L’État néolibéral fait officiellement la guerre au peuple. Et maintenant, quel « ordre de bataille » ?

samedi 6 mai 2023.
 

« L’ordre civil » est bien devenu « un ordre de bataille » selon les mots de Foucault. Comment, dans ces conditions, un peuple peut-il se constituer en puissance ? La question est dans toutes les têtes de celles et ceux qui se mobilisent avec obstination. Elle se pose clairement aux syndicats. Elle ne semble pas captiver les partis.

Signalez ce contenu à notre équipe Alain Bertho Alain Bertho

anthropologue Abonné·e de Mediapart Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Se dire en résistance, c’est se soumettre à l’agenda du gouvernement. (…) Quand vous résistez, vous accordez un énorme pouvoir au camp d’en face. Je crois que c’est plus important de partir de ce que vous avez, de ce que vous valorisez, car c’est ainsi que vous créez une communauté. » Kristin Roos, entretien à Médiapart 23 avril 2023

Illustration 1Agrandir l’image 23 mars 2023 © Corinne Angelini « Macron nous fait la guerre et sa police aussi » : le slogan est un diagnostic largement partagé. La guerre sociale est déclarée. Officiellement. A l’instar de l’ex président Pinera au Chili, affirmant en 2019 au début du soulèvement chilien « nous sommes en guerre contre un ennemi implacable », Macron n’a-t-il pas osé dire qu’à Sainte Soline, des milliers de gens étaient « simplement venus pour faire la guerre ».

Le néolibéralisme français, « violent et autocratique » (David Harvey) mobilise des armes et des stratégies militaires contre les manifestations, se lance dans des attaques frénétiques contre les associations, les libertés et l’organisation symbole par excellence de leur défense, la Ligue des Droits de l’Homme. Il use compulsivement des armes institutionnelles pour imposer une loi rejetée par le pays jusqu’à la promulgation d’un texte à 3 h 50 du matin, quelques heures après sa validation constitutionnelle.

La puissance historique de la mobilisation, la plus importante depuis un demi-siècle, n’a pas fait plier le pouvoir. Semaine après semaine, nous avons fait l’expérience que « taper plus fort », « aller plus loin », « hausser le ton » ne changeait rien à la détermination destructrice du sommet de l’État. Le « rapport de force » n’était jamais en notre faveur, jamais à la hauteur du poids des marchés financiers dans les décisions présidentielles.

Comment transformer une colère majoritaire en puissance politique ? En trente ans, les conditions de la bataille sociale et démocratique ont complètement changé. Les stratégies de mobilisation héritées des compromis sociaux fordistes sont devenues inopérantes. La question de la construction d’un « rapport de force » se pose de façon brutalement nouvelle.

2010, 2016, 2019 : ce que nous savions déjà

Nous le savions pourtant. Mais à l’instar du héros de J.M. Coetzee dans En attendant les barbares, « il y avait quelque chose qui nous sautait aux yeux mais que nous n’arrivions toujours pas à voir ». Plusieurs fois nous nous sommes heurtés à cette inflexibilité brutale sans en tirer toutes les leçons.

En 2010, à partir de mars, les huit principaux syndicats français ont mis plusieurs millions de personnes dans la rue lors de 14 journées de manifestation contre le report de l’âge de la retraite à 62 ans. En octobre, la grève s’est étendue de la SNCF aux transporteurs routiers, des raffineries aux éboueurs. Les blocages se sont multipliés. La violence et la répression s’est invitée dans les cortèges et devant les lycées. La réforme a été validée par le Conseil constitutionnel le 9 novembre et promulguée le lendemain.

En 2016, de mars à septembre, la Loi travail a rencontré une résistance similaire. À partir du 31 mars la voix de Nuit debout s’est ajoutée à celle du mouvement syndical. Après l’échec de la Commission mixte paritaire, le gouvernement Valls dégaine le 49.3 le 5 juillet 2016.

En 2019, l’ambitieuse réforme des retraites de Macron est combattue avec la même vigueur, bien qu’avec un front syndical moins solide. Le 16 mars 2020, c’est le Covid qui impose la suspension de la réforme qui, sinon, serait sans doute allée à son terme.

D’étape en étape, la brutalité de la répression est allée crescendo avec une accélération sidérante durant le mouvement des Gilets jaunes en 2019. En un an, le LBD a éborgné autant de personnes que depuis sa mise en service (sous le nom de flash ball) en 1995 ! Quant aux libertés publiques, la frénésie législative sécuritaire et antiterroriste de toutes les majorités successives a commencé à creuser leur tombe.

