique qui occulte la réalité sociale. L’émancipation culturelle implique notamment la capacité de la société à maîtriser sa propre représentation.
Il n’y a pas d’émancipation sociale sans égalité C’est celle qui reconnaît les droits sociaux des citoyens, et refuse que les salariés, « rois dans la Cité » soient traités en « sujets dans l’entreprise », comme le dit la formule célèbre de Jean Jaurès. Elle est menacée par la destruction des services publics et par la dégradation de la condition salariale. L’émancipation sociale implique notamment la garantie des droits sociaux fondamentaux par les services publics, la protection sociale et un droit du travail établissant la dignité des travailleurs.
Liberté, égalité, laïcité, souveraineté populaire, vertu républicaine et esprit des Lumières : ce sont là les principes proclamés par la Grande Révolution de 1789. Le projet émancipateur requiert leur plein développement. Mais le développement capitaliste les fait reculer chaque jour. Les héritiers de 1789 ont rencontré cette contradiction à de multiples reprises dans l’histoire de notre pays. Les révolutionnaires de 1848 ou les écrits de Jean Jaurès disent leur volonté de mener la Révolution Française à son terme et ont donné à leur espérance le beau nom de République Sociale.
Eradiquer la misère Pour éradiquer la misère, nous proposons de commencer par assurer le droit au logement, inscrit là encore dans notre Constitution, mais largement bafoué dans la réalité.
Avoir un toit est en effet une condition principale de toute insertion sociale : le droit au logement permet l’accès à d’autres besoins élémentaires tels que la santé ou l’éducation. Le droit au logement a donc été constamment réaffirmé : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, déclaration comme droit fondamental dans la législation française en 1989, puis par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et réaffirmation par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Pourtant, en raison de la flambée des prix du foncier (plus de 94 % entre 1998 et 2004 pour la valeur de l’ancien à Paris !) et de la saturation de l’offre de logement, plus de trois millions de personnes vivent dans des conditions de logement leur interdisant tout épanouissement et perspective d’avenir. Les pratiques discriminatoires, les dangers de l’habitat insalubre et les conditions d’exclusion sociale qui en découlent ne sont plus tolérables.
C’est pourquoi nous proposons désormais d’instituer une obligation de résultats et non plus seulement de moyens, afin que la proclamation du droit au logement cesse d’être une sinistre plaisanterie. Le droit au logement doit devenir un droit opposable. Est opposable un droit pour lequel toute personne peut saisir le Tribunal administratif en cas de non-respect de ce droit indispensable. C’est l’une des principales conclusions du Haut Comité pour le Logement des Personnes défavorisées mis en place par Jacques Chirac, à laquelle il s’est empressé de ne pas donner suite.
C’est ce qui est largement acquis pour le droit à l’éducation, depuis plus d’un siècle, alors même qu’à l’époque l’Etat ne disposait pas encore des moyens nécessaires à son exercice. La reconnaissance du droit à l’éducation a ainsi ouvert un processus de développement de l’offre publique d’éducation.
Rendre au travail sa dignité On a entendu récemment la droite parler de réhabilitation du travail... Quelle ironie ! C’est en effet le capitalisme et le libéralisme qui dégradent sans cesse le travail humain, en cherchant à le réduire au rang d’une marchandise comme les autres. Pour réhabiliter le travail, il faut premièrement qu’il soit garanti et deuxièmement qu’il soit correctement rémunéré.
Nous voulons d’abord rendre effectif le droit au travail, revendiqué dès 1848, inscrit depuis lors dans notre Constitution, mais bafoué dans la pratique par l’existence d’un chômage de masse permanent qui installe les salariés dans un rapport de forces structurellement défavorable. Ce droit au travail doit passer avant le droit de propriété capitaliste, car le but de la société est de faire des citoyens et non des profits, et qu’il n’est pas de citoyenneté véritable sans droit au travail. Par ailleurs, il n’y a aucune raison que les salariés subissent les aléas des entreprises alors qu’ils n’y ont aucun pouvoir de gestion.
