Convention nationale sur l’entreprise : 26% POUR LES AMENDEMENTS DE LA GAUCHE SOCIALISTE(article de 1998)

jeudi 26 janvier 2006.
 

DES DÉBATS DE COMBAT

Par Pascale Le Néouannic

A l’occasion de la Convention Entreprise, première du genre depuis notre victoire aux législatives et l’entrée en fonction de François Hollande, le résultat des votes donne à méditer. Surtout à la direction du P.S. En effet "plus d’un militant sur quatre s’est prononcé en faveur des amendements" de la Gauche Socialiste. En introduisant par ces mots le débat, Gérard Filoche rappelait que ce vote est un signe qui reflète "les impatiences qui existent dans notre pays". 26 % donc. Mais, au-delà de ce vote et en dépit de la méthode choisie par la direction, nombreuses sont les fédérations qui ont fait remonter des motions qui reprenaient des thèmes, des problématiques qui étaient contenus dans nos six amendements. Le service public de l’eau bien sûr mais aussi la question des fonds de pensions ou encore l’avenir des 35 h. créatrices d’emplois et le contingentement des heures supplémentaires. Si nombreux ont été les délégués des fédérations à intervenir sur le fond, ils ont aussi pris le temps d’exprimer leurs désaccords quant à la méthode choisie par la direction nationale. Et Julien Dray a eu raison de rappeler à la tribune de la Convention que "d’un certain point de vue ceux qui ont préparé cette Convention savaient très bien ce qu’ils faisaient. Nous sommes persuadés, avec tristesse, que si le parti profond avait pu voter librement, au regard de ce qui nous a été dit, le parti aurait voté en majorité pour nos amendements...".

Il n’y en a que pour eux

A regrets, apparemment, un délégué faisait remarquer, "il n’y en a que pour La Gauche Socialiste". Et pour cause, en défendant nos amendements nous avons animé les débats de ce week-end. Rappelant à qui l’aurait oublié que l’autorisation administrative de licenciement faisait partie de nos engagements électoraux, que la lutte contre l’emploi précaire (qui a quadruplé en un an comme l’a très bien rappelé Bernadette Merchez) passe par des mesures coercitives et pas seulement incitatives. Sans oublier que la formule du texte officiel en faveur du "et-et" et privatisations et nationalisations ne peut s’arrêter au premier "et"... Qu’en la matière, la nationalisation de l’eau n’est pas pour La Gauche Socialiste une lubie. L’eau est une denrée non renouvelable, un bien commun, et tout le monde comprend qu’elle est menacée par les conséquences du système économique productiviste. Et derrière la problématique de la nationalisation de l’eau et des déchets se profile l’avenir du service public à la française. Julien Dray rappelait : "Le service universel que l’on nous propose, c’est un peu aujourd’hui la réalité de ce qu’étaient les dames patronnesses au début du siècle : assurer un minimum de charité. Ce n’est pas notre conception de l’égalité sociale". Et qu’en ce qui concerne les fonds de pensions il n’est pas possible de dire aux adhérents du Parti Socialiste que ce n’est pas le débat lorsque toute la presse se fait l’écho des mesures en préparation, Laurence Rossignol a exprimé sur ce point les divergences qui sont apparues : "Nous sommes opposés à tout système de fonds de pension quelle qu’en soit la forme. Aujourd’hui le gouvernement est rentré dans la logique de mise en place des fonds de pension (...). Or c’est un système étrange où le salarié sera obligé de payer ce qui demain va être l’arme qui sera utilisée contre lui dans son entreprise".

Nous demandions que les socialistes puissent débattre et se donner du temps avant toute décision gouvernementale. Sur ce point des engagements ont été pris puisque Vincent Peillon, rapporteur de la Commission des Résolutions annonçait dimanche matin à la tribune l’engagement pris par le parti d’organiser un débat sur les fonds de pension.

Mais au-delà de cette petite annonce, tous les orateurs qui défendaient le texte adopté par le Conseil National s’évertuaient à nous répondre en invoquant le "modernisme" indispensable à leurs yeux pour affronter le prochain millénaire. Entendez que pour eux il ne faut surtout pas "encadrer", "légiférer", "réglementer". Rien ne doit se substituer à la négociation sociale. Même si comme l’a rappelé Gérard Filoche près de 90 % des salariés en France ne sont pas concernés par ces négociations.

Enthousiastes

Il y eut dans le débat, beaucoup d’échanges, de dialogues qui nous ont permis de balayer quelques faux arguments. Ainsi Jean-Luc Mélenchon expliquait : "Personne ne méconnaît les réalisations du gouvernement. Cessons cette fausse opposition entre nous quand on dénonce les tares de la société capitalistique, on n’accuse pas le gouvernement ( ... ) C’est tout le contraire. Nous ne sommes pas des sceptiques, mais des enthousiastes". Et de poursuivre en réaffirmant notre attachement à la "République Sociale qui ne veut rien dire d’autre que ceci : mettre dans le désordre de la production des logiques spontanées du capitalisme, l’ordre des objectifs humains, d’épanouissement des individus, de la personne, c’est cela le socialisme".

