Une 6ème République pour transformer la multitude en peuple

jeudi 28 janvier 2016.
 

Réduire le multiple à l’un sans dissoudre les singularités.

Dans son dernier livre L’ère du peuple, Jean-Luc Mélenchon écrit :"Ma thèse : la multitude informelle devient le peuple en cherchant à assurer sa souveraineté sur l’espace qu’il occupe."

Il fait ainsi référence au concept de multitude qui a été développé par Antonio Negri, en raison entre autres, de l’apparition de mouvements sociaux de plus en plus divers, hétérogènes et souvent spontanés La multitude est conçue comme composée de "singularités collectives". La notion de multitude élargit le concept de prolétariat, de classe ouvrière et de salariat en un groupe composite (la quasi-totalité de la société) subissant, intégrant la domination de la classe dominante élargie à la notion d’Empire (qui est d’ailleurs le titre de l’ouvrage de Negri) . Cette domination s’exerce par le biopouvoir et la multitude développe sa résistance par la bio politique.

Elle s’exprime le plus fréquemment hors champ institutionnel. (syndicats, partis, entreprises) On peut trouver un résumé de l’ouvrage Empire de Negri et Hardt dans un document de 9 pages : Empire et Multitude : la démocratie selon Antonio Negri Conférence pour PhiloCité (23 et 25 janvier 2007) par Anne Herla, document accessibleen cliquant ici.

Concernant la multitude je cite ici un extrait de ce document. "Elle emprunte sa forme au travail immatériel : elle s’organise en réseaux, à travers des relations coopératives, sans transcendance ni centre.

Contrairement au peuple, qui est toujours pensé dans la tradition philosophique comme une réduction du multiple à l’un, et donc comme unification et identité à soi, la multitude est un ensemble de singularités conservant leurs différences et néanmoins capables de penser et d’agir en commun, sans la moindre médiation. Elle est un « réseau ouvert et expansif dans lequel toutes les différences peuvent s’exprimer librement et au même titre, un réseau qui permet de travailler et de vivre en commun ».

Contrairement à la foule –fragmentée, incohérente, anarchique – et à la masse –indifférenciée, passive, manipulable – la multitude est capable de s’auto-organiser, de résister et de créer collectivement du commun (connaissances, info, réseaux de communication, relations sociales coopératives, etc.).

Les nouvelles conditions communes des« travailleurs » née de l’hégémonie du travail immatériel (l’informatisation, la communication, la coopération, l’organisation en réseaux, la flexibilité, la mobilité, la créativité, l’inventivité) ne font qu’accroître la puissance de la multitude, la rendant ainsi toujours plus menaçante pour ceux qui l’exploitent.

D’autant plus que cette multitude manifeste en outre un profond désir de démocratie authentiquement universelle, fondée sur des relations d’égalité et de liberté. Ce désir est visible dans les luttes qu’elle mène un peu partout dans le monde pour se libérer de l’oppression et de l’exploitation."

Le biopouvoir se caractérise par une domination généralisée dans tous les domaines de la société : économique, social, culturel, psychologique.

Il façonne les modes de vie et les subjectivités individuelles. Il utilise non seulement des structures verticales mais surtout des réseaux horizontaux multipolaires et acentrés. Les auteurs utilisent les apports de Foucault et Deleuze et l’idée du passage de la société disciplinaire à la société de contrôle, mais on pourrait aussi utiliser la notion "d’équipements collectifs" développés par Félix Guattari dans son ouvrage Lignes de fuite.

Les mouvements sociaux et la conscience politique ne se cantonnent plus dans le monde de l’entreprise mais se développent par des actions multiformes réagissant sur des problématiques variées : transports, santé, écologie, communautaires, identitaires, etc.

Il suffit de consulter la table des matières de l’ouvrage collectif de 22 chercheurs : La France rebelle pour se rendre compte de l’ampleur de cette diversité sociologique, politique, culturelle.

Ces mouvements, dont on a parfois l’impression qu’ils surgissent de nulle part, s’expriment par un processus d’auto organisation mais aussi parfois par une coordination très ordonnée au niveau international comme cela a été le cas pour la tenue de forums sociaux au niveau mondial. Une association comme ATTAC est emblématique de la manière dont une association a pu jouer le rôle d’attracteur dans ce genre de processus.