Nous proposons donc de mettre en place un nouveau statut du salariat garantissant la continuité du contrat de travail. En cas de difficulté économique de l’entreprise, il ne serait pas mis fin au contrat de travail. Le travailleur continuerait à bénéficier du maintien de sa rémunération, assurée par une nouvelle caisse de Sécurité sociale, d’une protection sociale intégrale ainsi que de la possibilité de choisir une formation prise en charge elle aussi intégralement. La période d’attente d’un autre emploi serait mise à profit pour maintenir et améliorer les compétences professionnelles du salarié de manière à empêcher toute déqualification, source d’exclusion individuelle et de gâchis collectif. Bien sûr, cette nouvelle définition des droits du salarié ne doit pas être le prétexte à une libéralisation du régime du licenciement comme le veulent les libéraux. Le patronat serait au contraire pleinement responsabilisé : obligation de reprise du salarié en cas de redémarrage de l’activité, financement du dispositif par les cotisations patronales modulées par un système de bonus-malus pénalisant les pratiques de « travail jetable ». Cette réforme aurait par ailleurs l’avantage de fondre l’ensemble des contrats de travail dans un contrat unique, mais aligné vers le haut, de réintégrer pleinement les chômeurs dans le salariat et de rapprocher la situation des salariés du privé de ceux des salariés du public. Ce serait donc un formidable facteur d’unification du salariat.
Ensuite, nous voulons que le travail soit correctement rémunéré. En s’attaquant au chômage de masse, nous rétablirons déjà les conditions d’un rapport de forces plus équilibré qui se traduira immanquablement par une revalorisation des salaires. Mais la loi doit aussi accompagner ce mouvement en portant le SMIC à 1500 euros nets et en décidant l’alignement automatique des minimas conventionnels inférieurs au SMIC.
Mettre le peuple aux commandes Seuls 36% des électeurs inscrits ont participé à tous les scrutins lors des derniers rendez-vous électoraux de 2004 (élections régionales et européennes). Inversement, un quart de l’électorat s’est abstenu systématiquement à tous les votes. Encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte le fait que 10% des citoyens majeurs ne sont même pas inscrits sur les listes électorales.
Cette abstention de plus en plus massive est socialement située. Les non-diplômés participent à 62 % des consultations et les diplômés d’études supérieures à 80 %. Les chômeurs et les détenteurs d’un emploi temporaire (stage rémunéré, emploi aidé, contrat à durée déterminée, intérim) votent nettement moins que les salariés en contrat à durée indéterminée. Parmi ces derniers, les salariés du secteur public votent plus souvent que ceux du secteur privé. Par rapport à un salarié travaillant dans le secteur privé à durée indéterminée, le fait d’être au chômage augmente de 4 % la probabilité de s’abstenir systématiquement, à âge et diplôme égal, et le fait d’occuper un emploi temporaire l’accroît de 2 %. Par ailleurs, les propriétaires sont deux fois moins nombreux à s’abstenir systématiquement que les locataires (9 % contre 18 %), et plus de la moitié d’entre eux votent à tous les tours, contre 4 locataires sur 10.
On peut donc parler d’une dérive censitaire : ce sont les couches les plus aisées qui votent et qui déterminent la politique du pays au nom du peuple tout entier. Pour restaurer la plénitude de la démocratie, il faut inverser cette tendance. Le référendum du 29 mai a montré que c’est possible, puisqu’à cette occasion, les ouvriers ont pour la première fois voté davantage que la moyenne de l’électorat. Il faut donc comprendre ce qui a permis cet élan civique : une intense campagne d’opinion caractérisée par une importante implication citoyenne, un débat politique portant sur des orientations fondamentales, le sentiment de se réapproprier une part de souveraineté sur des sujets laissés jusque là à l’arbitrage de quelques responsables et experts. Ces enseignements doivent inspirer une profonde réforme des institutions débouchant sur une Sixième République qui soit aussi favorable à la participation populaire que la Cinquième République y est hostile.
