Un espace politique et moral en dislocation et recomposition

dimanche 23 juin 2024.
 

Introduction

Il n’est pas nouveau que l’un des effets pervers de la professionnalisation de la politique conduise à remplacer la lutte des classes par la lutte des places au niveau de ce qui reste de la représentation politique. La fragmentation de la NUPES entre les élections législatives de 2022 et les élections européennes de 2024 en est une triste illustration. Un certain nombre de personnalités de la gauche réformiste, à l’unisson avec la caste médiatique relayée par le « média alternatif » de Serge Faubert, rendent Mélenchon responsable de cette situation par ses « écarts de langage » : le choix d’un bouc émissaire est en réalité un prétexte pour dissimuler cette lutte des places et des divergences idéologiques. La dislocation après l’annonce de la dissolution de l’assemblée du côté de la droite et de l’extrême droite est parfaitement visible et, en réalité, était prévisible.

Le danger imminent de la prise de pouvoir par l’extrême droite a provoqué la formation d’un nouveau Front Populaire contrairement aux attentes de Macron, qui comptait sur une explosion définitive de la gauche et la disparition de LFI du champ politique. Ainsi, l’instrumentalisation de la peur du RN par le pouvoir et les médias pour constituer un front électoral favorable à Macron, qui avait réussi en 2017 et en 2022 pour les élections présidentielles, s’avère maintenant inopérante et devient favorable à la gauche. Ainsi, comme Janus, la peur a deux faces : l’une de la dissociation ou de la division et l’autre celle de la coagulation et du rassemblement. De la même manière, la peur peut être un facteur de la soumission mais peut être aussi un facteur de l’émancipation (par crainte de l’extermination par exemple). Il faut donc être bien conscient que si le nouveau Front Populaire est nécessaire et doit être soutenu, il reste fragile par la coexistence en son sein de forces politiques antagonistes et par sa dimension (en partie) émotionnelle.

On peut se reporter à la très bonne prestation de Frédéric Lordon invitant notamment les abstentionnistes d’extrême-gauche à imaginer ce que pourrait être l’extrême droite au pouvoir en France. On pourra aussi apprécier son expression dans un français impeccable. https://www.youtube.com/watch?v=lRV...

1. La peur

La peur qui irradie une société n’est évidemment pas nouvelle mais depuis une dizaine d’années et dans la situation actuelle elle atteint un niveau élevé d’intensité.

Il existe d’abord des causes économiques liées à la précarité des emplois, au chômage et aussi aux faillites nombreuses d’entreprises. Le problème de la dette pour les ménages comme pour l’État devient une préoccupation des citoyens. Un certain nombre de médias brandissent le risque imminent d’un effondrement boursier, surtout si c’est la gauche de rupture qui accède au pouvoir. Cela fait partie d’un quatuor de cette danse macabre :

Violon : krach boursier

Trompette : fuite des capitaux

Piano : effondrement de l’État par explosion de la dette publique

Contrebasse : effondrement monétaire de l’euro et du dollar

Mais au-delà de ces craintes relevant d’hypothèses et de l’imaginaire, l’inflation avec son caractère incontrôlé fragilise les capacités de pouvoir se nourrir, se loger et se déplacer. L’insécurité liée à une délinquance non maîtrisée, la peur de l’immigration (seconde préoccupation des Français après le pouvoir d’achat selon un sondage de l’institut Ipsos du 10 juin 2024), la crainte d’attentats terroristes sont aussi des sources de peur.