Mais on peut assister non seulement à une autoorganisation entre individus mais aussi entre associations dont l’action est axée, par exemple, sur les laissés-pour-compte de notre société (ADT quart-monde, etc.). Ces mouvements son créateurs de nouvelles manières de vivre ensemble, de nouvelles subjectivités, de nouvelles solidarités, de nouvelles formes artistiques, de nouvelles formes d’éducation populaire, de nouvelles manières de parler , de s’habiller, de nouvelles manières d’utiliser les réseaux sociaux, etc. c’est aussi cela la biopolitique.

Deleuze et Foucault avaient déjà été fascinés par la capacité d’auto organisation des automates cellulaires. Comme je l’ai indiqué en détails dans un autre article, depuis lors, les processus d’auto organisation ont été l’objet de modélisations importantes en intelligence artificielle qui peuvent être riches d’enseignement pour améliorer le fonctionnement des organisations politiques complexes et le travail coopératif.

Mais il faudrait se garder de penser que ce type de processus qui fascine tant de militants associatifs et politiques, fervents partisans de l’autogestion et de la critique du fonctionnement vertical et bureaucratique de nombreuses organisations institutionnelles, n’intéresse pas les libéraux. Le pape de l’ultralibéralisme Friedrich Hayek a théorisé une auto organisation des marchés pas le concept d’ordre spontané. Pour plus de détails on peut cliquer iciet pour aller plus profond,cliquer là.

Revenons à la notion de multitude.

Le philosophe Jacques Bidetspécialiste de la pensée de Marx écrit ceci :

"La « multitude », que Negri salue comme « l’universel concret », occupe la place qui était naguère, dans le discours emphatique, celle du « prolétariat » : elle désigne, à l’époque des multinationales, comprise comme celle du triomphe de la production immatérielle et de « l’intellect général », un monde de producteurs, produits et acteurs d’une révolution en cours. Ce discours se propose, en termes de vie et d’immanence, comme une réélaboration de celui de Marx. La relation est cependant paradoxale, puisque le capital, selon l’analyse marxienne, n’a pas pour finalité productive la puissance commune, le bien-vivre, mais le profit, richesse abstraite, « mauvais infini » (Hegel), dont la logique s’impose à chaque capitaliste dans la concurrence universelle, soit, selon un schéma récurrent depuis Machiavel et Hobbes (et jusqu’à Weber), l’entassement de pouvoir sur pouvoir, quelles qu’en soient les conséquences sur les personnes, la culture et la nature.

Mais en ce point précisément la problématique de Marx se retourne et s’élargit. Car cette indifférence ne concerne pas spécifiquement une « classe », qui serait celle des « exploités », mais une société dans son ensemble et sa totalité. Et il ne s’agit pas seulement du « peuple », qui n’en est que la représentation politique, par quoi elle est censément capable d’une volonté juridiquement unifiée. Un tout autre concept est ici requis, celui auquel convient l’appellation de « multitude », qui désigne à la fois plus que la classe et plus que le peuple.

Plus que la classe, car pour construire ce concept, il ne suffit pas d’élargir la catégorie classiste d’exploité, d’y inclure tous ceux qui vivent de leur travail ou en sont privés : il faut envisager le capital non seulement comme exploiteur rationnel du travail salarié, mais dans sa logique productive, qui concerne la totalité sociale. Plus que le peuple, car il faut prendre cette totalité sous un autre angle : c’est-à-dire comme « multitude », non au seul sens politique que Hobbes a donné à ce terme, mais avec toute la charge positive d’ontologie sociale que lui a conférée Spinoza. La rationalité marchande (et son corrélat, la rationalité bureaucratique) du capital, qui opprime toute vie, ne peut, contradictoirement, viser le pur profit qu’en cherchant à produire - par la mobilisation de toute vie - des « valeurs d’usage », richesses concrètes. Et celles-ci ne sont pas le seul fait de leurs producteurs salariés, mais l’invention et l’exigence de la multitude sociale dans la multiplicité de ses réseaux, rhizomes et connexions. Valeurs d’usage, c’est-à-dire de jouissance et de connaissance, référables à la « multitude », dans ce procès social global de production-consommation où se développe une puissance rebelle au régime de l’abstraction et porteuse de sa négation révolutionnaire.

Il ne s’agit plus de la simple figure politique et subjective d’un « peuple », dont l’horizon serait le contrat social, mais d’une masse humaine, imbriquée et singularisée dans toute la machinerie sociale substantielle et objective, pourvue de sa capacité concrète imprescriptible d’invention et d’irruption, de son pouvoir constituant.