Cela impose de changer en profondeur la politique en réaffirmant l’ambition de celle-ci à définir l’intérêt général contre les intérêts privés et à penser le long terme. Nous devons écarter l’illusion consistant à croire que la juridisation, la technique ou le tout marché peuvent réguler les sociétés sans action politique. Cela implique également de placer le citoyen, éduqué et mobilisé, au cœur de l’action politique, et lui redonner les moyens d’y participer. La démocratie « d’opinion » basée sur les sondages et le tout médiatique est un piège qu’il faut combattre. Cela passe notamment par la réhabilitation du débat public portant sur les grandes orientations politiques contre la personnalisation et la dépolitisation actuellement à l’œuvre. Nous voulons donner au citoyen les moyens de peser sur l’élaboration de la loi, norme suprême. Cela passe notamment par un régime parlementaire donnant la priorité au débat de fond sur les programmes législatifs plutôt qu’au choc des personnes lors des élections présidentielles. On pourrait également développer l’organisation de débats publics sur les grandes lois, avec tenue d’ateliers de lecture ouverts à tous dans les écoles, permettant à chacun de discuter et de s’approprier le contenu des textes votés au nom du peuple français.
Le droit à la représentation Les individus comme les sociétés se construisent à travers la représentation qu’ils se font d’eux-mêmes. C’est le fondement politique du droit à la culture. Mais celui-ci est souvent pensé à l’aune des seules pratiques artistiques. Or notre époque n’est plus celle qui voyait coexister culture savante pour les uns et cultures traditionnelles pour les autres. Elle est caractérisée par la production abondante d’une culture de masse qui structure l’ensemble du monde social, alors même qu’elle s’élabore en dehors de toute intervention des citoyens.
Par exemple, les journalistes exercent sans véritable contrôle public (à la différence des enseignants ou des médecins) un pouvoir exorbitant, véritable droit de vie et de mort sociale sur leurs contemporains, en décidant à leur gré ce qui est vrai ou faux, digne ou indigne d’intérêt, juste ou scandaleux. Ils exercent un quasi monopole sur la production des représentations de la société, d’autant qu’ils ont contribué à dénigrer et contourner toute forme concurrente, en dévalorisant l’engagement politique et en s’autoproclamant porte-parole du peuple par la grâce des sondages. Or le contenu des médias est loin d’être neutre. Il constitue même le principal vecteur de l’idéologie dominante de notre époque : apologie de la construction de soi par la consommation, dissolution des identités collectives, culte d’un hédonisme égoïste, exaltation des fausses rebellions qui ne remettent pas en cause le système. La reconquête de la société par elle-même suppose donc une offensive assumée avec l’emprise exercée par ces nouveaux cléricaux publicitaires-médiatiques.
Il s’agit d’abord d’une bataille culturelle à mener par la gauche. Celle-ci peut prendre pour cible les productions et les travers les plus abjects des médias dominants comme les émissions de télé réalité ou les bidonnages les plus grossiers de l’information. Mais, sans intervenir dans le contenu des médias, un gouvernement républicain doit prendre des mesures dans deux directions : rendre les médias publics au pays, assurer le droit à l’existence des médias alternatifs.
Les médias publics n’appartiennent pas à la caste des journalistes : ils appartiennent au peuple. La reconquête de l’audiovisuel public est une première nécessité. Celle-ci passe par une moralisation des pratiques. La recherche de l’audience est légitime, celle du profit ne l’est pas. Il faut donc mettre fin à l’ensemble des contrats léonins importés du privé qui permettent à quelques producteurs de s’enrichir au détriment des chaînes financées par le contribuable. De même, il faut interdire la publicité sur les chaînes publiques, dont le financement doit être intégralement assuré par l’impôt.
En complément, une politique volontariste doit être menée afin d’assurer le droit à l’existence des médias dits alternatifs. De très nombreuses initiatives existent, mais celles-ci sont étouffées par un marché médiatique soumis à la concentration privée et à la dictature du profit. Nous proposons de réserver des créneaux sur les ondes aux radios et aux télévisions associatives. Les fréquences hertziennes sont des biens publics. Il est inacceptable qu’elles soient appropriées comme une véritable rente par des groupes privés qui en tirent profit et que les citoyens compétents et motivés qui s’engagent bénévolement dans les médias alternatifs n’y aient pas accès. Il faut sortir de l’hypocrisie législative où une loi concède des droits sans donner les moyens de les exercer. Les télés associatives ont le droit de se porter candidates à l’obtention de canaux hertziens (locaux, nationaux, analogiques et numériques). Mais aucun cadre, ni modèle économique ne leur permet d’exister réellement face aux mastodontes privés. Des moyens publics doivent donc être mobilisés en faveur des médias alternatifs. Le fond de soutien alimenté par un prélèvement sur les recettes publicitaires qui existe pour les radios associatives doit être étendu aux télévisions associatives. La diffusion des chaînes associatives de radio et de télévision pourrait aussi être prise en charge gratuitement par un établissement public. En contrepartie, la publicité serait interdite sur ces médias, de manière à éviter le glissement progressif de certains d’entre eux vers une logique commerciale.
