Le phosphore blanc, l’arme incendiaire mortelle utilisée par Netanyahu à Gaza et au Liban

dimanche 13 octobre 2024.
 

Des filaments incandescents tombent du ciel sur la ville. Octobre 2023. Gaza vit le génocide. Les bombes au phosphore blanc dévastent la ville, tout brûle : les bâtiments, les peaux, les espoirs des Palestiniens. Un an plus tard, le régime génocidaire israélien poursuit ses massacres de masse et élargit ses cibles au Liban et menace toute la région.

Le 30 octobre 2023, le maire de Dhayra, ville située au sud du Liban, témoigne : « aujourd’hui encore, on continue à trouver des restes – de la taille d’un poing – qui se rallument lorsqu’ils sont exposés à l’air ». Les bombardements phosphorés d’Israël sur Dhayra dataient pourtant du 16 octobre.

Déjà en 2006, le ministre israélien Jacob Edery reconnaissait l’utilisation d’obus au phosphore au Liban. Le phosphore blanc brûle encore. Utilisé par les criminels de guerre nord-américains au Vietnam et en Irak, le phosphore blanc est désormais monnaie courante pour le criminel de guerre Netanyahu. L’Insoumission a enquêté sur l’usage de cette arme incendiaire mortelle qui brûle ses victimes jusqu’aux os. Notre enquête.

Le phosphore blanc : une arme incendiaire mortelle

Dressons un rapide portrait du phosphore blanc. Le plus souvent dispersé par des obus, des bombes ou des roquettes, il émet une forte lumière et forme des nuages de fumée blanche assez opaques. Autre caractéristique, pas des moindres : le phosphore blanc brule au simple contact de l’oxygène, à des températures autour de 800 degrés celsius. En résumé, il s’enflamme lorsqu’il touche l’air. Cela le classe au rang des armes incendiaires, et non chimique ; le phosphore blanc est plus brulant que toxique.

Le phosphore blanc non-consumé se rallume dès qu’il est exposé à l’oxygène, même bien après son déploiement. En cas de bombardement, les restes d’obus peuvent provoquer des incendies durant des semaines. Le 30 octobre 2023, le maire Dhayra, ville située au sud du Liban, témoigne : « aujourd’hui encore, on continue à trouver des restes – de la taille d’un poing – qui se rallument lorsqu’ils sont exposés à l’air ». Les bombardements phosphorés d’Israël sur Dhayra dataient pourtant du 16 octobre.

Un expert souhaitant rester anonyme explique à la BBC : « Même après trente jours, les restes de phosphore blanc peuvent encore s’enflammer ». De quoi dévaster durablement des régions entières ; mais aussi de quoi infliger un traumatisme terrible à des populations qui craignent de soulever la moindre motte de terre de leur village durant des semaines.

Les pires effets du phosphore blanc sont ceux qu’il entraine sur le corps humain. Il provoque de graves brûlures, souvent jusqu’aux os. Celles-ci prennent du temps à guérir et risquent de s’infecter en cours de traitement. Le phosphore blanc brulant au contact de l’oxygène, ses fragments aggravent les plaies en se rallumant lorsque l’on essaye de secourir les victimes. De la fumée peut alors s’échapper des tissus touchés et les victimes, bruler vives, même une fois évacuées du lieu de l’attaque.

Pour tenter de soigner de telles blessures, il faut asperger les plaies de sérum physiologique en continu, tout en extrayant les restes de phosphore à l’aide d’une pince (l’utilisation des mains, même gantées, est proscrite). Des manœuvres particulièrement périlleuses en zone de guerre. On estime qu’une brulure au phosphore blanc sur « seulement » 10% du corps humain est mortelle. L’Organisation Mondiale de la Santé est très claire : « En cas de déversement, évacuer immédiatement la zone de danger, consulter un expert ».

L’inhalation de fumée de phosphore blanc est également toxique ; ses effets s’étendent des irritations respiratoires aux œdèmes pulmonaires. Bien sûr, plongé dans cette fumée opaque, il est aussi possible de mourir d’asphyxie.