Le discours de Negri, du moins ainsi interprété, participe — selon des modalités propres, avec ses concepts particuliers de la « classe » aujourd’hui, référée à l’intellect général, de « l’époque », comme celle des « multinationales », etc., que l’on peut trouver plus ou moins consistants — de ce nouveau cours du marxisme, qui, résistant au désespoir d’un horizon historique devenu indiscernable, cherche, hors de tout historicisme, dans le présent de l’événement (social, culturel, etc.), dans le sens et non dans le terme, dans l’immanence spinoziste, la présence et l’assurance de la fin."

Source : La multitude perdue dans l’empire. Mai 2002 (paru dans la revue Parages, Paris, juin 2002 Article complet encliquant ici : Pour une accéder à une critique plus globale du travail de Negri, on peut cliquer ici

Les mouvements plus récents des indignés et des "révolutions arabes" redonnent une nouvelle actualité à cette notion de multitude. Dans un article (L’Odyssée de l’espace démocratique) du philosophe Jean-Paul Jouary paru sur son blog dans le journal l’Humanité du 7/10/2014, on peut lire :

"…Mais il (l’abstentionnisme chronique qui frappe tous les pays où règne de longue date la « démocratie représentative) s’accompagne aussi d’un développement sans précédent des formes de mobilisation horizontales, extérieures aux logiques traditionnelles liées aux partis politiques existants et aux logiques institutionnelles qui structurent en profondeur les comportements de ces partis.

Ces mouvements ont beau relever d’organisations éphémères, ils sont pourtant politiques au sens le plus fort, habités par une volonté conjointe de démocratie, de transformation sociale et d’autonomie. Ils manifestent un pluralisme délibéré et assumé, libéré de toute logique préalable d’étiquettes.

Et si l’on tente de déchiffrer ce que notre époque fait naître sous nos yeux, que découvre-t-on, sur les ruines des pratiques politiques héritées du passé ? Un ensemble formidable de mobilisations populaires, réparties sur un nombre de pays assez important pour suggérer un bouleversement historique profond des formes de transformation du monde. Un bouleversement en acte, non théorisé au préalable, sans programme détaillé écrit a priori, sans ce « système fort d’axiomes politiques » dont Alain Badiou prétend qu’il conditionne l’efficace révolutionnaire, sans unification préalable sous la bannière d’un ou plusieurs partis politiques ou d’un programme de gouvernement.…"

Totalité de l’article en cliquant ici

La multitude est essentiellement une notion sociologique, certes intéressante, mais elle peut avoir l’inconvénient de voiler les rapports de classe. Il ne faut tout de même pas perdre de vue qu’il existe bien un groupe qui possède les moyens de production et d’échange, qui contrôle le marché et le capital et un autre groupe constitué de salariés qui ne possèdent essentiellement que leur force de travail pour vivre .En vendant leur force de travail moyennant salaire aux capitalistes, ceux-ci réalisent un profit par l’exploitation de cette force, même si ce type de profit réalisé dans la production n’est pas la seule forme possible (profits financiers, commerciaux, de rente foncière) . Le concept plus large de domination ne doit pas écraser et gommer le concept d’exploitation de la force de travail.

On a donc compris que la multitude ne se perçoit pas comme peuple au sens d’une unité juridiquement constituée et évidemment pas non plus comme une classe.. Venons-en donc au peuple .

Qu’entendre par peuple ?

Voici trois définitions extraites de l’encyclopédie Trésor de la Langue Française

1– Ensemble des humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant parfois une communauté d’origine, présentent une homogénéité relative de civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d’institutions communes.

2 – Ensemble des individus constituant une nation (v. ce mot), vivant sur un même territoire et soumis aux mêmes lois, aux mêmes institutions politiques.

3 – Ensemble des citoyens d’un pays qui exercent le droit de vote pour désigner leurs gouvernants. Son principe [de la République française] est : gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Constitution de 1958, art. 2 et 3.

Si l’on se reporte au dictionnaire encyclopédique Diderot écrit avant la révolution de 1789

" PEUPLE, LE, f.m. (Gouvern. politiq.) nom collectif difficile à définir, parce qu’on s’en forme des idées différentes dans les divers lieux, dans les divers temps, et selon la nature des gouvernements.

