Budget : la gauche remporte une première manche sur le financement de la Sécu

lundi 11 novembre 2024.
 

Dans un hémicycle déserté par les macronistes et la droite LR, les députés ont fait voter 20 milliards d’euros supplémentaires pour financer la Sécurité sociale. Si elle sera balayée par le 49-3, cette victoire inattendue illustre la déréliction de la coalition au pouvoir.

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Une divine surprise pour la gauche et une mauvaise nouvelle pour Michel Barnier. Alors que tout le monde s’attendait à ce que la partie « recettes » du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) soit rejetée dans l’hémicycle – comme elle avait été rejetée à l’unanimité, quelques semaines plus tôt, en commission –, une majorité s’est dégagée, lundi 4 novembre au soir, pour adopter un texte largement remanié par la gauche à l’Assemblée nationale.

Si cette victoire est pour l’heure plus politique que législative, le premier ministre ne faisant pas mystère qu’il recourra au 49–3 pour revenir à la copie initiale du gouvernement, elle contrarie en tout cas le scénario échafaudé par Matignon qui tablait sur le rejet de la partie « recettes » pour éviter l’examen de la partie « dépenses » du budget de la Sécurité sociale au Palais-Bourbon et renvoyer les textes financiers directement au Sénat.

En faisant adopter le volet « recettes » grâce à l’abstention du Rassemblement national (RN), la gauche a donc au moins réussi à forcer l’exécutif à s’expliquer, même a minima, sur les coupes budgétaires prévues dans l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam), le financement des hôpitaux ou les Ehpad. En fin de séance, le socialiste Jérôme Guedj a d’ailleurs insisté pour que l’ordre d’examen des articles soit inversé afin que l’une des mesures les plus controversées de la partie « dépenses » soit débattue avant la deadline fixée au mardi 5 novembre, minuit : à savoir l’article 23 sur le gel des pensions de retraite.

En attendant, c’est 20 milliards d’euros supplémentaires qui ont été décrochés par les députés pour financer la Sécurité sociale. Parmi les nouvelles sources de financement : la taxation des dividendes, de l’intéressement et de la participation des salariés, mais aussi des plus-values sur la vente d’actions (11 milliards), l’augmentation de la CSG portée de 9 à 12 % sur les revenus du capital (5 milliards), la hausse des sanctions sur le travail dissimulé (1 milliard), ou l’instauration d’une taxe sur les sucres ajoutés (plusieurs millions d’euros)… « Barnier voulait faire 15 milliards d’économie sur le dos des malades et des soignants, on lui en a trouvé 20, ce qui fait qu’il lui reste encore 5 milliards à dépenser pour les Ehpad et les hôpitaux ! », s’est félicité, dans la soirée, le député insoumis Hadrien Clouet.

Autre raison de se réjouir pour le Nouveau Front populaire : l’adoption d’une annexe ouvrant la voie à une possible abrogation de la réforme des retraites. « Ce soir, l’Assemblée nationale vient d’adopter l’objectif de principe d’abroger la retraite à 64 ans. Une obligation de décision s’impose désormais. Un seuil est franchi », a appuyé Jean-Luc Mélenchon sur le réseau social X, qui a rappelé que La France insoumise (LFI) avait inscrit l’abrogation de la loi Dussopt au menu de sa niche parlementaire le 28 novembre.

Le camp présidentiel toujours aux abonnés absents Au PS, où l’on ne se fait guère d’illusion sur l’issue finale des débats sur le budget, on soulignait toutefois lundi soir que, si le budget voté était « imparfait » puisque plusieurs amendements proposés par la gauche avaient été écartés au cours des débats, la séquence avait au moins le mérite de montrer qu’une majorité, même relative, aurait pu être trouvée si Lucie Castets avait été nommée à Matignon.

Au contraire, le scrutin a exposé la grande faiblesse de la coalition macronistes/LR au pouvoir. Une fois encore, les macronistes et les députés de la Droite républicaine (DR) se sont montrés fort peu nombreux dans l’hémicycle. Sur les 94 députés que compte le groupe de Gabriel Attal, seuls 39 étaient présents sur les bancs du Palais-Bourbon lundi. Quant aux élus Les Républicains, ils n’étaient que 18 sur 47 à siéger. Du « foutage de gueule ! », fulminait un macroniste dans la soirée, jugeant toutefois « bizarre de voter des trucs extrêmement importants le lundi soir », alors que certains députés sont toujours en circonscription.

Avec vous, c’est taxons, taxons, taxons !

Philippe Vigier, député du MoDem L’incapacité de la droite à faire front dans l’urne n’a pas empêché les élus de ladite « majorité » de s’émouvoir de ce budget jugé confiscatoire. « Vous avez créé des taxes et des charges pour près de 17 milliards, dont les victimes seront les classes moyennes qui travaillent », s’est insurgé le député DR Thibault Bazin à l’unisson avec le député Horizons François Gernigon qui a vu dans le budget amendé par la gauche « une attaque directe contre l’attractivité de notre économie ».

« Vous allez voter un budget totalement étrillé, avec vous, c’est taxons, taxons, taxons ! », s’est étranglé le député MoDem Philippe Vigier. « Vous avez votre succès d’estime sur les retraites avec vos amis du RN », a ensuite accusé celui qui, il y a un mois seulement, avait assumé de voter pour le RN Sébastien Chenu au moment des élections à certains postes clefs à l’Assemblée.

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« L’attitude du RN est complètement absurde, s’agaçait son collègue Pierre Cazeneuve, joint par Mediapart. Ils disent qu’ils sont contre les taxes et ils ont laissé passer un PLFSS avec 20 milliards de taxes en plus. C’est une énorme erreur ! » Et un premier coup de canif dans l’alliance tacite entre la coalition présidentielle et l’extrême droite, laquelle a rappelé, ce faisant, que le gouvernement ne devra pas l’oublier dans l’équation s’il veut mener à bien ses plans.

Pauline Graulle


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