Emballages, publicités, objets à usage unique, appareils électroniques dépassés ou cassés… Nos poubelles débordent ! Reprendre en main la gestion des déchets, aujourd’hui confiée à des multinationales qui en tirent profit, c’est possible ? Zéro déchets, c’est possible ? De la commune à l’Europe, fixer des objectifs politiques plus contraignants est une nécessité. Un point de vue défendu par des responsables du Front de gauche, dont Danielle Simonnet, candidate à la mairie de Paris.
Les écosocialistes que nous sommes n’auraient pas manqué ça : le premier congrès du mouvement Zero waste (« zéro déchets ») France s’est tenu samedi 1er février à Bobigny, dans l’enthousiasme qui caractérise souvent les acteurs de ce secteur.
Le mouvement Zero waste est mondial. Il milite à la fois pour moins de déchets et moins de gaspillage : un bon début, selon nous ! Il vise à fédérer les actions qui fonctionnent, pour mieux démontrer que l’objectif « zéro déchets » est une question de volonté politique. Nous y participons, pour dénoncer le capitalisme productiviste qui génère ce problème écologique majeur, des inégalités sociales ahurissantes, mais aussi pour apprendre des autres, de leurs points de vue, de leurs expériences, et avancer avec eux. Cette journée a été riche. Là encore, « l’humain d’abord » n’est pas un vain mot. Cette tribune est à la fois la restitution de ce que nous avons glané, et un engagement dans le sillage de ces précurseurs.
La face « déchets » du capitalisme
On ne peut être qu’effarés par le volume de nos poubelles : des tas d’emballages de denrées qui pourraient être vendues en vrac, des publicités qui squattent notre boite aux lettres, de jouets en plastique que l’on n’a pas demandés… Évidemment, on ne compte pas le « vieux téléphone » (au moins deux ans !), le grille pain bon marché qui fait des étincelles au bout de trois ou quatre ans… On oublierait presque la nourriture gâchée, et les épluchures qui pourraient fertiliser la terre. Cette production effrénée d’emballages et d’objets, certains électriques ou électroniques, dont la principale caractéristique est d’être à usage unique ou de courte durée, pose un problème écologique directement lié à notre système économique.
Vous ne savez pas quoi faire de vos déchets ? D’autres savent ! En France, les déchets sont gérés à plus de 90% par le secteur privé, avec de juteux bénéfices. Parmi les multinationales les mieux implantées sur le marché mondial des déchets, plusieurs sont françaises. Les mêmes entreprises détiennent la quasi-totalité des marchés de collecte de déchets, d’exploitation des incinérateurs et des décharges dans notre pays : Veolia, (Veolia propreté), Suez, (SITA et Novergie), TIRU (dont EDF détient 51%). Un marché mondial qui représente des centaines de milliards de chiffre d’affaires.
Les activités liées aux déchets sont le premier poste de dépense publique en matière d’environnement en France : 15,7 milliards d’euros ! Il s’agit de l’argent de nos impôts, ainsi que de l’écotaxe payée à l’achat, reversée à un éco-organisme agréé par l’État. Dans les Conseils d’administration de ces éco-organismes, on retrouve les multinationales (lire l’enquête de Basta ! sur le sujet). Les décisions seront-elles prises en fonction de critères environnementaux ? Une place sera-t-elle faite aux associations de récup, aux biffins, aux ressourceries ? Non. Ces multinationales ont trouvé là, non pas un tas d’ordures, mais un tas d’or. Et elles ne le partagent avec personne. C’est donc bien une privatisation des bénéfices et une socialisation des pertes, et des gaz à effet de serre pour tout le monde !
Le problème écologique est là : on n’élimine pas les déchets !
Ce qui ne pourra pas aller au recyclage (qui concerne 20% des ordures ménagères) ira en décharge (36%), à l’incinérateur (30%). Ou encore dans une usine de tri mécano-biologique (TMB), la nouveauté industrielle, vendue comme la solution « clé en main » pour les collectivités locales qui doivent faire face à des millions de tonnes de déchets. Après l’incinération d’une tonne de déchets, il reste encore 300 kg de mâchefers à enfouir et 6000 m3 de fumées, sans compter les effluents liquides pour le traitement de celles-ci.
Les déchets sont la troisième grande pollution, après celle de l’eau et de l’air : du début à la fin de la chaîne, le capitalisme productiviste exploite les ressources minières et génère des déchets dont on ne sait plus que faire, qui contribuent à renforcer l’effet de serre (ils représentent 20% des émission de gaz), et à polluer les sols et les airs.
