Constitution : la cinquième en pire (par PRS national)

samedi 17 mai 2008.
 

En novembre dernier, nous avions critiqué le rapport de la Commission Balladur en alertant sur le « faux rééquilibrage » des institutions qu’il proposait. Le projet constitutionnel présenté le 23 avril confirme sa signification profonde : accentuer la préséance du Président de la République tout en laissant croire au renforcement du Parlement. En effet, toutes les mesures présentées comme un rééquilibrage au profit du Parlement sont en fait des moyens d’affaiblir le Gouvernement et le Premier ministre face au Président. Parallèlement, les changements visant à « rénover les modalités d’exercice du pouvoir exécutif » entraîneraient un nouveau renforcement du pouvoir personnel du Président de la République. C’est au moment où la légitimité du président de la République est au plus bas que celui-ci serait plus que jamais consacré comme la « clef de voute » des institutions.

Des avancées parlementaires en trompe l’oeil

Les soi-disant nouveaux pouvoirs du Parlement concernent la fixation de l’ordre du jour des assemblées, l’organisation du débat parlementaire et la responsabilité du gouvernement. Or chacune d’elle comporte au moins un effet mutilant pour le Parlement. Les deux premières confient en réalité la quasi-totalité du pouvoir parlementaire à des institutions jouant déjà un rôle pratique bien plus important que ne le laisse croire le texte de la constitution : les conférences des Présidents et les commissions parlementaires. Ce sont à chaque fois des formations réduites des assemblées parlementaires, une sorte de « Parlement en petit ». Le projet leur confie la plus grande partie du travail parlementaire tant en matière législative qu’en matière de contrôle de l’action gouvernementale. La seule revalorisation de leur rôle concernerait en pratique les présidents des assemblées, des groupes et des commissions ainsi que les membres qui ont eu la chance d’être affecté dans tel ou tel commission lorsqu’un débat s’y déroule. Rien de tel pour dépolitiser les débats parlementaires et limiter l’expression souveraine de la volonté générale à travers l’ensemble des parlementaires.

La responsabilité du Gouvernement, qui constitue l’un des traits parlementaires qui subsistent dans la Vème République, est aussi mise à mal par la modification de l’article 49-3. Le gouvernement ne pourrait à l’avenir engager sa responsabilité pour faire adopter sans débat un texte qu’une fois par an, budget de la Nation et budget de la Sécurité sociale mis à part. Nicolas Sarkozy le présente comme une avancée pour le Parlement. Mais il faut constater, et c’est indéniablement l’effet recherché, que celui qui récupère le bénéfice de cette mesure est le Président de la République. En effet, alors que le Gouvernement voit ses capacités d’action sur le Parlement diminuées, le chef de l’Etat, lui, jouit toujours et intégralement de l’arme absolue de la dissolution de l’Assemblée nationale. Dès lors, le Premier Ministre, censé être le chef de la majorité parlementaire, sort littéralement désarmé de cette réforme, à l’image de sa perte de la « responsabilité de la défense nationale » où il n’est plus qu’un exécutant des décisions présidentielles. Le Président en sort comparativement regonflé puisqu’il reste le seul à bénéficier de pouvoirs réels pour lesquels, en plus, il n’a aucun compte à rendre durant son mandat.

L’hyper-présidentialisation du régime

L’américanisation de notre constitution apparaît à travers les mesures les plus vantées : la limitation à 2 mandats présidentiels et le nouveau droit de message au Parlement. Si la première mesure peut sembler intuitivement favorable à la limitation du rôle du chef de l’Etat, elle ne s’appliquera à l’actuel Président qu’à l’issue de son premier mandat. Il pourra donc théoriquement briguer encore deux mandats successifs, ce qui lui autorise une durée de 15 années d’affilée au pouvoir, jamais atteinte jusqu’à présent. Par ailleurs, aux Etats-Unis, l’argument en faveur de cette limitation est de favoriser l’indépendance et la liberté d’action du Président, éviter la personnalisation et empêcher l’abus des pouvoirs tant, en contrepartie, ils sont considérables. Pour autant, les exemples Bush (père et fils) et Clinton (mari et femme), forme de péronisme à retardement, montrent que le système présidentialiste à l’américaine n’est pas à l’abri de dérives dynastiques dont il était soi-disant protégé par cette disposition.

Le contrôle parlementaire du pouvoir présidentiel de nominations est aussi présenté comme une avancée à l’américaine. Si ce n’est que le Parlement peut effectivement empêcher une nomination aux Etats-Unis, alors que l’avis de la commission parlementaire prévue sera purement facultatif dans le dispositif prévu par Sarkozy.

Pour ce qui est du droit du Président de s’adresser directement et oralement aux assemblées, il faut y voir la fin de son confinement. Les effets sont le recul de l’autonomie du Parlement par rapport au Président et corrélativement le regain d’influence du Président sur le Parlement. Autrement dit, le Président se verrait désormais une arme supplémentaire pour imposer sa volonté au Parlement sans contrepartie pour ce dernier qui sera interdit de vote sur la déclaration présidentielle. Cette disposition introduit une claire hiérarchie ente les deux légitimités démocratiques concurrentes, Président et Assemblée élus pareillement au suffrage universel. Ajouté au pouvoir de dissolution du Président, le droit de message consacre la prééminence du Président sur son Assemblée. L’histoire de nos institutions le confirme. L’interdiction faite au chef de l’Etat de pénétrer dans les hémicycles a ainsi été édictée pour éviter la réédition du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. Ses interventions à l’Assemblée, alors qu’il avait été élu Président au suffrage universel, ont facilité son coup de force débouchant sur le rétablissement de l’Empire. Les parlementaires qui auront la responsabilité de la révision constitutionnelle seraient bien inspirés de pratiquer activement le devoir de mémoire, surtout s’ils s’apprêtent à avaliser la modification de l’article 16 qui permet au Président d’exercer les pleins pouvoirs en cas de péril national pendant 30 jours sans contrôle !


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