Ainsi, un humain exposé au phosphore blanc a de grandes chances de mourir : il ne peut plus respirer, sa peau est brulée jusqu’à l’os, ses plaies se rallument durant des jours, ses vêtements se changent en tunique de Nessus, la cicatrisation est longue et a peu de chances d’aboutir, d’autant plus dans une zone de guerre. En résumé, utiliser du phosphore blanc, c’est s’assurer de tuer.

Pour aller plus loin : À Gaza, un enfant est tué ou blessé toutes les dix minutes

Usages du phosphore blanc : Israël, le grand leader des criminels Dans une revue de littérature sur les brulures au phosphore, cinq chercheurs et chercheuses nous apprennent que le phosphore blanc s’est répandu durant la première guerre mondiale, dans la composition de bombes incendiaires. Son usage se diversifie au cours de la seconde guerre mondiale. On réalise à cette époque que le phosphore blanc produit de la fumée et de la lumière : deux fonctions précieuses sur un champ de bataille. On l’utilise dès lors pour construire des grenades fumigènes, des fusées éclairantes et des bombes incendiaires.

Le phosphore blanc est ensuite utilisé durant toute la seconde moitié du XXe siècle au cours de différents conflits, comme la guerre du Viêt-Nam ou la guerre d’Afghanistan. Les forces nord-américaines en font usage en Irak, en 2004, lors de l’assaut de Falloujah. Une revue de l’armée américaine décrit alors le phosphore blanc comme une « arme psychologique » pour pousser les insurgés à sortir de leurs caches. Cela nous donne une idée de la terreur qu’inspire une telle arme : à tout casser, il vaut mieux se jeter dans les bras des nord-américains que rester au contact du phosphore blanc.

Impossible d’évoquer l’histoire du phosphore blanc sans s’attarder sur les usages criminels d’Israël. Déjà en 2006, le ministre israélien Jacob Edery reconnait l’utilisation d’obus au phosphore au Liban. S’il défend que les normes internationales n’ont pas été enfreintes, la Croix rouge réclame l’interdiction de ces munitions, qui font trop de dégâts et touchent trop de civils.

Le débat s’ouvre à nouveau en 2009. Le 5 janvier 2009, le Times affirme qu’Israël aurait eu recours à des bombes au phosphore blanc. Israël dément, mais refuse de révéler les armes utilisées. Un expert militaire déclare à l’époque : « si le phosphore blanc était délibérément utilisé contre une foule de gens, cela se terminerait devant la Cour pénale internationale ».

Finalement, Israël admet avoir eu recours à des munitions au phosphore blanc lors de son offensive sur Gaza, en décembre 2008. Pour éviter la condamnation par la justice, Israël affirme avoir agi hors des zones d’habitation, au cours d’une riposte « nécessaire et proportionnée ». Rappelons, s’il est nécessaire de le faire, que Gaza est une zone d’habitation et que brûler des civils jusqu’aux os n’est jamais nécessaire ; et encore moins proportionné.

En 2013, l’ONU déclare (enfin) l’armée israélienne « systématiquement imprudente » avec le phosphore blanc. Celle-ci s’engage donc à retirer ses armes du service, et à les remplacer par de nouvelles, sans phosphore blanc. Dix ans plus tard, on peut dire que c’est un échec cuisant. Sur la base de vidéos vérifiées et de témoignages, Human Rights Watch a déterminé que les forces israéliennes ont utilisé du phosphore blanc au Liban et à Gaza les 10 et 11 octobre 2023.

Amnesty International tranche également sur l’utilisation de phosphore blanc le long de la frontière sud du Liban, entre les 10 et 16 octobre 2023. L’ONG déclare : « L’armée israélienne doit immédiatement cesser d’utiliser du phosphore blanc, en particulier dans des zones peuplées, conformément à sa promesse de 2013, oubliée depuis, de cesser d’utiliser ces armes. »

Dans le cadre des nouvelles attaques perpétrées au Liban par l’état génocidaire, nous avons tout à craindre : l’armée israélienne semble n’avoir aucune limite éthique ou légale.