Brutalisation des pouvoirs et vagues de soulèvements

Le projet néolibéral consiste à liquider des compromis sociaux hérités du fordisme. Il a besoin de se débarrasser de la politisation des débats publics, des enjeux électoraux. Ni démocratie sociale ni démocratie tout court.

Nous savons de longue date le penchant antidémocratique du néolibéralisme. Entre les réflexions de la Trilatérale en 1975 et l’expérimentation du Chili de Pinochet dès 1973, voilà un demi-siècle que la vague de fond grossit. Il faut croire qu’il en est de cette catastrophe comme de la catastrophe climatique : nous savions tout depuis longtemps, mais nous n’avons compris que confrontés à la matérialité du désastre.

Le capitalisme financier a pris les commandes d’un monde mis sous hypothèque et qu’il conduit à sa destruction. En 2022, le total des dettes souveraines (71 600 milliards de dollars) représentent 72% du Pib mondial, et les dettes privées (220 000 milliards de dollars) 220%. Tout s’achète, à commencer par des élites corruptibles qui sapent les bases mêmes de toute légitimité publique, générant désordres et violence. Il s’adapte à chaque situation nationale avec une souplesse redoutable, européen quand ça l’arrange mais finançant, s’il le faut, la campagne du Brexit.

Le néolibéralisme répand dans le monde entier une brutalisation des rapports sociaux et politiques parfaitement quantifiable et documentée. Même le Financial Times et le secteur assuranciel s’inquiètent aujourd’hui de ses coûts financiers. Les situations d’émeutes, d’affrontements civils et de répression violente se sont multipliées, scandées depuis le début du siècle par quatre vagues de soulèvements nationaux.

La première vague commencée en France en octobre 2005 à la suite de la mort de Zyed et Bouna est d’abord regardée comme une curiosité nationale et banlieusarde. Mais un scénario approchant soulève la Grèce en décembre 2008. La seconde vague, qui commence à Sidi Bouzid en décembre 2010, est d’abord regardée comme une « émeute de banlieue ». Mais le soulèvement tunisien devient en quelques semaines « le printemps arabe » sur lequel embraient le mouvement des places (Syntagma à Athènes et Puerta del Sol à Madrid), Occupy Wall Street en 2011, la mobilisation de la place Taksim qui touche une centaine de villes turques (2013), Maidan en Ukraine (2013-2014) et le mouvement des Ombrelles à Hong Kong (2014). La France initie la troisième vague avec les Gilets Jaunes. Dans la seule année 2019, cette vague est de loin la plus puissante, concernant 20 pays sur quatre continents.

Chaque vague porte une exigence : celle du refus de la guerre faite à une partie de la population (2005), celle de la reconnaissance du peuple comme « Démos » face à l’autisme du « Kratos » (2011-2014), celle du refus de la violence sociale du néolibéralisme (2019). La quatrième est d’une autre nature : après les assassinats de George Floyd le 25 mai 2020 et de Mahsa Zhina Amini le 16 septembre 2022, les slogans « I can’t breathe » et « Femmes vue liberté » sont devenus les symboles mondiaux du refus de dominations structurelles, qu’elles soient racialisées ou genrées.

La politique populaire entre évitement et défaite ?

Mais cet impressionnant enchainement de mobilisations nationales massives, joyeuses et courageuses est aussi un enchainement de défaites. La violence meurtrière contre les jeunes racisés n’a reculé ni en France ni aux USA, la répression patriarcale reprend en Iran, Erdogan a gardé le pouvoir en Turquie comme Narenda Modi en Inde, la Grèce a fait naufrage, Hong Kong a été maté, les indignés espagnols ont été dissous dans Podemos et le jeu parlementaire, la contre révolution s’est imposée en Égypte et en Tunisie, l’État libanais s’est effondré…

Avec le recul, on est frappé des stratégies d’évitement politique de nombre de ces soulèvements face à la corruption tant morale que financière des pouvoirs qu’ils affrontaient. Tunisiens et Égyptiens ont bien « dégagé » les dictateurs au pouvoir mais ce sont bien gardés d’investir la place laissée libre. La subjectivité populaire et nationale des mouvements ne s’est autorisé qu’une stratégie politique « hors-les-murs » comme si la prise de pouvoir portait en elle-même un risque corrupteur. Curieuses révolutions qui restent prudemment sur le perron du Palais d’hiver !

Dans un autre contexte, le contournement opéré par le mouvement Occupy Wall Street a eu les mêmes résultats. De fait la question du pouvoir, donc de la stratégie politique n’y a jamais été clairement posée, « comme si nous étions déjà libres » écrivait David Graeber. Comme si, surtout, la mobilisation mondiale contre la finance n’avait le choix qu’entre la confrontation initiée en 1999 à Seattle ou l’impuissance symbolique.

