16 et 19 janvier 1793 La Convention nationale vote la mort de Louis XVI

vendredi 19 janvier 2024.
 

L’exécution de Louis XVI en janvier 1793 apparaît comme un fait logique dans le processus de la Révolution française tant il a méprisé, trahi et combattu le peuple en lutte.

Elle résonne aussi comme un fait historique immense, tant la condamnation à mort d’un roi par une révolution populaire rompt avec la longue histoire des soulèvements de miséreux massacrés à chaque fois par milliers et dizaines de milliers dans des conditions horribles.

Jean Petit et les Croquants de Villefranche

Elle constitue aussi un moment important dans le processus de radicalisation de la Révolution française.

Beaucoup de conventionnels, y compris Montagnards, ont une formation universitaire et professionnelle de métiers juridiques. Aussi, le débat sur la procédure, la culpabilité et la peine à infliger à Louis XVI constitue un temps fort à l’honneur des Conventionnels.

A) De quoi Louis Capet est-il accusé ?

En septembre 1792, les Girondins, majoritaires à l’Assemblée, veulent surtout juger les responsables des massacres du début du mois pour affaiblir la Commune de Paris. Mais la pression se fait de plus en plus forte et ils laissent avancer la préparation d’un procès tout en essayant de le retarder, en tout cas d’éviter une sanction du type exécution.

Ils savent que les morts du 10 août ont généré une volonté de vengeance parmi le peuple parisien. Ils savent que la guerre en cours exacerbe la rancoeur vis à vis de l’ancien monarque soupçonné, à juste titre, d’avoir trahi son pays dans ses liens avec les rois étrangers et les émigrés.

Même un Montagnard modéré comme Danton craint la conclusion d’un procès "Si on le juge, il est mort".

La découverte (20 novembre 1792) de l’armoire de fer secrète de Louis XVI prouve qu’il a entretenu des tractations avec les rois ennemis en pleine guerre. Dès lors, le procès est inévitable sinon la Gironde serait immédiatement isolée, cassée politiquement.

Une fois le procès lancé, l’opposition entre la gauche (Montagnards dont les robespierristes) et la droite (Girondins) de l’Assemblée se durcit de semaine en semaine.

Le jeune député de l’Aisne Saint Just (proche de Robespierre) a posé les termes du débat pour la gauche « Louis XVI est le meurtrier de la Bastille, de Nancy, du Champ de Mars, de Tournay, des Tuileries ; quel ennemi, quel étranger vous a-t-il fait plus de mal ? » Nous avons « une république à fonder » ; aussi, « je ne vois pas de milieu : cet homme doit régner ou mourir... Tout roi est un rebelle ou un usurpateur. »

Nous avons déjà mis en ligne un article sur la préparation du procès jusqu’au début décembre 1792.

B) Le procès du roi Louis XVI

- Le contexte : quand un roi perd la confiance du peuple (10 août 1792 :prise du palais royal par le peuple de Paris et des volontaires de province)

- Quel tribunal pour un roi ?

- L’exception et la règle (Daniel Bensaïd)

- 3 décembre 1792 : La Convention décide qu’elle va juger elle-même Louis Capet.

Le 6 décembre 1792, la Convention met en place un groupe dit "commission des 21" (dont Dufriche-Valazé, auteur d’un Traité des lois pénales, député modéré de l’Orne, est le rapporteur), uniquement composée de Girondins ancrés dans l’aile droite de l’Assemblée, chargée de rédiger l’acte énonciatif des crimes de Louis Capet.

Le 10 décembre 1792, les principaux chefs d’accusation sont présentés à la tribune de la Convention :

- Haute trahison pour avoir tenté de s’enfuir à l’étranger en juin 1791 (fuite à Varennes) Cette accusation est évidemment fondée. Parmi les nombreuses preuves, citons le témoignage de son dévoué et royaliste garde du corps M. de Valory à qui il déclara à la veille de sa fuite « J’irai coucher demain à l’abbaye d’Orval », abbaye située hors du royaume sur terre d’Autriche

- Haute trahison pour avoir trompé les élus de la nation Oui, Louis XVI a sans cesse menti aux députés. Le 26 juin 1791, par exemple, il déclare à leurs commissaires « Je n’ai aucune relation avec mes frères ». En réalité, " le Roi avait pour agent ordinaire près de ses frères l’allemand Flachslanden" (Michelet).

- Haute trahison pour avoir comploté avec l’étranger. Dès le 3 décembre 1790 il s’adresse aux royaumes de Prusse, d’Espagne et aux autres puissances. Mallet-Dupan fut spécialement envoyé, en 1791, aux princes allemands, et chargé d’expliquer de vive voix ce qu’on ne voulait pas écrire (Michelet). La reine écrivit à l’Empereur, son frère, le 1er juin 91, pour obtenir de lui un secours de troupes autrichiennes... L’ouverture des archives nationales a depuis largement confirmé ces faits. Pour aider à la fuite du roi en juin 1791, le fils du marquis de Bouillé exigea un écrit de celui-ci qui fixait l’objectif " de s’assurer des secours étrangers". Le 10 août 1792, Louis XVI envoie Monsieur Aubier auprès du roi de Prusse dont l’armée marche sur Paris.