Le rapport de force

La discussion porte sur l’analyse que nous faisons de la situation et de l’état du rapport de force. Durant ces vingt dernières années, le capitalisme a imposé son rapport de force. Pendant cette période le mouvement socialiste a paré les coups. Aujourd’hui la crise financière qui vient d’éclater ouvre une nouvelle période qui doit permettre aux socialistes de repasser à l’offensive. C’est bien cela dont il est question avec nos amendements. Si les débats furent animés, ils permirent à chacun de défendre son point de vue, loin des querelles post mortem qui ont passionné semble-t-il plus la presse que les délégués de notre convention. Ainsi le PS veut "un patronat moins archaïque", comme l’a titré Le Journal Du Dimanche dans sa dernière édition, nous souhaitons pour notre part un PS plus offensif ! Bref la formule de Démocrite "la lutte est la mère de toutes les choses" n’est toujours pas dépassée. La première tâche d’un socialiste est d’abord de renforcer son propre camp.

L’ARGENT N’EST PAS LE ROI DU MONDE

Extrait de l’explication de vote de Marie-Noëlle Lienemann

n Nous avons obtenu 26 % mais en terme d’idées le soutien à nos thèses va bien au-delà et cela éclaire d’autant plus le choix tactique de la direction de présenter nos amendements comme alternatifs. (...)

On nous explique qu’il ne faut pas contingenter le nombre de CDD dans les entreprises, cela serait trop tatillon. Mais sans cesse sont édictées des circulaires pour nous dire, il ne faut pas dépasser tant de milligramme de ceci, tant de m2 de cela, vous passez votre temps à faire des réglementations mais jamais sur le social, jamais pour la protection des salariés. En ce qui concerne les heures supplémentaires, vous proposez de les rendre plus coûteuses. Or, cette proposition est typique de l’accompagnement social de la précarité et ce n’est pas ce combat contre la précarité que nous appelons de nos vœux. Tout l’enjeu de société est là : ou nous mettons les entreprises et leur mode de production en situation de sécréter le progrès social, ou on fait reposer sur l’Etat la finance publique, la Sécurité Sociale, l’accompagnement de ceux qu’il a démolis.

Après, on vous dira que les déficits publics sont trop lourds. Après, on vous dira qu’on ne peut plus payer ! In fine, ce que nous devons faire, c’est faire en sorte que les entreprises soient en situation de prendre en charge, parce qu’elles produisent des richesses, la part de ce qui est nécessaire pour la société : des salaires dignes, un travail stable et des conditions de financement du social et de l’action publique.

Or, toute la dérive que nous observons dans la société contemporaine vise à extraire cette contrainte des entreprises, J’achèverai sur la valeur de l’argent. Sans cesse la rengaine est répétée : "Il ne faut pas réglementer", notamment réglementer le nombre d’heures supplémentaires maximum. Choisissons plutôt de les rendre plus cher, de les taxer. Quelle est cette société où on peut acheter le droit de payer pour rendre précaire ? Quelle est cette société où on peut acheter le droit de polluer ?

Et vous vous étonnerez ensuite, chers camarades, avec des compassions morales, que la valeur d’argent devienne valeur dominante. Cela n’a jamais été socialiste ! Prenons garde que subrepticement nous ne la consolidions pas terriblement. Les gens sur le terrain attendent des socialistes une autre vision de la société et de la civilisation, celle où le marché compte, mais où l’argent n’est pas le roi du monde !

Avec 26 % des suffrages les amendements défendus par La Gauche Socialiste ont recueilli l’adhésion de plus d’un votant sur quatre.

Dans le Cher et en Essonne les amendements ont obtenu plus de 60 % des suffrages. C’est une première ! Félicitations aux camarades.

Reste des fédérations où débattre relève de l’exploit militant. Pas d’accès au fichier des secrétaires de section (toujours refusé dans le Gard), pas de droit au débat contradictoire (dans de nombreuses sections des Deux-Sèvres où nous devons reconnaître à chaque fois avoir récolté un zéro pointé).

Le taux de participation moyen à cette convention s’approche de 50 %. Une fédération sort du lot. C’est encore et toujours l’Hérault qui a su mobiliser plus de 70 % de ses adhérents. L’exploit ne serait rien si nous oublions de vous faire remarquer que cette mobilisation se fit en à peine trois jours, au début novembre, le 5 précisément. Il faut savoir reconnaître les mérites de chacun...


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