Alors que l’on commémore en ce mois de mai le bicentenaire de la naissance de Karl Marx, plusieurs courants actuels de la gauche française vantent les mérites du protectionnisme au détriment du libre-échange
Le débat autour du « populisme de gauche - Pourtant historiquement, le protectionnisme (doctrine économique prônant l’édification de barrières douanières autour de l’économie nationale, c’est-à-dire de droits de douane généralisés pour que les produits importables ne puissent pas être concurrentiels par rapport aux produits nationaux) ne vient pas de la gauche, mais plutôt de la droite conservatrice et nationaliste.
En effet, le mouvement ouvrier s’est toujours opposé au protectionnisme. Il l’a rejeté dès la fin du XIXe siècle, à la suite de la naissance de la IIe Internationale de 1889, pour sa dimension nationaliste et parce qu’il augmentait le coût de la vie des ouvriers. « Le protectionnisme, disait alors la CGT en 1906, c’est le nationalisme ; il mène à la guerre et à la misère pour tous. »
D’ailleurs, que nous dit Marx dans son Discours sur le libre-échange de 1848 ? Indiquant que sa critique de la liberté commerciale n’implique pas la défense du système protectionniste qui contribue à développer la libre concurrence à l’intérieur du pays, il écrit : « Le système protecteur est conservateur tandis que le système du libre-échange est destructeur. »
Mais de quel protectionnisme de gauche parle-t-on aujourd’hui ? Il s’agit de celui prôné par quelques intellectuels et hommes politiques classés à gauche. L’économiste Jacques Sapir, par exemple, qui a inventé la notion de protectionnisme « altruiste et écologiste », propose que les droits de douane, modulés par une taxe écologique, soient reversés au pays exportateur afin qu’il améliore les droits sociaux des salariés et qu’il prenne en compte les contraintes écologiques dans la production.
Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, évoque l’idée d’un « protectionnisme solidaire », c’est-à-dire des visas sociaux et environnementaux, et l’organisation de débouchés sur le marché pour les productions locales et respectueuses de l’environnement, via les cantines scolaires, notamment, et l’utilisation par l’État de son droit de réquisition.
Mais que prône en réalité ce protectionnisme « de gauche » ?
Tout d’abord, comme le souligne Emmanuel Todd, le protectionnisme est une variante de la pensée libérale, une pensée de la concurrence sur un marché dont la taille est finie.
De plus, ajoute Benoît Bohy-Bunel, il ne propose pas de réelles modifications des rapports de production ni d’abolition « des structures juridiques d’exploitation ». Il s’effectue au nom d’une unité nationale « interclassiste ».
S’il critique le « néolibéralisme global », il défend un capitalisme « régulé national », renonce à une vocation internationaliste anticapitaliste, et s’apparente plutôt à un « altercapitalisme », ou à un capitalisme à « visage humain ».
Ainsi, le protectionnisme est plutôt un élément doctrinal du « populisme de gauche » et s’apparente à une mesure économique défensive du peuple, conçu comme un tout cohérent et non comme une entité traversée de conflits, mais n’incarne pas une théorie favorable aux intérêts du prolétariat.
Un nouveau débat semble alors s’installer entre les partisans du protectionnisme (solidaire, européen ou écologique) et ceux du socialisme international, qui vient s’ajouter à celui existant entre ceux qui privilégient le peuple et ceux qui défendent d’abord le prolétariat.
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