S’il y a bien une gauche qui n’a rien fait pour gouverner après que le NFP est arrivé en tête aux législatives, c’est bien celle qui veut renouer avec le hollando-cazeneuvisme. La principale bataille des temps prochains sera de maintenir l’unité du Nouveau Front populaire.
ll a beaucoup été reproché aux insoumis de ne pas vouloir gouverner. En tout cas, pas maintenant. Jamais on ne s’interroge sur la volonté réelle des socialistes rebelles – ceux qui n’ont pour projet que de critiquer leur premier secrétaire et de renouer avec le hollando-cazeneuvisme – de prendre le pouvoir. Pourtant, depuis la Nupes, dont ils ne voulaient pas, jusqu’au Nouveau Front populaire (NFP), dont ils ne voulaient guère plus, ceux qu’on appelle les anti-Faure – d’Anne Hidalgo à Nicolas Mayer-Rossignol ou encore Hélène Geoffroy – n’ont eu de cesse de saboter les initiatives du NFP et son aspiration à gouverner le pays, avec Lucie Castets pour hôte de Matignon.
Après la désignation par Emmanuel Macron de Michel Barnier comme premier ministre, ils ont même eu l’audace de répandre, avec des éléments de langage bien ficelés, cette idée saugrenue : en n’acceptant pas de soutenir la candidature de Bernard Cazeneuve pour Matignon, le NFP porterait seul la responsabilité du choix de Macron. Le même Macron qui aurait été contraint par la gauche de passer un accord avec le RN. Rien que ça. Osé ! Le même argument qu’Emmanuel Macron utilise pour fracturer le NFP. Et que la plupart des médias reprennent en chœur comme vérité absolue. Chacun sait pourtant qu’à aucun moment il n’est venu à l’esprit du président de la République de nommer ni Lucie Castets ni Bernard Cazeneuve. Chacun sait surtout que ça n’est pas le NFP qui nomme le premier ministre.
S’il y a donc bien une gauche qui n’a rien fait pour gouverner après que le NFP est arrivé en tête aux législatives, c’est bien cette gauche-là, celle qui plaide pour un grand mouvement démocrate, un « parti social-démocrate populaire », comme ils disent. Avec pour seul projet : tout sauf La France insoumise. Comment peuvent-ils imaginer prendre le pouvoir en excluant la première force politique de gauche ? Ils apparaissent plus prompts à nouer des ponts avec les macronistes et la droite – ce qu’ils ont d’ailleurs appelé à faire en proposant un gouvernement des républicains de tous bords, faute de majorité à l’Assemblée –, qu’à travailler avec les insoumis.
En réalité, leur hostilité à l’égard de La France insoumise n’a rien de nouveau. Ils sont nostalgiques d’une époque révolue, d’un temps où le Parti socialiste donnait le ton à gauche. Sauf que c’est terminé. Les rapports de force ont changé, et le centre de gravité de la gauche se trouve du côté de la radicalité, de la France insoumise dont Olivier Faure serait le pantin – comme ils ne cessent de le marteler. Mais qu’ont-ils à proposer ? À part cogner sur leurs petits camarades, on peine à trouver le début d’une idée nouvelle. D’autant plus que les critiques à l’endroit d’Olivier Faure sont assez injustes. Son bilan est inespéré pour un parti qui, il y a peu, n’avait même plus sa place dans les manifestations. Il faut lui reconnaître l’exploit d’avoir redonné une crédibilité de gauche au PS.
Sans l’assumer vraiment, ils sont sur le point de redonner vie à la thèse de Manuel Valls sur les deux gauches irréconciliables. Rien ne serait plus tragique pour la gauche que de s’enfoncer dans cette perspective. Les élections municipales de 2026 n’y résisteraient pas. Et tout espoir de conquête du pouvoir, qu’il s’agisse d’une hypothétique dissolution, d’une élection présidentielle anticipée ou de l’échéance de 2027, serait réduit à néant. La gauche et les écologistes sont condamnés à s’entendre. Et c’est sans doute la principale bataille des prochaines semaines, des prochains mois : maintenir l’unité du Nouveau Front populaire.
Par Pierre Jacquemain
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