Soyons lucides : depuis le début du siècle, seuls les soulèvements qui ont assumé jusqu’au bout l’enjeu du pouvoir d’État ont été, même provisoirement, victorieux. Ils sont rares.

La force des soulèvements constituants

Qu’y a-t-il donc de commun entre l’Ukraine de 2014 et le Chili de 2019 ? « Euromaidan » à Kiev, déclenché par la décision présidentielle de rompre l’accord d’association avec l’Europe, s’inscrit dans la vague des soulèvements des places. En octobre 2019, le Chili se soulève contre l’augmentation du prix du métro. Deux jeunesses se lèvent, très méfiantes vis-à-vis d’un personnel politique synonyme de corruption (Ukraine), de répression brutale et de compromis (et de compromission) avec l’héritage dictatorial (Chili) se rejoignent dans une aspiration profonde à la démocratie. Rien au fond qui les distingue vraiment de toutes les jeunesses du monde qui, de Hongkong à Téhéran, de Tunis à Bogota, ont manifesté leurs espoirs et leur colère durant les deux dernières décennies.

Dans ces deux pays, la répression a été sanglante. Mais ni à Kiev ni à Santiago, la violence du pouvoir n’a arrêté la mobilisation de celles et ceux à qui on avait « tout volé même la peur » comme criaient les rues chiliennes. Bien au contraire, la résistance à la violence a été la base d’une solidarité organisée, la mise en œuvre pratique d’une autre conception du corps social, la refondation d’un peuple comme puissance collective.

La politique ukrainienne a été radicalement réorientée et cette nouvelle conscience nationale a été en pratique la base de la résistance à la guerre, dans le Donbass à partir de 2014 et contre l’invasion russe depuis février 2022. Le soulèvement chilien, marqué par la centralité des femmes et l’importance des revendications des peuples autochtones, obtient une assemblée constituante paritaire élue en mai 2021 et présidée par Elisa Loncon, représentante mapuche. Lors de son premier discours, le 4 juillet, cette dernière annonce « la fondation d’un nouveau Chili.

Certes depuis Maidan, le peuple ukrainien doit faire face à la guerre. Certes, si l’élection d’un président de gauche a clos la séquence chilienne, la Constitution a finalement été refusée par référendum. Mais quels que soient leur inachèvement, ces soulèvements ont eu en commun d’avoir puisé leur puissance dans une double dynamique constituante : politique et institutionnelle mais aussi nationale et populaire. Dans la mobilisation solidaire, dans la résistance à la violence d’État et dans une ambition qui a largement débordé un désaccord de politique extérieure ou le prix du ticket de métro.

En France, une puissance populaire inachevée

En France, depuis trois mois, de mobilisations massives en action sauvage de blocage, de grèves tournantes en casserolades décentralisées, on sent bien que quelque chose se cherche et se passe. Dans la colère et la joie mêlées, la résistance est passée de la défense de la retraite au sens de la vie et du travail, de la mobilisation syndicale à la présence dans le même cortège du Pink-block, de l’expérience concrète de la brutalité policière à la banalisation de la présence des silhouettes noires en tête de manifestation. Les slogans et les gestuelles des « antifas » sont devenus viraux dans les parties les plus jeunes du cortège. Des bassines en plastique rappellent ici et là les exactions du pouvoir à Sainte Soline. Il y a une place pour chacune et chacun dans ce soulèvement de la vie qui rassemble un peuple et qui dit comme Alain Damasio[1] « maintenant nous sommes le vivant, le vivant qui tisse et qui bruisse, le vivant qui se défend ».

Dans ces conditions, les critiques proférées à l’encontre de la stratégie de l’intersyndicale sont courtes et peu inventives, plus souvent tactiques que véritablement stratégiques. Plus de manifestations ? Nous nous serions étiolés. Plus de grèves ? Cela ne se décrète pas dans un peuple appauvri, précarisé, étouffé aujourd’hui par l’inflation. Plus de blocages ? Il y en a eu beaucoup et encore faut-il être en mesure de faire face à la répression. Plus de violence ? Le pouvoir s’en est en grande partie chargé et pourtant la peur n’a pas éclairci les rangs.

L’unité sans faille de l’intersyndicale a produit une mobilisation exceptionnelle par sa masse et sa richesse humaine. Les syndicats ont fait ce qu’ils ont pu, au-delà de ce qu’ils savaient faire et de ce qu’ils avaient l’habitude de faire. L’intersyndicale a ouvert ses cortèges à tous les combats contemporains. Elle n’a pas condamné les tentations violentes de la colère populaire et encore moins, comme certains l’avaient fait en 2006 lors de la mobilisation contre le CPE, porté main forte à la police face aux « casseurs ». Elle a ouvert la voie à une dynamique et à des subjectivités qui l’on débordé.

