30 janvier 1943 Création de la Milice
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B1) La Milice, organisme d’Etat
La Milice n’est pas une organisation fondée par des fascistes de façon indépendante. C’est l’Etat français qui la crée pour ses besoins, en particulier de lutte contre la Résistance et de propagande politique. Le maréchal Pétain comme Laval, son chef du gouvernement, la soutiendront activement. Dans chaque département, elle est placée sous l’autorité du préfet.
La loi du 30 janvier 1943 (publiée au Journal Officiel le 31) fondant la Milice est claire sur cette responsabilité gouvernementale totale :
« Article 1er - La Milice française, qui groupe des Français résolus à prendre une part active au redressement politique, social, économique, intellectuel et moral de la France, est reconnue d’utilité publique. Ses statuts, annexés à la présente loi, sont approuvés.
Article 2 - Le chef du Gouvernement est le chef de la Milice française. La Milice française est administrée et dirigée par un secrétaire général nommé par le chef du Gouvernement »
Lorsque Joseph Darnand devient secrétaire d’Etat à l’Intérieur au sein du gouvernement de Vichy « Milice, administration policière et Justice ne formèrent qu’un seul corps fasciste » (Berstein et Milza, Dictionnaire historique des fascismes, Editions Complexe). Des cours martiales, sans avocat ni recours siègent dans les prisons ; leurs sentences sont immédiatement suivies d’exécution ; ainsi, les révoltés de la prison centrale d’Eysses seront exécutés.
B2) La Milice, organisation idéologiquement fasciste
Joseph Darnand, fondateur et dirigeant de la Milice, secrétaire général au maintien de l’ordre au sein du gouvernement de Vichy, prête le serment SS en août 1943 « Je te jure, Adolf Hitler, Führer germanique et réformateur de l’Europe d’être fidèle et brave. Je jure de t’obéir à toi et aux chefs que tu m’auras désignés jusqu’à la mort ». Il appellera également les miliciens à s’engager dans les WaffenSS. Sa fonction lui donne autorité sur la police et la gendarmerie.
L’article 1er des statuts de la Milice insiste sur son rôle idéologique « La Milice française a la mission, par une action de vigilance et de propagande, de participer à la vie publique du pays et de l’animer politiquement. » Sur ce point aussi, la Milice est un relai de la politique gouvernementale. Pierre Laval ne considère-t-il pas que « la démocratie, c’est l’antichambre du bolchévisme ».
Il suffit de lire les 21 points de la profession de foi exigée de chaque adhérent pour compter cette Milice dans la constellation fasciste européenne des années 1920 à 1944 : anticommunisme virulent, anti-républicanisme, antisémitisme ("lèpre juive"), sacralisation du Travail...
Beaucoup de ses dirigeants sont déjà passés par une organisation fasciste d’avant guerre, particulièrement Action française et La Cagoule.
L’Ecole nationale des cadres de la Milice installée le 1er mars 1943 dans la château d’Uriage insiste sur la propagande politique et l’entraînement militaire. "A Saint-Martin-d’Uriage bat le coeur de la Milice bien née et bien élevée : catholiques et royalistes... On est ici entre gentishommes. On est chouans mais avec élégance. On porte des gants blancs" (Delperrié de Bayac). Les Cahiers d’Uriage, publiés mensuellement, correspondent à cette identité fasciste royaliste.
Ses trois directeurs successifs sont des maurrassiens :
le comte Pierre de La NOUE du VAIR
Jean de Vaugelas, chef régional à Marseille, impliqué dans l’anéantissement du maquis des Glières
Mascarelli- Giaume
B3) La Milice française, police politique et militaire fasciste
Elle conserve le rôle donné à son prédécesseur, le SOL : assurer la protection de l’Etat français. L’article 2 de ses statuts concerne cette fonction particulière : « La Milice française est composée de volontaires moralement prêts et physiquement aptes, non seulement à soutenir l’État nouveau par leur action, mais aussi à concourir au maintien de l’ordre intérieur. »
La Milice présente les caractéristiques d’une police fasciste :
par ses méthodes violentes, indépendantes de toute procédure judiciaire : agressions individuelles, assassinats ciblés, tueries...
par ses actions extra-légales du type racket et pillage
par son recrutement comprenant des aventuriers, des repris de justice, des criminels de droit commun.
Dans presque tous les Etats fascistes, une force paramilitaire politique constitue une police supplétive. SS hitlériens, Milice italienne (armée parallèle au service du parti créée en 1921) comme Milice française en sont de bons exemples.
A partir du 2 juin 1944, la Milice se dote d’une unité militaire d’élite : la Franc-Garde (« instruite techniquement et préparée au combat de manière à être toujours prête à assurer le maintien de l’ordre » Darnand). Celle-ci se compose d’une part de troupes permanentes militarisées, rémunérées et groupées dans des casernes, d’autre part d’unités bénévoles organisées en dizaines, trentaines, centaines et cohortes mobilisables ponctuellement.