Autrefois en France, le peuple était regardé comme la partie la plus utile, la plus précieuse, et par conséquent la plus respectacle de la nation. Alors on croyait que le peuple pouvait occuper une place dans les états-généraux, et les parlements du royaume ne faisaient qu’une raison de celle du peuple et de la leur. Les idées ont changé, et même la classe des hommes faits pour composer le peuple, se rétrécit tous les jours davantage. Autrefois le peuple était l’état général de la nation, simplement opposé à celui des grands et des nobles. Il renfermait les Laboureurs, les ouvriers, les artisans, les Négociants ; les Financiers, les gens de Lettres, et les gens de Lois. Mais un homme de beaucoup d’esprit, qui a publié il y a près de vingt ans une dissertation sur la nature du peuple, pense que ce corps de la nation, se borne actuellement aux ouvriers et aux Laboureurs." Lire la suiteen cliquant ici

Que peut signifier « fédérer le peuple ? »

Nous allons extraire ici quelques citations du dernier livre de Jean-Luc Mélenchon L’ère du peuple (édition Fayard)

On retrouve tout d’abord une description des phénomènes sociaux contemporains semblable à l’analyse précédente. Après avoir rappelé le rôle des luttes des travailleurs dans l’entreprise, il poursuit : "Mais pour autant ce n’est pas à partir de là que s’exprime dorénavant leur conscience politique la plus large. Celle-ci se construit dans la réference au collectif populaire étendu que chacun côtoie dans la vie urbaine, qu’il en partage les transports apoplexiques, les logements relégués ou les services sociaux insuffisants. La conscience politique des salariés s’exprime alors dans au moins deux moments clairernent distincts de tous les autres.

D’abord, évidemment, quand ils se vivent comme des membres de la cité et que leurs aspirations s’étendent à toutes les questions que soulève l’espace urbain. Dans ces luttes-là, c’est d’ailleurs souvent la leçon apprise au syndicat qui sert de référence. Même dans les situations extrêmes. En Tunisie ce sont les syndicalistes de I’UGTT qui ont aidé à la fonnation des comités de quartier dans les zones où la révolution n’avait pas encore trouvé ses points d’appui.

L’autre moment est celui où la lutte dans 1’entreprise est vécue et mise en scène comme une lutte d’intérêt général pour toute la société. C’est le cas de plus en plus souvent quand éclatent des luttes dans les services publics comme le rail, les réseaux et la production d’électricité, les ser- vices de santé, pour ne prendre que ces exemples. Aucune revendication salariale n’y est même par- fois présentée. Ce qui est mis en avant dans cette circonstance, c’est f intérêt généra| pour toute la population dans la bataille menée. Dans ces cas-là, on voit bien comment l’action met en jeu une conscience sociale élargie. Cette conscience-là, c’est celle que je crois caractéristique du « peuple », l’enfant du grand nombre et de l’urbanisation. (p.113-114)

Indiquons au passage les rôles respectifs que peuvent jouer les élus territoriaux et les organisations syndicales pour organiser et accompagner ces mouvements sociaux

Jean-Luc Mélenchon poursuit plus loin : "Ma thèse : la multitude informelle devient le peuple en cherchant à assurer sa souveraineté sur l’espace qu’il occupe. Ce raisonnement conduit à donner une place essentielle aux processus constituants dans les révolutions de notre temps. Car en définissant la Constitution, le peuple s’identifie à ses propres yeux. Il se constitue lui-même en quelque sorte. Par exemple en disant quels droits sont les siens, en organisant sa façon de prendre les décisions, en définissant I’ensemble des pouvoirs qui agissent pour faire fonctionner tout cela. Le processus constituant est l’acte fondateur de la conquête de la souveraineté par le peuple. Ce n’est pas un à-côté de la stratégie révolutionnaire de notre temps, c’est son vecteur politique. Dans cette approche, se battre pour la convocation d’une assemblée constituante, c’est se battre d’abord pour l’existence même du peuple comme acteur de l’histoire. Le peuple est constituant ou il n’est rien, comme Marx disait du prolétariat qu’il était révolutionnaire ou bien qu’il ne serait rien. Ce seul fait vient à rebours d’une tendance lourde.

