Foin de la diplomatie et de la langue de bois. Ce début mars va représenter la première épreuve de vérité pour le Nouveau Parti anticapitaliste. Épurée d’une large part des représentants de la minorité « unitaire » au terme du coup de force orchestré à l’issue de son congrès fondateur (Politis en a rendu compte), sa direction va devoir définitivement sortir de l’ambiguïté : ou, à l’occasion des rencontres organisées avec ses partenaires potentiels, elle ouvre enfin la porte laissée entrebâillée à la constitution d’un front de gauche pour les élections européennes ; ou, comme elle semble vouloir en préparer par touches successives le terrain, elle va jusqu’au bout d’un choix de fermeture, donc de la division délibérée de la gauche de gauche.
L’enjeu n’est pas mince. À l’heure où la crise du capitalisme place la planète tout entière au bord de catastrophes humaines et écologiques majeures, où la construction libérale de l’Europe révèle sa finalité destructrice de conquêtes sociales et démocratiques fondamentales, où l’exaspération populaire peut à tout moment déboucher sur une explosion dont la grève générale de Guadeloupe dessine possiblement les prémisses, la question est plus que jamais posée d’une réponse politique à la hauteur de défis littéralement historiques. Face à un Parti socialiste irréversiblement prisonnier d’une ligne d’accommodement qui entraîne la gauche française dans les mêmes impasses désintégratrices que son homologue italienne, aucune force ne peut à elle seule incarner une alternative crédible de transformation sociale. Y compris le NPA, dont le succès et l’écho proviennent, par-delà la personnalité d’Olivier Besancenot, de la promesse affichée d’un renouvellement profond des pratiques politiques à gauche, autrement dit d’une réconciliation du dire et du faire.
Pour savoir si le rassemblement d’une gauche digne de ce nom, susceptible d’initier un bouleversement de la donne politique hexagonale, s’avère possible, trois critères, trois seulement, méritent d’être retenus. Il doit d’abord être porteur d’un contenu clairement en rupture avec les politiques capitalistes et libérales conduites ces trois dernières décennies, avec les résultats que l’on sait. L’appel de Politis en a, à grands traits, tracé les contours : refus du traité de Lisbonne, redistribution radicale des richesses au moyen d’une harmonisation sociale et fiscale au niveau le plus élevé, réappropriation publique du système bancaire et du crédit, instauration d’un bouclier social protégeant les populations du continent des politiques patronales de sortie de crise, mise en œuvre d’un processus constituant pour une Europe authentiquement démocratique, sortie de cette alliance belliciste aux mains des États-Unis qu’est l’Otan… Il lui faut encore afficher le plus large pluralisme, offrant aux organisations ou mouvements politiques engagés une identique visibilité, tout en englobant dès le départ le maximum d’acteurs du mouvement social. Il a enfin le devoir impératif d’impulser, sur le terrain, une dynamique populaire d’une ampleur comparable à la campagne du « non » de gauche de 2005.
Toute autre « condition » ne sera que prétexte ou faux-semblant, inavoué car inavouable, et il sera perçu ainsi à une large échelle. Ne parlons même pas de la demande d’un accord programmatique sur la sortie du nucléaire, si incongrue qu’en son temps la LCR se garda bien de chercher à l’imposer à Lutte ouvrière pour la conclusion d’alliances électorales. Quant à l’exigence que le front des européennes se prolonge aux régionales de l’année suivante, elle ne saurait représenter un préalable justifié. Non que l’indépendance envers le social-libéralisme fût un point secondaire. Elle constitue, au contraire, le problème dont dépend, in fine, l’émergence d’une force à même de disputer au PS l’hégémonie dont il continue à jouir sur la gauche, en dépit de son incurie. Mais l’unique manière de faire avancer cette indispensable clarification n’est-elle pas de remédier à cet éparpillement fatal qui pousse une partie de la gauche de transformation à se résigner à la satellisation par le PS ?
Quelles que soient les tensions entre organisations que l’on peut redouter pour les jours prochains, le découragement ne doit pas être de mise. La construction du plus large front de gauche et, surtout, l’élan militant qui le portera vont très largement découler de l’engagement de ceux qui firent le succès du 29 Mai et, plus largement, de ces milliers d’hommes et de femmes qui veulent d’un même vote, vraiment à gauche, sanctionner les politiques libérales et donner un prolongement à une attente sociale sans précédent. Jusqu’au dernier instant, celui où il s’agira de déposer officiellement les listes de candidats, il leur revient de créer les conditions d’une union anticapitaliste dont nul ne pourra, au bout du compte, se tenir à l’écart. La bataille est suffisamment décisive pour qu’aucune énergie ne manque à l’appel…
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