À cela s’ajoute la crainte d’une nouvelle pandémie (bien entretenue par les médias avec des vaccins en réserve), la peur de la survenue d’une guerre mondiale en raison de la guerre en Ukraine apportent aussi leur dose d’angoisse. Comme si cela ne suffisait pas, les médias, premiers fabricants des dangers imaginaires, propagent l’idée d’une possible invasion de l’Europe par la Russie ! À cela s’ajoute encore la crainte de violents aléas climatiques (sécheresse, pluie diluvienne,…) en raison du réchauffement climatique. Mais ce n’est pas tout : le climat électoral de tensions politiques exacerbées fait craindre une flambée de violences. Il est donc bien évident que dans un tel contexte, les Français attendent de leurs représentants politiques le calme, la sérénité, un programme politique et économique avec des orientations claires et réalistes assurant une amélioration de leurs conditions de vie et une stabilité. Et aussi la paix.

2. La division

Le deuxième paramètre à prendre en compte est le climat de division entretenu par le pouvoir et les médias pour fragmenter la population et la rendre impuissante à s’organiser. La bourgeoisie et ses valets médiatiques ont tout intérêt à diviser les travailleurs entre eux : stigmatisation des immigrés, stigmatisation des musulmans, stigmatisation des fonctionnaires, stigmatisation raciste, stigmatisation des chômeurs. Mais ce n’est pas tout : opposition entre les vaccinés et les non-vaccinés, opposition entre les citoyens soi-disant favorables à Poutine et des citoyens soi-disant anti-Poutine, et même scénario concernant le positionnement par rapport au Hamas. Pour entretenir cette division, on favorise le manichéisme et l’absence de tout débat contradictoire. On construit des camps : d’un côté la défense du Bien et de l’autre la défense du Mal. On assiste à une régression intellectuelle sans précédent dans une société dite scolarisée. Les pulsions émotionnelles se substituent au raisonnement, à la réflexion, provoquant ainsi un climat de haine destructeur. En outre, cela rend extrêmement vulnérable la population à la propagande de guerre.

3. La confusion

Le troisième paramètre est la culture du flou, des injonctions contradictoires induisant des dissonances cognitives, le remplacement des faits par des narratifs fantasmatiques, la culture de la confusion permettant ainsi l’éclatement de tout repère et le blocage de toute pensée rationnelle fondée sur des réalités factuelles. Bref, c’est la dérive totalitaire d’un pouvoir politico-médiatique qui a pour but d’empêcher les gens de penser par eux-mêmes.

Conclusion

Il est donc clair que dans le contexte actuel, une bataille politique ne se mène pas seulement sur le plan économique, social et écologique mais aussi sur le plan psycho-sociologique et culturel.

Voici une vidéo de Jean-Dominique Michel, un anthropologue hypercritique, qui décrit à la suite du philosophe ou plutôt sociologue Michel Maffesoli l’état de décomposition socio-politique et économique de la société actuelle. Attachez vos ceintures !

https://www.youtube.com/watch?v=Rmf...

Jean-Dominique Michel ne prétend pas être un expert en sciences politiques et en économie mais, comme Emmanuel Todd, il apporte son regard d’expert en anthropologie qui permet ainsi d’éviter de tomber dans le piège de l’économisme.

Annexe

Interview de Jean-Dominique Michel sur France Soir concernant son dernier ouvrage : La fabrication du désastre.

https://www.francesoir.fr/videos-l-...

Interview de Ariane Bilheran, psychiatre, sur la thématique : soumission des masses et endoctrinement. Sur Putsch média.

https://www.youtube.com/watch?v=1iM...

Interview de Michel Maffesoli sur la stratégie de la peur et son livre Le temps des peurs.

https://www.youtube.com/watch?v=pH7...

Pour éviter toute ambiguïté, cet intellectuel a été l’un des rares intellectuels français à s’opposer aux mesures sanitaires imposées par le gouvernement lors de la crise sanitaire mais il explique dans une autre vidéo qu’il ne nie évidemment pas la nocivité ou l’existence du virus de la Covid-19, d’autant que plusieurs de ses proches en sont morts. Il fait la différence entre pouvoir et puissance, c’est-à-dire entre le pouvoir institué des dominants et la capacité instituante du peuple dominé. Il considère que la forme parti et l’avant-gardisme des sachants sont révolus.

HD.


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