DEBAT SUR LA CONSTITUTION AU SENAT

dimanche 20 juillet 2008.
 

Après avoir eu la douleur de constater que ma note à propos de la tribune officielle du quatorze juillet sur ce blog n’a pas été comprise par plusieurs lecteurs qui ont réellement cru lire une chronique mondaine (« au lieu de se préoccuper de vrais problèmes gna gni gna gna »), je renonce à l’allégorie et au deuxième degré, tant que je n’ai pas fait de progrès dans l’art d’écrire dans un humour plus ostensible et surligné (rires). Je vous crépis donc à la grosse truelle mon commentaire sur la réforme constitutionnelle. J’en ai besoin pour me passer les nerfs. Car ce diable de Sarkozy est en train de bien enfumer son monde.

Il est à peu près acquis qu’il a réussi à faire croire que sa réforme augmentait les droits du parlement. Nous ne sommes pas arrivés du tout à faire comprendre que ce n’était pas le cas mais qu’au contraire le caractère présidentiel du régime s’aggravait. Mais dans la foulée la majorité éternelle du Sénat a été bétonnée. Et pour terminer le tableau, à l’ occasion d’une interview surprise dans « le monde », le président annonce une réforme de l’organisation des collectivités locales. On se doute que ce n’est pas pour défavoriser la droite. Bref, les socialistes sont dos au mur. Et tout le monde s’en moque ! D’abord parce que c’est l’été et ensuite parce que les mâchicoulis de l’organisation des territoires et de la décentralisation n’excitent personne à part ceux qui en vivent.

Au passage Sarkozy nous pique notre bagage accompagné du PRG. Autant de pagaille supplémentaire à gauche ! Et ça juste au moment où des naïfs du congrès du PS écrivent « oui au centre gauche ! » dans leurs contributions audacieuses … Voyons donc en quelques points les articles les plus médiatisés de la réforme.

Numéro un, l’encadrement du pouvoir présidentiel de nomination. Cet argument a tourné en boucle. Qu’en est-il ? : les commissions compétentes de chaque assemblée devront donner un avis public sur les projets de nominations importantes. Mais elles ne pourront s’opposer à une nomination que par un vote négatif de 3/5 de leurs membres (à l’assemblée et au sénat). C’est quasi impossible car cela supposerait un désaccord global de la majorité parlementaire avec le président. Pas la peine d’évoquer l’exemple américain. Ca n’a rien à voir. La bas, chaque nomination présidentielle doit être confirmée par un vote positif de la majorité du Sénat. Chez nous en fait il suffira donc de deux cinquième d’approbation plus une voix pour qu’un avis favorable soit acquis.

Deuxième exemple, la prétendue maîtrise par les assemblées de leur ordre du jour. Ce sera très, très relatif. Car le gouvernement conserve la priorité 2 semaines de séance sur 4. Ce verrou a même été renforcé par rapport au texte initial du gouvernement, puisque les textes transmis par l’autre assemblée depuis au moins 6 semaines seront mécaniquement prioritaires, ce qui permettra de fait au gouvernement de disposer de la priorité jusqu’au ¾ des semaines de séance, voire plus.. Comme maitrise parlementaire on fait mieux.

Même enfumage à propos du renforcement des pouvoirs des commissions. En réalité il se fait au détriment de l’assemblée plénière. Car cette disposition se traduit par la discussion en séance sur le texte tel qu’il sort de la commission et non plus sur celui du gouvernement. Conséquence le débat n’a plus lieu en séance où tous les parlementaires peuvent participer. La preuve est l’encadrement prévu pour le droit d’amendement de chaque parlementaire. Il s’exercera désormais « dans les conditions fixées par les règlements des assemblées et dans le cadre déterminé par une loi organique ». Alors que jusque là le droit d’amendement était reconnu de manière absolue à chaque membre du parlement par la Constitution (article 44).

Voyons à présent la très sensible et très spectaculaire annonce de la limitation des pouvoirs spéciaux du président (article 16) en cas de crise majeure. En fait la seule limite prévue est que le conseil constitutionnel puisse vérifier au bout de 30 jours d’exercice des pouvoirs spéciaux si les conditions qui ont justifié leur utilisation sont toujours réunies. Or, aujourd’hui la constitution n’excluait pas ce contrôle avant 30 jours… Rien ne l’empêchait. La nouveauté c’est donc qu’est en fait reconnu une sorte de droit de dictature personnelle pendant 30 jours sans aucun contrôle ni recours …

Je n’ai pas l’intention de passer en revue tous les points de cette réforme. Je veux juste montrer par quelques exemples ce que contiennent réellement plusieurs des points les plus vantés de ce texte. Je ne peux finir sans évoquer le mode de scriutin de l’assemblée dans la quelle je siège. Il a été bétonné. En effet, alors que le projet du gouvernement prévoyait que désormais le sénat représente les collectivités territoriales de la République « en tenant compte de leur population », cette mention a été abandonnée. Ainsi a été vérouillée toute évolution du mode de scrutin sénatorial en faveur d’une plus grande représentativité de la population. Pire l’introduction baroque dans la Constitution du nombre maximum de députés et de sénateurs, va encore limiter les possibilités de rééquilibrage du nombre de parlementaires par départements en fonction des évolutions de population.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message