Dans l’histoire humaine, les putsch de civils contre une armée ont généralement échoué. C’est ce que réussirent pourtant durant une quinzaine d’heures les Résistants d’Alger (surtout Juifs pieds-noirs) en pleine Seconde guerre mondiale, permettant ainsi la réussite du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. Il s’agit de la plus importante opération de la Résistance française en 1942.
Dès octobre 1940, un groupe d’opposants au régime de Vichy et au fascisme se forme à Alger. Autour d’André Témine, Emile Atlan et Charles Bouchara il s’organise au sein du Cercle Géo Gras. Essentiellement composé de Juifs politiquement marqués à gauche, il lutte contre les mesures antisémites. Il comprend bientôt 117 membres répartis en douze groupes dirigés par Emile Atlan, Charles Bouchara, Andre Temine, Paul Sebaoun, Julien Gozlan, Germain Libine, Afred Fitoussi, Georges Loufrani, Roger Moarali, Marcel Cassis, Cohen Adad et Dr. Raphaël Aboulker. Ils disposent d’un nombre d’armes important provenant de l’armurerie de la famille Atlan.
Un autre groupe de Résistants se crée le 7 mars 1941 à Oran, autour de Roger Carcassonne, cousin de Raphaël Aboulker.
En 1941 et 1942, l’URSS porte 95% du poids de la guerre face aux puissantes armées fascistes particulièrement la Wehrmacht. Son front menaçant de rompre, Staline insiste lourdement pour l’ouverture d’un second front à l’Ouest. Churchill et les Britanniques ne souhaitent pas prendre de risque en débarquant des forces en France ou sur la Mer du Nord ; ils préfèrent protéger leur empire colonial africain et soulager leur 8ème armée en difficulté près du Nil face à l’Afrika Korps de Rommel. Ainsi, Anglais et Américains décident de préparer un débarquement en Afrique du Nord. Ils sont confortés en ce sens par les excellents contacts établis avec les Résistants d’Algérie.
Du 21 au 23 octobre 1942, représentants des Alliés et de la Résistance se réunissent dans une ferme prés d’Alger pour décider du plan définitif. Les Résistants doivent occuper les points stratégiques et neutraliser l’armée française d’Afrique (environ 12000 hommes dont 5000 à Alger, dépendant du gouvernement de Vichy) durant une quinzaine d’heures pour permettre aux troupes américaines de débarquer suffisamment en force.
La préparation du putsch d’Alger commence mal car les Britanniques se trompent de lieu de débarquement des armes, armes qui vont cruellement faire défaut. En l’absence de celles-ci, une partie importante des contacts de la Résistance ne seront pas au rendez-vous définitif.
A minuit, environ 400 Résistants (deux tiers juifs) se dirigent par groupe en direction de leurs objectifs extrêmement ambitieux : la Villa des Oliviers ( résidence du Commandant supérieur des troupes),le commissariat central, la Préfecture, la Grande poste, l’accueil des troupes de débarquement à Sidi- Ferruch, le blocage de l’Amirauté, l’interpellation ou encerclement des résidences des principaux généraux (Juin, Mendigal, Koeltz et amiral Fenard)... Parmi les exploits de cette nuit, notons le groupe de lycéens de terminale du lycée de Ben Aknoun qui investit la résidence du commandant en chef des forces françaises en Afrique du Nord. Vers 1h30 tous les groupes ont atteint leur objectif. Pourtant, la suite de l’opération ne va pas être simple.
Le débarquement de troupes américaines et britanniques se déroule mal. Par manque d’entraînement et d’expérience, beaucoup de barges se retournent en mer entraînant matériel et militaires dans la mort. Manquant de moyens et doutant des succès de civils face à un corps d’armée, le général Ryder préfère attendre sur les hauteurs plutôt que marcher sur Alger. Les généraux français contactés par les Américains au nom du président Roosevelt réagissent négativement et font tirer sur les forces débarquées.
Les gardes mobiles ayant arrêté les lycéens et libéré Juin, celui-ci ordonne à la Garde mobile, aux chars du 5e Chasseurs et au 13e Sénégalais de reprendre immédiatement les points stratégiques tenus par les Résistants. Il serait trop long de détailler ici les évènements complexes, retournements de situation et lâcheté de certains officiers français ; limitons-nous à admirer le fait qu’à 16 heures en ce 8 novembre 1942, les Résistants tiennent toujours des points stratégiques principaux ; ils occupent encore le Commissariat Central à 18 heures, au moment où l’armée américaine avance sur Alger.
Après une longue période d’expectative, entendant les coups de feu dans Alger, le général Ryder encercle Alger à partir de 16h30 et commence à intervenir militairement sur certains points. Au soir de ce 8 novembre, les généraux français ordonnent le cessez-le-feu sur Alger et laissent Alliés et Résistants maîtres de la ville, en particulier de son excellent port où de nouvelles forces vont débarquer.
Cette victoire sur Alger compensait les déboires de l’Oranais et du Maroc où la Résistance avait eu le tort de laisser la direction des opérations à des officiers supérieurs qui échouèrent.
Jacques Serieys
En cette fin d’année 1942, deux autres évènements militaires sont à signaler :
Bataille de Stalingrad. Personne ne doit oublier le rôle de l’URSS dans la défaite du nazisme !
El-Alamein, tournant décisif de la Seconde guerre mondiale ? 23 octobre 1942
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