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L’influence des médias sur les personnalités politiques constitue un enjeu central de la vie politique dans l’espace médiatique et au-delà. Nous examinons ici ce phénomène avec sa réciprocité.
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Il existe plusieurs études statistiques et travaux de recherche qui examinent l’influence des grands médias sur les personnalités politiques, y compris les élus politiques. Ces études couvrent un large éventail de méthodes, allant des analyses quantitatives de contenu médiatique aux enquêtes sur l’opinion publique et des études de corrélation entre couverture médiatique et résultats électoraux.
Voici quelques aspects clés de ces recherches :
L’une des théories les plus établies est celle de l’agenda-setting, développée par Maxwell McCombs et Donald Shaw dans les années 1970. Cette théorie soutient que les médias ne disent pas forcément au public quoi penser, mais influencent sur quoi penser. Autrement dit, les médias ont le pouvoir de déterminer les priorités politiques en mettant en lumière certains enjeux, ce qui influence à la fois l’agenda du public et celui des personnalités politiques.
Exemple d’études :
Iyengar & Kinder (1987), dans leur ouvrage "News That Matters", ont démontré que les sujets fréquemment abordés par les médias deviennent plus importants pour les citoyens et peuvent inciter les élus à ajuster leurs discours et priorités pour répondre à ces attentes.
Des analyses empiriques, comme celle de Soroka (2002), montrent que la couverture médiatique peut façonner l’agenda gouvernemental, en particulier pour les sujets où le public est très attentif, comme l’économie ou la sécurité.
Les études sur le framing se concentrent sur la manière dont les médias présentent une information et comment cette présentation peut influencer la perception du public et les actions des politiciens. Selon cette théorie, les médias ne se contentent pas de choisir les sujets importants, mais orientent également la manière dont ces sujets sont perçus.
Exemple d’études :
Nelson, Clawson & Oxley (1997) ont démontré comment différentes présentations d’un même problème peuvent influencer les attitudes du public, et par extension, la position des décideurs politiques qui réagissent à ces perceptions. D’autres recherches, comme celles de Entman (1993), montrent comment les médias peuvent « cadrer » un événement (par exemple une crise économique ou un conflit international) de manière à influencer les réponses politiques.
Il existe également des recherches qui se penchent sur l’influence directe des médias sur les élections et les campagnes électorales. Ces études utilisent des modèles statistiques pour quantifier l’effet de l’exposition médiatique sur les résultats électoraux ou sur la popularité des candidats.
Exemple d’études :
DellaVigna & Kaplan (2007) ont étudié l’introduction de la chaîne d’information conservatrice Fox News aux États-Unis et ont trouvé qu’une exposition accrue à cette chaîne avait un effet mesurable sur le vote républicain dans les zones où Fox News était disponible. Des études similaires en Europe, comme celles de Durante & Knight (2012), ont examiné l’impact des médias biaisés sur les comportements électoraux, notamment en Italie avec le contrôle médiatique de Silvio Berlusconi.
Les chercheurs reconnaissent également que l’influence n’est pas unidirectionnelle, c’est-à-dire que les médias influencent les politiciens, mais que les politiciens influencent également les médias. L’idée de la « spirale de l’influence » indique que les élus, en particulier ceux ayant un fort pouvoir, peuvent influencer la couverture médiatique en donnant des interviews, en orientant les débats publics ou en utilisant des stratégies de communication.
Exemple d’études :
Strömbäck & Esser (2014) ont exploré la manière dont les politiciens utilisent les médias pour influencer l’opinion publique tout en étant eux-mêmes influencés par les attentes médiatiques. Les travaux de Cook (2005) sur le « spin » politique montrent comment les élus peuvent manipuler les narrations médiatiques pour renforcer leur position ou protéger leur image publique.
Les médias traditionnels (télévision, journaux) continuent de jouer un rôle important, mais la montée des réseaux sociaux a ajouté une nouvelle dimension à l’influence médiatique sur les politiques. Les études plus récentes se concentrent sur des plateformes comme Twitter ou Facebook, où les élus interagissent directement avec l’électorat, souvent en contournant les médias traditionnels.
Exemple d’études :
Barberá et al. (2015) ont étudié l’impact des réseaux sociaux sur la polarisation politique et ont montré que les élus politiques peuvent façonner directement les débats publics en utilisant des plateformes numériques. Des études sur l’influence des campagnes numériques, comme celles de Tufekci (2014), ont montré comment les personnalités politiques exploitent les algorithmes des réseaux sociaux pour maximiser leur portée et influencer l’agenda médiatique.
Les études statistiques montrent que les médias, qu’ils soient traditionnels ou numériques, ont une influence significative sur les personnalités politiques et les élus. Cette influence se manifeste de différentes manières : en orientant les priorités politiques (agenda-setting), en modulant les perceptions du public (framing), en affectant directement les résultats électoraux, et en influençant la dynamique des campagnes politiques modernes. Toutefois, l’influence est réciproque, les élus influençant également les médias dans une dynamique complexe et continue.
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Annexe
un exemple tumultueux de l’asservissement des journalistes au pouvoir jusqu’à une autonomie critique relative par asservissement à une autre idéologie. Source : Herts RBG https://www.youtube.com/watch?v=gk6...
* Le gouvernement nord américain et ses différents appareils idéologiques influencent considérablement les médias occidentaux et particulièrement les médias français dans la construction et la perception du narratif de la guerre en Ukraine. Ce narratif médiatique à, à son tour, une forte influence sur la perception que les personnalités politiques de droite comme de gauche ont de la guerre en Ukraine.
Il faut se rendre sur des médias alternatifs en France, en Suisse ou au Canada pour avoir une autre perception pour le domaine francophone. Mais on peut aussi avoir une autre vision en prenant connaissance des prises de position de médias et de personnalités politiques qui ne sont pas dans le champ occidental.
Ce phénomène d’influence se retrouve évidemment aussi dans le conflit Israël – palestiniens.
Nous verrons dans un prochain article quels sont les acteurs multiples qui élaborent les récits médiatiques prétendant rendre compte de la réalité des événements.
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Hervé Debonrivage
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