Le mouvement associatif doit être une composante du renouveau du service public, trop souvent dans une posture mimétique par rapport au privé. Les associations peuvent jouer dans le secteur des médias le même rôle que celui qu’elles jouent dans l’espace public en contribuant à une appropriation par la nation de son système public de radio-télévision. A ce titre, les associations d’usagers et les fédérations de médias associatifs devront être associées aux conseils d’administration des chaînes publiques.
Faire une école du peuple Former des citoyens éclairés et armer les futurs travailleurs grâce à la qualification, telles doivent être les deux ambitions d’une école du peuple.
Cela suppose de conforter l’objectif de 80 % d’une classe d’age au baccalauréat, qu’il soit général, technologique ou professionnel, là où les libéraux tentent partout de réduire l’école à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, voire d’abaisser l’âge de cette obligation à 14 ans. En misant sur l’apprentissage comme seule voie d’acquisition précoce des qualifications, les libéraux ne font pas seulement reculer le niveau de formation de notre peuple, ils privent aussi le plus grand nombre des connaissances générales et transversales indispensables pour être un citoyen libre dans un monde qui vit au rythme du progrès technique.
Aujourd’hui directement menacée de marchandisation, la qualification est le bien éducatif le plus précieux dans l’école du peuple. La qualification rend possible l’émancipation sociale de la personne en faisant le lien entre les savoirs acquis et l’insertion dans la société. Elle est un socle du rapport de force social et salarial dans l’entreprise ainsi qu’une condition de la liberté du travailleur. Elle conditionne l’avenir économique et productif du pays. Seule une mentalité petite-bourgeoise de mépris pour le travail, qui fait hélas des ravages à gauche, peut faire croire que l’école n’a pas à apporter de qualification professionnelle. On remarquera d’ailleurs que ceux qui refusent toute dimension professionnalisante dans l’éducation en prétendant qu’il s’agirait d’une baisse du niveau scolaire sont souvent les premiers à inscrire leurs enfants dans des formations extrêmement professionnalisées d’où sortent les futurs médecins, avocats, ingénieurs ou haut-fonctionnaires.
L’ambition d’une école du peuple doit plutôt être de rendre la qualification accessible au plus grand nombre et au plus haut niveau. Pour cela, le collège doit préparer à toutes les voies du lycée et pas seulement à la voie générale. L’enseignement professionnel doit être mobilisé pour faire accéder tous les jeunes qui y entrent au moins jusqu’au bac pro. A chaque sortie qualifiante doit aussi correspondre une possibilité de poursuites d’études, notamment vers le supérieur.
Pour une laïcité étendue Ceux qui ont tenu bon ont eu raison. L’offensive incessante des religions a rendue nécessaire le rappel aux fondements de la laïcité : pas de signes religieux à l’école. La liberté de conscience a ainsi été protégée et le droit pour chacun de vivre en même temps, et sans contradiction, son appartenance pleine et entière à la collectivité et sa foi personnelle. Mais l’exigence laïque n’est plus seulement confrontée aux appareils religieux contre lesquels elle s’est définie dans l’histoire de notre pays. D’autres voies d’enfermement des consciences sont à l’œuvre d’une manière d’autant plus efficace qu’elles ne sont pas reconnues comme telles par tous.
C’est le cas de l’offensive des marques. L’invasion publicitaire est à l’œuvre sur tous les fronts. L’espace médiatique a été emporté depuis longtemps. Ce n’était pas une fatalité : ce sont par exemple des lois qui ont ouvert la télévision à la publicité, autorisé la coupure des films et multiplié la durée des spots publicitaires. Ce n’est pas un hasard si les rares secteurs qui résistent encore, comme l’école ou la santé, n’ont pu le faire que grâce à des législations particulières qui interdisent ou limitent la publicité. On a ici une démonstration par l’absurde de ce que vaut la thèse de ceux qui veulent définir la place de la publicité par l’auto-modération et l’éthique professionnelle d’un côté, la souplesse et le bon sens de l’autre. La loi doit intervenir pour arrêter l’invasion publicitaire. Nous proposons de commencer par l’école.