Aujourd’hui tout est fait pour que les gens ne s’occupent pas de leurs affaires. C’est logique. Le règne de la finance n’accepte aucune régulation extérieure à lui. Le pouvoir politique produit des lois et règlements. Il est la source de toutes les régulations. L’oligarchie ne peut le supporter. Partout elle agit pour « dissoudre »le peuple politique." (P,116)

En prenant appui sur les diverses contestations sociales où se développent des solidarités locales, sociétales et thématiquement plus globales (forum mondial sur le climat par exemple), il s’agit de faire émerger une conscience unificatrice respectant les diversités et fédérant les différentes aspirations. Ces aspirations ne peuvent se réaliser que si les citoyens redeviennent maîtres des décisions économiques et politiques qui conditionnent leur communauté de destin. Or actuellement cette communauté de destin est l’assujettissement au pouvoir d’une oligarchie qui exerce sa domination dans tous les interstices de la société. C’est effectivement le biopouvoir. Elle consiste aussi en un déssaisissement de la souveraineté populaire par la mise en place d’organismes supranationaux non élus, le remplacement de la régulation étatique par des gouvernances privées, le démantèlement du droit.

Ce dessaisissement s’exprime aussi par une "trahison des élites" qui ne défendent plus l’intérêt général et le bien public mais les intérêts de l’oligarchie. Ce dessaisissement s’exprime aussi par une transformation des partis politiques en entreprises de marketing se partageant le marché des sièges à pourvoir dans les différentes assemblées et conduisant à la corruption. Alliances contre nature, combineas d’appareils brouillent les convictions et décrédibilisent le discours politique.

Pour se ressaisir de son destin, la multitude, si l’on veut à tout prix conserver ce terme doit changer les règles du jeu politique, et pour ce faire, fonder de nouvelles institutions au service du bien commun et de l’intérêt général : c’est le sens d’une assemblée constituante fondant une sixième république au service d’un peuple retrouvant son unité démocratique et républicaine. Telle est, me semble-t-il, la démarche du parti de gauche et de Jean-Luc Mélenchon.

Est–ce là une réponse à la problématique de Negri concernant la ssouveraineté ?

"Pour commencer, je voudrais partir non pas d’une hypothèse mais d’un fait, d’un donné : le concept moderne de « souveraineté » est en crise. Or, puisque le concept de souveraineté moderne est une structure dans laquelle s’organise – précisément sous la forme de la souveraineté – une certaine idée de la propriété (privée et publique) et une conception de la représentation politique, reconnaître la crise de la souveraineté moderne signifie du même coup problématiser les concepts de « propriété privée et/ou publique » et de « représentation politique » . Pour tous les auteurs qui prennent acte de cette crise, le dépassement de l’horizon souverainiste dérive de la naissance des mouvements et des actions collectives « irréductibles » aux structures de l’État souverain de la modernité. Le déclin du dogmatisme juridique moderne qui en est la conséquence dérive ainsi de l’émergence de mouvements immédiatement « constituants », c’est-à-dire capables d’exprimer un « constitutionnalisme sociétal » alternatif à la théorie constitutionnelle étatico-centrique (Teubner, 2004).

Source :A. Negri" La souveraineté aujourd’hui : entre vieilles fragmentations et nouvelles excédences.

Renoncer à toute centralité, plus exactement à la contractualité centrale (le contrat social organisateur de la société, du vivre ensemble ) qui est un ressort important de l’unité du peuple et ne conserver que la contractualité intérindividuelle (pour reprendre la terminologie de Jacques Bidet dans sa théorie générale), qui régit notamment l’économie de marché, aboutirait à une moléculairisation de la société qui deviendrait complètement marchandisée.

Rappelons que Mélenchon est partisan d’une révision constitutionnelle permettant de redéfinir la propriété "Pour tout cela, la définition des droits constitutionnels de la propriété privée du capital devrait changer. D’un droit sacré inaliénable, il doit devenir un simple droit d’usage, encadré par les servitudes de l’intérêt général. […] Depuis 1789, nous définissons la citoyenneté comme la participation de chacun d’entre nous à l’exercice de cette souveraineté, sous l’empire de la Vertu. C’est-à-dire dans l’objectif de l’intérêt général. A présent tout cela est effacé. L’intérêt particulier de la finance et la main invisible du marché sont réputés produire le bien commun comme le foie sécrète la bile. La règle de la concurrence libre et non faussée est décrétée spontanément bienfaisante. "

Cliquez icipour le contexte

On peut aussi pour plus d’informations à ce sujet se reporter à la position du Parti de Gauche décrite sur ce site dans l’article : 6ème République et hiérarchie des normes L’enjeu constituant de la propriété

Hervé Debonrivage


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