Des pans entiers de la Sécurité sociale livrés aux assurances privées

mercredi 2 février 2011.
 

46 millions d’habitants des États-Unis ne disposent, aujourd’hui, de strictement aucune assurance maladie. La réforme de l’assurance maladie annoncée dans le programme de Barak Obama devait permettre d’en finir avec cette dramatique anomalie dans le pays le plus riche du monde.

C’était sans compter avec le lobby des assurances privées qui a réussi à faire reculer Obama et à lui faire abandonner son projet d’accroître largement la part des financements publics de l’assurance santé. Il lui a fallu, pour l’essentiel de sa réforme, s’en remettre aux assurances privées et à quelques mesures régulatrices. Résultats, selon deux chercheurs de l’OFCE, Christine Rifflart et Vincent Touzé [1] : cette réforme laisserait toujours, en 2019, « 23 millions de résidents américains sans assurance ».

Et ce n’est pas fini, le lobby des assureurs privés qui a largement contribué au financement des « Tea parties » et de la victoire des Républicains à la chambre des Représentants compte bien maintenant sur ces nouveaux élus pour détricoter, un à un, tous les fils de la fragile réforme d’Obama.

La leçon de cette courte histoire est évidente : quand la santé d’un pays est entre les pattes des assurances privées, il est extrêmement difficile de leur faire lâcher prise quelque en soit l’intérêt pour la santé publique. C’est pourtant le moment que choisissent Sarkozy et son gouvernement pour tenter de livrer aux assureurs privés des pans entiers de notre Sécurité sociale.

Le recul des retraites par répartition ferait le bonheur des assureurs privés

Dans leur offensive contre nos retraites, en 2010, le gouvernement Sarkozy et le Medef ont un triple objectif : ne pas augmenter le déficit public et garder à la France la note « AAA » que lui attribuent les agences de notations, ne pas augmenter les cotisations sociales patronales, accroître la place, laissée par un nouveau recul de la retraite par répartition, aux assurances privées et à leurs fonds de pension.

Les fonds de pension sont pourtant une catastrophe pour les retraites, qu’ils soient individuels ou qualifié de plan de retraite d’entreprise (PERCO). Les somme qu’ils recueillent sont jouées en bourse et instaurent une « retraite-casino » qui, au cours des 20 dernières années, a réduit à la portion congrue les pensions de million de salariés japonais, britanniques ou des États-Unis. Au gré de l’éclatement de la bulle immobilière de Tokyo, des faillites de gigantesques entreprises telles que Maxwell, Enron, Worldcom ou Tyco, de l’éclatement de la bulle spéculative sur les nouvelles technologies de l’information et, surtout, du désastre de la dernière crise financière.

Mais le gouvernement comme le MEDEF se soucient comme d’une guigne du sort des retraités. Ce qui compte pour eux, ce sont les profits que les banques et les assurances privées réaliseront grâce au placement de leurs fonds de pension ou autre « épargne-retraite ». Ils ne peuvent plus supporter qu’un champ annuel de plusieurs centaines de milliards d’euros soit laissé à la solidarité, au salaire indirect. Il leur faut, à tout prix, se faire une large place dans le financement des retraites. Les groupes privés, comme le fameux groupe Malakoff-Médéric qui a pour délégué général Guillaume Sarkozy (le frère aîné de Nicolas), jouent maintenant des coudes pour s’emparer du magot et profiter du recul (momentané) des retraites par répartition.

Le MEDEF ne veut d’ailleurs pas en rester là. Ce sont maintenant les retraites complémentaires, l’ARRCO et l’ARGIC, qu’il veut faire reculer, à leur tour, pour laisser une place toujours plus importante aux fonds de pension. Sachant très bien la réalité du rapport de force après l’énorme mobilisation de l’automne 2010, le Medef a choisit de reculer temporairement en « sécurisant » les retraites complémentaires jusqu’à fin juin 2001. Mais au-delà de ce délai le patronat reprendra l’offensive car il n’a jamais accepté de financer la retraite complémentaire entre 60 et 65 ans. En 2000, seule la mobilisation de 2 millions de salariés du privé avait obligé le MEDEF a céder alors qu’il avait déclaré mettre fin à ce financement. Il a renouvelé sa menace en 2009 et compte bien profiter de toute fragilisation du mouvement social, de toute division syndicale, de tout silence de la gauche et particulièrement du PS pour imposer ses objectifs.

Jean-Jacques Chavigné

Articles suivants :

(2) L’assurance-maladie solidaire rognée par les deux bouts

(3) Le financement de la dépendance et le début de la fin du monopole de la Sécu

Notes

[1] Lettre de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) du 21 juin 2010.


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