B4) Une organisation peu nombreuse mais non minoritaire
Quiconque connaît bien la droite des années 1930 peut facilement constater que la Milice française n’est pas structurée autour de quelques marginaux mais autour de personnalités de la droite et des milieux privilégiés.
La joie de Charles Maurras lors de la création de la Milice mérite d’être signalée « Avec le concours de [cette] pure et solide police, nous pourrons chez nous frapper d’inhibition toute velléité révolutionnaire et toute tentative intérieure d’appuyer les hordes de l’Est, en même temps que nous défendrons nos biens, nos foyers, notre civilisation tout entière. » (Action française du 3 mars 1943)
Ancien militant d’Action française, Joseph Darnand s’entoure de cadres également venus de la droite maurrassienne (influente dans l’extrême droite mais aussi dans la droite "républicaine").
C1) Une force militaire de guerre civile
L’action de la Milice est le meilleur indice de la nature fasciste du régime pétainiste.
Les miliciens contribuent activement à la délation et à la rafle des juifs vers les camps de concentration.
Les miliciens servent à liquider des Résistants dont les 400 combattants des Glières.
Lors de leurs opérations, les miliciens commettent de nombreux vols, viols, cambriolages, rackets, extorsions de fonds, voies de faits sur la voie publique ou contre des fonctionnaires.
Les immeubles de la Milice, à commencer par son QG au Petit Casino de Vichy, constituent des lieux de torture systématique.
Le 11 juin 1944, à Saint Amans Montrond, 80 civils morts sont découverts dans un puits après leur passage
C2) Milice et antisémitisme
Certains réseaux de la Milice présentent des caractéristiques proches du nazisme, en particulier parmi les anciens de la Cagoule.
Dans la nuit du 2 au 3 octobre 1941, Filliol et Deloncle font sauter à l’explosif les cinq synagogues de Paris. Qui le leur a demandé ? le général allemand Thomas, adjoint du chef de la gestapo.
Au sein de la Milice, Jean Degans (ex Cagoule) dirige le deuxième bureau ( renseignement) auquel les renseignements généraux de la police sont intégrés. Il travaille main dans la main avec la Gestapo ; il ordonne aux commissaires de police de travailler avec celle-ci.
Avec Filliol, il met en place les Organisations techniques, écoles de guérillas urbaines.
Jean Degans, ex chef du 2ème bureau de la cagoule
C2) Milice, armée hitlérienne et gestapo
En juillet 1943, un décret paru au Journal Officiel autorise les Français à s’engager dans la Waffen-SS (créant ainsi la Sturmbrigade SS Frankreich).
En août 1943, Joseph Darnand, chef de la Milice, est nommé officier de la Waffen-SS et prête serment de fidélité personnelle à Hitler dans les locaux (hôtel Beauharnais) de l’ex-ambassade d’Allemagne à Paris, rue de Lille.
Lors du combat des Glières, environ 700 miliciens font partie des troupes fascistes commandées par le général allemand Karl Pflaum.
Parmi les assassinats perpétrés par la Milice, les plus connus sont ceux de Victor Basch (ancien président de la Ligue des Droits de l’Homme), de Marcel Sarraut, de Jean Zay :
Hommage à Jean Zay, grand ministre du Front Populaire
Après l’assassinat du secrétaire d’Etat de Pétain à l’information, l’odieux Philippe Henriot, les miliciens laissent libre cours à leur bestialité. Ils sillonnent en voiture les rues de Châteauroux en tirant au hasard sur les passants. A Mâcon, ils exécutent sept personnes...
C3 La fin de la Milice
Après la libération de la France, environ 6000 miliciens (sur 10000 Français) rejoignent l’Allemagne pour continuer à combattre.
Parmi eux, 2500 francs-gardes sont affectés dans des unités d’élite de la Wehrmacht :
particulièrement dans la division Charlemagne (33ème division de grenadiers waffenSS) au sein du 57e régiment d’infanterie SS, formé surtout par les survivants de la Sturmbrigade Frankreich et dans le 58e régiment d’infanterie SS, formé surtout par les survivants de la LVF ( Légion des volontaires français contre le bolchévisme qui a combattu sur le front de l’Est). Jean de Vaugelas (ex directeur de l’école d’Uriage) devient Hauptsturmführer SS puis Sturmbannführer SS, combattant jusqu’en Poméranie ; capturé par les soviétiques, rapatrié en France, évadé grâce à un passeport de la Croix Rouge.
également pour constituer un bataillon d’infanterie qui combattra les partisans italiens aux côtés des fascistes de la République de Salo en Italie du Nord.
Joseph Darnand fait partie de ces troupes fascistes qui pourchassent les Résistants en Italie du Nord au sein de la Wehrmacht. Arrêté, condamné à mort par la Justice française après la Libération. Au moment de l’exécution, il entonne le refrain du Chant des Cohortes (composé pour le SOL et repris par la Milice) : « À genoux, nous fîmes le serment, de mourir en chantant, s’il le faut, pour la France Nouvelle ». Son fils, Jean-Philippe, également engagé dans la collaboration (membre de l’Avant-garde), devient speaker de Radio-Vatican
Jacques Serieys
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