Ce 7 juin 1914, toutes les forces de gauche organisent une journée de mobilisation contre la guerre en Lybie ainsi que contre la politique du gouvernement Giolitti et ses nouvelles "réformes".
Dans ce cadre, se tient à Ancône (port sur l’Adriatique, au Sud-Est de Bologne), un congrès (en présence d’Errico Malatesta) contre la guerre demandant la libération de deux appelés du contingent, Augusto Masetti (emprisonné pour acte antimilitariste) et Antonio Moroni (compagnie disciplinaire pour propagande antimilitariste).
En raison de la pluie, la réunion continue à partir de 18 heures au siège local du Parti Républicain.
Vers 20 heures, les 600 participants sortent de la salle.
Se dirigent-ils vers la Piazza Roma, place proche où un orchestre militaire donne un concert et sont-ils alors attaqués sans ménagement par les carabiniers ?
Sont-ils attaqués délibérément par les carabiniers qui, d’ailleurs, frappent violemment aussitôt, y compris femmes et enfants, puis tirent (70 coups de feu d’après l’enquête) ?
Les versions sont évidemment différentes. Faisons confiance à Pietro Nenni d’après lequel "ce fut la police d’Ancône qui voulut le massacre à tout prix, qui le provoqua et le prémédita en connivence avec les forces réactionnaires".
La mitraille blesse une quinzaine de participants et en tue trois :
deux républicains Antonio Casaccia, 24 ans et Nello Budini, 17 ans.
un anarchiste Attilio Gianbrignoni, 22 ans
Une forte mobilisation populaire se développe alors sur la ville.
Le comité central du syndicat des Cheminots, réuni à Ancône le même jour, organise la grève générale à partir du 9 juin.
Le syndicat révolutionnaire "Unione Sindacale Italiana" (environ 100 000 membres) appelle à la grève générale sur tout le pays.
Dès le 8 juin, les Marches, la Romagne et l’Emilie sont touchés par une grève générale. Le mouvement se propage aussi rapidement en Toscane au cri de « À bas les fusilleurs du peuple ».
Le 10 juin, la grève et les actions collectives contre le gouvernement et les forces réactionnaires s’étend à toute l’Italie.
L’explosion sociale de milieux subissant une oppression et une exploitation extrêmement dure débouche sur des dégradations (comme au siège du cercle monarchiste d’Alfonsine ou dans l’église de Villanova di Bagnacavallo) immédiatement utilisées par le pouvoir pour dénoncer et réprimer le mouvement.
La centrale syndicale proche du parti socialiste appelle à la reprise du travail.
Pourtant, l’insurrection se maintient à un haut niveau. L’engagement massif de l’armée et de la police entraîne de nouveaux blessés et morts parmi les grévistes.
La "Settimana rossa", expression des aspirations et de combativité ouvrière, mais épuisée, divisée, sans force unificatrice, sans programme ni projet politique clair, se termine le 14 juin.
Cette fameuse "semaine rouge" est importante car elle symbolise, en même temps que d’autres grands mouvements sociaux européens (en Russie en particulier) la combativité du mouvement ouvrier à la veille de la 1ère guerre mondiale.
Jacques Serieys
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