11 novembre 1998 JOSPIN réhabilite les Mutins de 1917

lundi 13 novembre 2023.
 

La France aime son histoire et les grands mythes fondateurs sur lesquels se sont constituées et reconstituées la Nation, la République et la gauche. Parfois communs et partagés, parfois antagoniques, ils composent sa mémoire collective, la carte génétique de la communauté nationale et celle, en son sein de la droite et de la gauche. Lorsque la Nation, la République et la gauche triomphent ensemble, l’histoire est écrite d’une même main. Mais lorsque la Nation triomphe de la République où est la gauche, face à l’histoire officielle et à ses silences ? La gauche produit sa propre culture, communie autour de ses propres mythes et vénère ses propres héros. Ainsi être de gauche c’est être tout à la fois les héritiers spirituels des dreyfusards, des communards, des mutins de 1917 et des résistants. Etre de gauche, c’est parler, écrire, chanter, filmer pour redonner place à l’identité collective, aux hommes ignorés et aux événements falsifiés par les manuels d’histoire. Etre de gauche, c’est faire vivre en marge et en contrepoint de l’idéologie dominante l’histoire du mouvement ouvrier et la mémoire de ceux qui l’ont portée. Etre de gauche c’est appartenir à cette communauté de pensée pour qui le "Sacré Cœur" sera toujours l’édifice des versaillais et Charonne ne sera jamais une station de métro comme les autres.

En invitant Verdun à Rethondes pour choisir Craonne, Lionel Jospin a clairement indiqué quel était son camp et a réalisé un acte symbolique fort. De ceux qui rappellent qu’il y a, à être de gauche, un honneur et une histoire à défendre et à réintégrer dans la République. Qu’il y a encore des comptes à solder entre la République et la Nation. La droite s’est, bien entendu, engouffrée dans le débat et est partie la fleur au fusil à l’assaut contre la réhabilitation des mutins de 1917. Quatre-vingt ans plus tard, il se trouve toujours des hommes de droite pour arguer du mauvais exemple pour l’avenir. Quatre-vingt ans plus tard, le Président de la République justifie toujours la boucherie de 14/18 et la barbarie d’avril 1917 par la nécessaire sauvegarde de " la patrie en danger " (Cf. communiqué de l’Elysée). Affligeant. Mais roboratif ! Voilà un domaine dans lequel la pensée unique ne l’a pas emportée. L’histoire demeure un enjeu idéologique face auquel la droite comme la gauche occupent chacune la place qui leur revient. Facile et médiatique ? Peut-être. Calculé ? Sans doute. Et alors ? Lionel Jospin remet la République au centre de l’affrontement idéologique. La République ne réhabilite pas les mutins de 1917 comme elle a amnistié les généraux putschistes. Elle les réhabilite au nom d’une certaine conception d’elle-même : celle de la République sociale.

Le 11 novembre, élue de Rethondes, je participerai à la commémoration officielle à la clairière de l’armistice. Pour la première fois, sans arrière-goût, sans le sentiment d’assister à la représentation édulcorée de l’histoire dans laquelle on tait que la seule victoire de la grande guerre a été celle de la barbarie. On pourra être de gauche et la tête haute, il y aura leur histoire et la nôtre. En attendant qu’au monument aux morts la fanfare joue la butte rouge après la marseillaise.

par Laurence Rossignol

A Gauche n° 705 - 5 novembre 1998


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