Dans son roman-enquête, Roberto Saviano explique comment, depuis la fin des années 1990, les familles de la camorra sont devenues les leaders du traitement des déchets en Europe.
Y a-t-il des organisations mafieuses derrière la filière de ces déchets napolitains qui pourraient arriver en Suisse ? C’est ce que craignent certains Suisses, comme Edi Blatter, le président de la déchetterie valaisanne Satom. La thèse est confirmée par Roberto Saviano, l’écrivain et journaliste italien auteur du récent livre à succès "Gomorrha, dans l’empire de la camorra". Un ouvrage qui lui vaut d’être menacé de mort et sous protection policière en permanence.
A Naples et dans sa province, sur dix-huit entreprises spécialisées dans la collecte des déchets, quinze seraient directement liées à la camorra. Au départ du processus, il y a des patrons de petites ou grandes entreprises qui veulent se débarrasser à bas prix de leurs déchets. Puis les responsables des centres de stockage entrent en jeu : "Ils manipulent les documents, recueillent les déchets toxiques et les mélangent très souvent aux ordures ménagères", décrit Roberto Saviano. Les mafieux diluent ainsi le taux de toxicité des déchets et leur attribuent un niveau inférieur de dangerosité. "Les chimistes jouent alors un rôle essentiel, car ils transforment un chargement de déchets toxiques en banales ordures ménagères. Nombre d’entre eux falsifient les formulaires d’identification en maquillant le résultat des analyses", poursuit l’écrivain. Ainsi, de simples ordures ménagères peuvent devenir des bombes ambulantes.
Le marché des déchets est extrêmement lucratif. Dans son roman-enquête, Roberto Saviano a calculé que, grâce au trafic de substances empoisonnées, les clans et leurs intermédiaires ont encaissé 44 milliards d’euros en quatre ans, soit une progression de 29,8 %. « Seul le marché de la cocaïne peut rivaliser avec cette croissance. » Le traitement officiel des déchets toxiques coûte de 21 à 62 centimes d’euro le kilo, alors que les clans offrent le même service pour 9 ou 10 centimes. L’opacité du système est liée à l’existence d’intermédiaires qui ne sont presque jamais affiliés aux clans. « Il s’agit de véritables cerveaux criminels du traitement illégal des déchets toxiques, relève Roberto Saviano. Officiellement, ils ne prennent part à aucune étape du processus. »
Les déchets de Naples sont transférés dans le nord de l’Allemagne pour y être incinérés, une mesure qui pourrait apaiser les tensions dans la ville italienne. Un accord prévoit de transporter 30000 tonnes d’ordures compressées à Bremerhaven.
de Elly TZOGALIS
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