Celle-ci est aujourd’hui la victime d’un patient travail de sape. Lorsqu’ils ne sont pas encore en terrain conquis, les publicitaires prennent l’apparence d’aimables philanthropes avant tout désireux d’apporter leur aide au moment où la dépense publique est devenue insuffisante. Les visiteurs de santé ou les fabricants de mallettes pédagogiques prétendent agir comme des auxiliaires du service public.
L’offensive des marques est d’autant plus intolérable dans le milieu scolaire qu’il sa’agit d’une menace pour la liberté de conscience. Ce nouveau cléricalisme développe une morale exécrable de l’apparence. Il aggrave les conséquences symboliques des inégalités sociales face à la consommation. Nous demandons donc que les marques soient hors la loi à l’école. Il faut retirer la circulaire du 28 mars 2001, présentée comme « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire », qui autorise les établissements scolaires à s’associer à une action de partenariat par laquelle une entreprise fournit des « documents qui seront remis aux élèves » sur lesquels elle peut signaler son intervention et remplace la notion de laïcité par celle de « neutralité commerciale ». Jusqu’alors, c’est une circulaire du Front Populaire qui régissait les rapports entre l’école et les marques en stipulant qu’“en aucun cas et en aucune manière les maîtres et les élèves ne doivent servir directement ou indirectement à aucune publicité commerciale”. Il faut y revenir car il n’y aucun mot à en changer.
Vive la Constituante européenne ! Les élections de 2007 donnent à la France une chance sans précédent de peser sur l’avenir de l’Europe. Tous les dirigeants européens disent en effet attendre 2007 et l’élection du nouveau président français pour relancer le processus de ratification de la Constitution européenne. S’ils parviennent à leurs fins et que le président élu en 2007 donne raison aux chefs d’Etat européens contre la volonté de son propre peuple en ratifiant le projet de Constitution, notre pays basculera dans une crise nationale d’une extrême brutalité. Mais cela veut aussi dire qu’un président français qui porterait le « non » majoritaire exprimé par son peuple, ce que Chirac a refusé de faire, serait en situation de proposer une méthode alternative l’Union de la crise où l’ont conduit ses dirigeants actuels.
C’est l’organisation d’un référendum qui a permis l’irruption du peuple français et du peuple néerlandais sur la scène européenne. Il faut un processus similaire au niveau européen. La construction de l’Europe par le haut est en effet vouée à l’échec, car les élites européennes gagnées à l’intergouvernemental et au libéralisme promeuvent désormais un projet qui s’oppose aux intérêts de la majorité des citoyens européens. Il faut donc asseoir désormais la construction européenne sur la légitimité populaire que donne le débat puis le vote citoyen. Il s’agit de construire progressivement une République européenne respectueuse de l’intérêt général et non plus esclave des intérêts financiers et des lubies néo-libérales.
Ceux qui croient à gauche que l’on pourrait obtenir une inflexion radicale de la construction européenne indépendamment d’une nouvelle intervention des citoyens sur le terrain politique se trompent. La stratégie d’une simple renégociation au sommet sans intervention populaire comme celle d’une pression exercée uniquement par le biais du mouvement social sont vouées à l’échec faute de partenaire politique capable de la relayer majoritairement dans un espace politique européen dont les citoyens sont de surcroît tenus à l’écart. L’Europe ne changera si les citoyens européens ne prennent pas enfin le pouvoir pour imposer leurs choix. C’est pourquoi nous proposons la convocation immédiate d’une Constituante européenne, élue par les citoyens pour rédiger la nouvelle Constitution dont l’Union a besoin.
En finir avec l’irresponsabilité des entreprises La recherche du profit est la finalité des entreprises. Mais dans le nouvel âge du capitalisme, celles-ci en ont déduit le droit de s’affranchir de toute responsabilité vis-à-vis de la société et celui d’usurper la souveraineté populaire en réclament que les normes communes se plient à leurs exigences particulières.
