L’Arcom est sommée par le Conseil d’Etat de mieux contrôler CNews

lundi 26 février 2024.
 

L’Arcom sommée de mieux contrôler CNews : qu’est-ce qui change pour les médias audiovisuels ?

C’est une petite révolution dans l’histoire du droit audiovisuel. Depuis l’annonce de la décision du Conseil d’Etat, qui a enjoint mardi 13 février l‘Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) à durcir son contrôle sur les chaînes audiovisuelles comme CNews, les réactions vont bon train dans les sphères politiques et médiatiques. En l’espace de six mois, le régulateur des médias est sommé de se pencher à nouveau sur le cas de la chaîne détenue par le milliardaire conservateur Vincent Bolloré, relais de la parole décomplexée de l’extrême droite. Et ainsi de revoir en profondeur sa méthodologie. Libération revient sur cette nouvelle jurisprudence qui bouleverse les méthodes actuelles de régulation des médias audiovisuels, en même temps qu’elle questionne pluralisme et indépendance de l’information.

Que dit le Conseil d’Etat ? Le Conseil d’Etat « enjoint à l’Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information », détaille un communiqué. En avril 2022, la plus haute juridiction administrative avait été saisie par Reporters sans frontières (RSF). L’association de défense de la liberté de la presse pointait « l’inaction de l’Arcom » face « aux manquements de CNews ». Avant ce recours, elle avait, en vain, appelé le régulateur des médias à mettre en demeure la chaîne de respecter ses obligations, à savoir « honnêteté, indépendance et pluralisme de l’information ».

Dans sa décision rendue publique, le Conseil d’Etat a tranché, stipulant que le régulateur des médias « ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques », mais aussi « veiller à ce que les chaînes assurent, dans le respect de leur liberté éditoriale, l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinions en tenant compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités. »

Concernant l’indépendance de l’information, celle-ci ne doit pas seulement s’apprécier « au regard d’extraits d’une émission spécifique mais aussi à l’échelle de l’ensemble des conditions de fonctionnement de la chaîne et des caractéristiques de sa programmation », a ajouté la plus haute juridiction administrative.

Quelles conséquences pour la régulation des médias audiovisuels ? Dans un communiqué, l’Arcom a fait valoir qu’« avec cette interprétation renouvelée de la loi de 1986 [sur la liberté de communication audiovisuelle, ndlr], le Conseil d’État renforce la capacité de contrôle par le régulateur ». Loin de remonter les bretelles du régulateur des médias, la juridiction acte que les temps ont changé. Et ce, pour l’ensemble des médias audiovisuels – et pas seulement CNews.

A sa naissance en 1989, le Conseil supérieur de l’audiovisuel [le CSA, devenu l’Arcom en 2022, ndlr] tire sa mission de la loi de 1986 : il doit veiller à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des services de radio et de télévision. « Pour remplir son mandat, le régulateur des médias décide alors de s’intéresser essentiellement aux politiques encartés, se remémore François Jost, professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle, spécialiste des médias et auteur de l’étude « CNews : un exemple de chaîne d’opinion ? » pour RSF. Une méthode qui a conduit selon lui au « paradoxe » actuel. « Sur CNews, dans des émissions comme celle de Pascal Praud [L’Heure des pros, ndlr], l’Arcom doit compter les hommes et les femmes politiques qui sont sur le plateau, et pas le reste des invités ou des chroniqueurs, explique François Jost. Selon ses critères, Laurent Joffrin sera comptabilisé à gauche parce qu’il appartient au mouvement « Les Engagé.e.s », alors qu’un journaliste de Causeur ou de Valeurs actuelles ne sera pas compté. Ce qui fausse complètement la mesure du pluralisme. » D’où la demande du Conseil d’Etat de dorénavant tenir compte des interventions des chroniqueurs, des animateurs et des invités lorsque l’Arcom passe les chaînes au peigne fin. Tout cela, « suivant des modalités qu’il lui appartient de définir ».

Pascal Praud sur CNEWS : parodie ou réalité ?

https://linsoumission.fr/2024/02/15...

La réalité dépasse-t-elle la fiction ? Hier, beaucoup ont pu se poser la question. Sur le plateau de CNEWS, Pascal Praud et son club d’éditorialistes agités ont perdu leurs nerfs face à Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières (RSF). En cause : la décision du Conseil d’État qui a demandé à l’ARCOM de procéder à un plus grand contrôle de la chaîne de Vincent Bolloré.

Une décision insupportable pour la caste des éditorialistes aux ordres des 9 milliardaires qui contrôlent 90% des médias en France.

La scène a tous les traits d’une caricature et fait instantanément écho à « L’heure de trop », la parodie de CNEWS brillamment réalisée par le comédien Malik Bentalha

Réalité ou fiction ? C’est peut être l’une des futures questions que posera le député LFI Aurélien Saintoul au directeur de CNEWS dans le cadre de sa commission d’enquête sur les chaînes de télévision.


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