Un droit international flou Mais alors, s’il est si certain que l’armée israélienne tue des civils avec le phosphore blanc, pourquoi ne pas simplement la condamner pénalement ?

L’utilisation du phosphore blanc est très mal règlementée dans le corpus du droit international. En tant qu’arme incendiaire, son usage est régi par le Protocole III de la Convention sur les armes classiques (CCAC). Celui-ci interdit l’utilisation d’armes incendiaires larguées dans des zones à forte concentration de civils.

Cependant, selon Human Rights Watch, le Protocole III présente deux lacunes importantes. Premièrement, il ne couvre pas l’utilisation d’armes incendiaires depuis le sol, comme c’est le cas avec les tirs d’artillerie au phosphore blanc à Gaza. Ensuite, les armes ne sont qualifiées d’incendiaires que si elles sont « essentiellement conçues » pour mettre le feu à des objets ou infliger des brûlures à des personnes. Ainsi, lorsque l’on prétend utiliser le phosphore blanc comme nuage de fumée ou comme éclairage d’un champ de bataille, on ne tombe pas sous le coup de la juridiction.

On peut ajouter à ces deux faiblesses que le Protocole III ne concerne que les zones à forte densité civile. Il est donc considéré comme « normal » de précipiter du phosphore blanc sur des êtres humains, pour peu qu’ils soient soldats.

Or, les armées nord-américaines et israéliennes jouent sur ces flous pour continuer leurs crimes : il s’agit d’affirmer qu’elles ne visent pas les civils ou qu’elles n’utilisent pas le phosphore blanc pour ses caractéristiques incendiaires. Mensonges et couverture. De toute façon, contrairement à la Palestine et au Liban, Israël n’a pas ratifié le Protocole III.

Le phosphore blanc ne tombe pas non plus sous le coup de la juridiction de la Convention sur les armes Chimiques (CIAC) car il n’agit pas par son « son action chimique sur des processus biologiques » (article II.2 de la CIAC).

En raison de la faiblesse de la loi, Israël peut prétendre faire un usage légal du phosphore blanc. En octobre 2023, l’armée israélienne a nié avoir utilisé du phosphore blanc. Après l’accumulation de preuves accablantes à son encontre, elle fait volte-face mais se réfugie dans le droit : si du phosphore bien a bien été utilisé, c’est uniquement « dans le respect des lois internationales ». Cette déclaration est évidemment fausse, mais elle est rendue possible par un flou juridique criant et meurtrier.

La justice peut-elle rattraper Israël ? Le 24 mai 2024, la Cour Internationale de Justice ordonne bel et bien à Israël d’ « arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». En effet, si Israël n’a pas ratifié le Protocole III, cela ne l’autorise pas pour autant à commettre un génocide. Rappelons que le crime de génocide « renvoie à des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». C’est donc bel et bien ce que craint la CIJ.

La justice rattrape aussi Israël lorsqu’elle est accusée par Amnesty International de crime de guerre. Le crime de guerre est une violation du droit international commise à l’encontre de civils dans le cadre d’un conflit armé. Or, l’utilisation de phosphore blanc dans le cadre de l’attaque de Dhayra constitue une preuve accablante que les zones d’habitation civiles ont été largement touchées par l’armée israélienne.

Pour rappel, le droit international interdit de cibler ceux qui n’ont pas de responsabilités militaires dans un conflit ; et impose de prendre toutes les précautions pour minimiser les pertes de vies civiles. L’Etat d’Israel fait tout l’inverse en conduisant un génocide, jour après jour, depuis plus d’un an. En utilisant du phosphore blanc dans des zones aussi densément peuplées que la bande de Gaza, Israël fait fi de ces règles. L’état génocidaire génocide un peuple et ne pourra pas se cacher indéfiniment. Par ses actes criminels, Israël s’expose au jugement des instances internationales, mais aussi à n’importe quelle juridiction nationale, puisque toutes peuvent poursuivre les auteurs de crimes de guerre, selon le principe de compétence universelle.

Par Niels Leverbe


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