Lors de la journée Zero waste, plusieurs collectifs ont présenté leur combat : le collectif 3R qui lutte à Ivry-sur-Seine contre l’incinération et le projet du Syctom d’implantation d’une usine TMB méthanisation, l’association ARIVEM qui a obtenu l’arrêt du projet d’usine TMB et méthanisation à Romainville. Ce n’est pas une lubie de riverains : ces associations ont étudié la question des déchets et proposé un projet global où les citoyens reprennent en main les affaires de la cité et ces objets abandonnés, dont le statut change : le déchet de l’un fait le gagne-pain de l’autre.
« Zero déchets », c’est possible ?
Des villes ont repensé le chemin des déchets : pour qu’il y en ait moins, que les objets soient conçus pour être réemployés ou recyclés, qu’ils soient mieux triés pour rendre le traitement possible. A Capannori (Lombardie, Italie), ville exemplaire, et dans des dizaines de villes du monde, il ne reste que 10% des déchets à enfouir. Plus du tout d’incinération : l’économie a été relocalisée pour éviter les conditionnements coûteux en emballage, des emplois ont été créés massivement pour accompagner tous ces changements.
Cela coûte-t-il cher ? Certainement moins que l’incinérateur ! Les dépenses publiques ont diminué. Et cette expérience a été mise en place très rapidement. La créativité des citoyens est immense : création de commerces sans emballages, mise en place de ressourceries – avec des génies de la réparation de tout, y compris des ordinateurs et autres téléphones, ameublement prodigieux… Finie l’obsolescence !
On parle beaucoup d’économie circulaire… Réduisons la taille du cercle !
Nous nous reconnaissons dans la démarche « aucun déchet à l’incinérateur ». Actuellement, la réglementation en vigueur est celle de l’Union européenne. L’Europe fixe la hiérarchie des déchets via une directive cadre, qui indique clairement le chemin : d’abord éviter de produire des futurs déchets, pour préserver les ressources naturelles, ensuite réemployer, recycler et au final mettre en décharge. Mais comme toute « politique » communautaire, sa mise en œuvre est soumise aux pressions des lobbys. Rien n’est planifié concernant le trajets des déchets. Et les contournements sont réguliers, notamment pour les déchets électriques et électroniques, ou des cartons que l’on retrouve à l’autre bout de la planète. L’incinération n’est jamais remise en question : c’est un marché trop lucratif.
Nous nous battons pour qu’une autre Europe émerge, débarrassée de son carcan libéral, qui fixera des objectifs politiques contraignants pour la préservation de l’écosystème. A chaque échelon, notamment celui de la démocratie municipale, nous voulons faire émerger une filière publique des déchets répondant à des grands principes :
Des normes d’éco-conception, pour bannir l’usage unique.
Une fiscalité taxant l’obsolescence et favorisant les pratiques de sobriété, de réemploi et de recyclage.
La planification de la réduction du volume des déchets avec des objectifs précis,en généralisant le tri fin à la source, et en faisant du compost, réemploi et recyclage localement.
Le passage en régie publique de la collecte et du traitement des déchets, en impliquant les salariés dans l’accompagnement des citoyens vers un tri précis, et des pratiques de récup ou de compostage.
Le soutien financier à la création d’outils citoyens et locaux, pour promouvoir le réemploi et le recyclage : ressourceries, associations de récup (qui pourraient coopérer, y compris avec de grosses entreprises si besoin, pour organiser les collectes en porte-à-porte par exemple), consignes, mise en place de couches lavables en crèche, vente en vrac chez les commerçants,…
La fin de l’incinération et du tri mécano-biologique.
Nous invitons les citoyens à fouiller leur poubelle : mêlons-nous de ce qui nous regarde ! Les multinationales ne sauraient continuer à imposer leurs désirs, pour toujours plus de profits, toujours plus d’inégalités, et toujours moins d’écologie.
Danielle Simonnet, conseillère de Paris, candidate du Front de gauche à la mairie de Paris
Mounia Benaili, candidate du Front de gauche à Juvsiy-sur-Orge
Tifen Ducharne, membre du bureau national du Parti de gauche
Danielle Laumont, candidate du Front de gauche aux Sables d’Olonne
Corinne Buzon, candidate du Front de gauche à Romainville
Christelle Galtier, co-secrétaire du Parti de gauche de l’Aveyron
Maxime Laisney, candidat du Front de gauche à Chelles
Mathieu Agostini, candidat du Front de gauche aux Lilas
Pierre Ducret, candidat du Front de gauche à Paris 19ème
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