- Avoir tenté d’empêcher la réunion des États généraux, et par là avoir attenté à la liberté. Il suffit de rappeler la journée du 23 juin 1789 pour confirmer ce point 23 juin 1789 : "Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes"

- Avoir rassemblé une armée contre les citoyens de Paris et ne l’avoir éloignée qu’après la prise de la Bastille.

14 juillet 1789 : la prise de la Bastille symbolise la fin définitive de la monarchie "absolue" et l’accélération du processus populaire révolutionnaire

- N’avoir pas tenu ses promesses à l’Assemblée constituante, avoir éludé l’abolition de la féodalité et laissé piétiner la cocarde tricolore provoquant ainsi les journées des 5 et 6 octobre 1789.

5 octobre 1789 Quand la masse des femmes entre en révolution

- Avoir passé une Convention avec Léopold II d’Autriche et le roi de Prusse pour rétablir la monarchie française.

- Avoir envoyé des sommes considérables au marquis de Bouillé et aux émigrés.

- Avoir mis son veto au décret prévoyant la formation d’un camp de 20 000 fédérés.

10 août 1792 La prise des Tuileries

C) Comment se déroule le procès ?

Michelet caractérise la Révolution comme un paroxysme de l’idée de Justice.

La Révolution française et l’idée de Justice

Il note à juste titre qu’à ce moment-là aussi, le peuple français "est effrayé de la désorganisation générale" en pleine guerre. "On voulait un gouvernement. Les Girondins croyaient ne pouvoir l’inaugurer que par la punition du massacre de septembre, les Montagnards par la punition du massacre du 10 août, (c’est à dire) par la mort du Roi..." Ceux-ci "crurent vraiment ne pouvoir fonder la société nouvelle qu’en mettant à néant la société ancienne dans son principal symbole."

Ce résumé de la conjoncture politique est utile. Ceci dit, Michelet incrimine à tort les seuls Montagnards. A ce moment-là, ils ne sont absolument pas majoritaires à la Convention ; au centre, la Plaine regroupe les deux tiers des députés). Plusieurs élus décisifs durant le procès du Roi font partie de celle-ci et même des Girondins ; leur conviction entraîne les voix hésitantes, ce que n’auraient pu faire Robespierre.

La Convention nationale prend donc en charge elle-même le procès du roi. Elle est consciente des contradictions dans lesquelles cela l’engage en tant que Constituants, en tant que démocrates, en tant que respectueux de normes de droit... J’essaierai dans l’année à venir d’écrire un texte sur ce point ; ce serait trop long ici.

http://www.mediterranee-antique.inf...

D) Quelle peine pour Louis Capet ?

Le 11 décembre 1792, Bertrand Barère, député des Hautes Pyrénées, préside la Convention nationale. Il fait lire l’acte énonciatif d’accusation rédigé à partir du Rapport sur les crimes imputés à Louis Capet de Robert Lindet. Il entame aussitôt après l’interrogatoire qu’il mène lui-même.

Le 12 décembre, la Convention accorde quatre défenseurs à Louis XVI : François Denis Tronchet, Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, Guy-Jean-Baptiste Target, Raymond de Sèze.

La plaidoirie de ce dernier le 26 décembre n’est pas de nature à éviter une sanction sévère pour l’accusé.

Aussi, les Girondins tentent une manoeuvre : faire appel au peuple pour décider du sort de l’ancien roi. En pleine guerre aux frontières et guerre civile dans plusieurs provinces, ils savent que ce choix va repousser toute décision.

Robespierre prend lui-même à charge l’opposition à cette proposition en montant à la tribune le 28 décembre puis début janvier.

Je demande que la Convention nationale déclare Louis coupable et digne de mort (Robespierre 28 décembre 1792)

E) 16 janvier 1793 La Convention vote la mort

Le mardi 15 janvier 1793, la Convention débat et se prononce sur trois questions :

- > Louis Capet, ci-devant roi des Français, est coupable de conspiration contre la liberté et d’attentat contre la sûreté générale de l’Etat : 693 oui, 26 énoncent des réserves.

- > Doit-il être fait appel au peuple pour décider de sa sanction ? 283 oui, 424 contre.

Le mercredi 16 janvier 1793, la Convention doit décider si le ci-devant roi sera condamné à mort, reclus ou absous. 319 demandent qu’il soit détenu jusqu’à la fin de la guerre puis banni. 370 se prononcent pour la mort. S’ajoutent quelques voix sur des positions argumentant des restrictions par rapport à ces deux positions fondamentales.

Le 14 janvier 1793, à la question : Louis Capet est-il coupable ? Les élus du peuple répondent majoritairement : OUI.

707 députés sur 718 présents jugent le roi coupable de conspiration contre la sûreté de l’État et de haute trahison.

Les 16 et 17 janvier 1793 une majorité (361 députés) vote la mort. Le scrutin et les explications de vote durent 36 heures.

La question est renouvelée le 18 janvier, une plus nette majorité, 387 députés votent la mort sans condition dont 361 parlementaires pour la mort immédiate.

Enfin, le 19 janvier 1793, 380 députés s’opposent au sursis.

Le 20 janvier 1793, Michel Le Pelletier est assassiné par un ancien garde du corps du roi nommé Pâris.

Je demande que la Convention nationale déclare Louis coupable et digne de mort (Robespierre 28 décembre 1792)

21 janvier 1793 Louis XVI guillotiné (Jacques Serieys)


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