La mise en concurrence des peuples et des territoires par les entreprises, ainsi que la privatisation des profits et la socialisation des pertes sont devenus des axiomes que plus personne ne semble remettre en cause, et qui imposent toujours davantage de libéralisation et dérégulation des sociétés. Et pourtant, le développement économique et le commerce sont des éléments constitutifs des sociétés humaines, sans lesquels il n’y a ni échange, ni développement possible. Il nous faut donc soumettre les entreprises aux intérêts supérieurs des peuples, en exigeant d’elles qu’elles assument enfin leurs responsabilités vis-à-vis de la collectivité.
Celles-ci sont de trois ordres. 1/ Les entreprises doivent assumer leur responsabilité sociale. La baisse continue des cotisations sociales, l’irresponsabilité des entreprises dans leurs politiques de licenciements, au seul but du profit, n’est plus admissible. Nous sommes donc opposés au principe des exonérations de cotisation sociale (quand on recrute un salarié, on paie son droit à la santé ou à la retraite). Et nous proposons au contraire de les augmenter significativement pour les entreprises qui recourent au travail jetable.
2/ Les entreprises doivent assumer leur responsabilité écologique. Aujourd’hui, elles ne paient pas pour les impacts environnementaux de leurs actions. De fait, elles scient la branche sur laquelle elles sont assises. De plus en plus de ressources vont se raréfier et se renchérir. Il faut donc intégrer réellement dans le coût des produits l’impact sur l’environnement de leur production. Cela s’entend de l’extraction des matières premières (en taxant davantage celles non renouvelables), à leur transformation en produits finis (incluant la pollution générée par cette transformation) et à l’impact du transport de ces matières.
3/ Les entreprises, enfin, doivent respecter les exigences du bien commun. Aujourd’hui, le système économique fait que de nombreuses entreprises s’opposent au progrès pour les peuples. Elles rachètent des brevets pour empêcher des innovations, elles n’investissent plus dans la production mais dépensent pour se racheter entre elles à des fins de profits pour les actionnaires, elles sont responsables d’un mouvement de déqualification générale des travailleurs. Or les besoins à venir sont immenses pour assurer l’accès aux futurs 9 milliards de personnes aux besoins essentiels (eau, énergie, nouvelles technologies, santé, etc.). Il faut donc modifier les systèmes de taxation des entreprises et de brevets pour encourager les progrès qui bénéficient à l’humanité et pénaliser les comportements qui s’y opposent.
Pour un autre modèle de développement Désastres environnementaux, hausse des inégalités entre les peuples et au sein des sociétés, notre mode de développement n’est pas soutenable. A terme, c’est l’avenir même de l’humanité qui est menacé avec les désordres ainsi créés et le réchauffement climatique. Changer de mode de développement implique de le réorienter vers la préservation des biens communs et d’en garantir l’accès à tous.
Il nous faut donc décréter « biens communs de l’humanité » les ressources et services essentiels aux populations, sans lesquels il n’y a ni avenir possible pour les populations, ni égalité des droits. Ainsi en va-t-il de l’eau, de l’air, de l’énergie, du vivant et des écosystèmes, mais aussi de la culture, des moyens de transports et de communication, ainsi que de la recherche et des technologies qui en découlent. Nous devons garantir l’accès à ces biens communs par tous. Cela implique non seulement leur appropriation et leur organisation dans un cadre démocratique, en refusant leur captation par les monopoles privés, mais aussi leur libre utilisation par les sociétés. Cela implique donc le rétablissement plein et entier du droit aux services publics, la renationalisation à 100% du secteur de l’énergie, le refus des libéralisations imposées par Bruxelles. Une loi issue d’un intense débat national devra fixer clairement quel est le périmètre du secteur public et quelles activités sont soustraites au privé. Cette délimitation précise pourra être inscrite dans la Constitution, comme cela a été fait récemment pour le gaz et l’eau en Uruguay. Ainsi, le patrimoine commun de la Nation ne pourra plus à l’avenir être mis en vente par simple annonce gouvernementale. Enfin, l’accès de tous aux biens communs implique également de redonner aux gouvernements démocratiques le contrôle sur l’orientation de la recherche et sur l’utilisation de ses résultats.
Enfin, changer de mode de développement implique également de doter les gouvernements de nouveaux indicateurs de développement humain (du type de ceux développés par le PNUD sur l’indicateur de développement humain et d’indicateurs d’impacts environnementaux) afin que la croissance du PIB ne soit plus la boussole exclusive des politiques publiques.
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