Le mouvement syndical sait qu’il doit maintenant aller au-delà car sa responsabilité et les attentes sont immenses. Une séquence est finie, une autre s’ouvre, longue, âpre. Chacune et chacun sent bien que maintenant, la bataille ne peut être que globale et de long cours.

Il s’agit moins de « faire plus » que de viser plus haut. Les débats sur les répertoires de l’action (Manifestation, grève, blocages, violence… ) sont sous condition des ambitions qu’on se donne.

Dans cette séquence, les partis politique ont déployé une activité indéniable qui nous laisse néanmoins sur notre faim. Tout se passe comme si les organisations politiques héritières de la séquence historique antérieure étaient les dernières à tirer toutes les conséquences politiques de la rupture politique néolibérale que le social libéralisme s’était même donner mission d’accompagner.

Les partis de la NUPES partagent une sorte d’enfermement dans la scène parlementaire et électorale. Tandis que le PS peine à sortir de son passé (récent) social libéral, les Verts confondent stratégie et polyphonie tactique des scrutins, le PCF et les Insoumis, chacun à sa façon, se transforme (PCF) ou se maintient (LFI) en outil de mobilisation électorale. Les dissensions tactiques lors du débat parlementaire sont une conséquence de cet enfermement stratégique en partage. L’urgence était sans doute moins de manifester dans l’hémicycle ou de tenir des meetings que de porter le débat juridique dans la rue en animant et alimentant des comités citoyens.

À aucun moment il n’a été question de donner corps à cette idée de « Parlement de la NUPES » apparue en juin 2022. Ce « Parlement », qui n’est resté qu’un affichage creux, pourrait pourtant être un outil de co construction avec les mouvements sociaux, une innovation stratégique majeure.

Il nous reste à espérer que la NUPES tiendra quelque temps et que son unité, et ses intérêts électoraux seront sensibles à ce qui s’est exprimé dans le pays, aux enjeux qui apparaissent avec évidence.

Face au chaos social, faire peuple ensemble

Le pouvoir de nuisance néolibéral ne se résume pas à un homme, une majorité (même relative), des décisions auxquelles on peut tenter de s’opposer au coup par coup. Le néolibéralisme installe le chaos social par la paupérisation, la précarisation, la croissance des inégalités, la casse de tous les services publics, la mise en concurrence universelle des individus et des groupes.

Ce chaos n’est autre que l’effondrement du pacte national de solidarité sociale. Il dissout le peuple comme « démos », comme sujet politique, comme « Nation », seule détentrice légitime de la souveraineté selon l’article 3 de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Le soulèvement se produit quand le refus d’une décision singulière (le prix du métro, le prix de l’essence ou l’âge de la retraite) mobilise le refus du chaos et l’aspiration à un nouveau pacte social. Les soulèvements du XXI° siècle, des printemps arabes aux Gilets jaunes, ont plus souvent brandi le drapeau national que toute autre bannière.

Or sur ce terrain, sur le marché politique, en France comme ailleurs, c’est l’extrême droite qui tient boutique en proposant une restauration nationale sécuritaire, liberticide et raciste construisant du commun dans le lynchage, et érigeant le ressentiment en principe d’ordre public. C’est pourquoi chaque grande mobilisation nationale contre le chaos social lui ouvre pour l’instant un boulevard électoral. Son hégémonie s’étend et se consolide au sein de la droite classique et même au gouvernement. Elle est forte de son monopole.

Car le diable n’est pas dans la question posée, celle de la souveraineté populaire. Il est dans l’absence d’une réponse politique alternative à l’extrême droite sans laquelle aucune stratégie électorale ni aucune leçon de morale ne l’arrêtera. La campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017 sur la VI° république était une tentative d’occuper ce terrain, mais dans une formulation républicano-populiste et surtout prisonnière du cadre institutionnel dans laquelle elle était posée. Faire peuple ensemble est un préalable à toute Constituante. Pas l’inverse.

Faire peuple ensemble est la seule voie d’une souveraineté politique retrouvée, le seul moyen de contester l’hégémonie menaçante du Rassemblement national. Ensemble, « beaufs et barbares » comme le préconise Houria Bouteldja, « banlieues et campagnes populaires » comme l’exprime François Ruffin, mais aussi dans toutes les dimensions et tous les terrains de ce « soulèvement du vivant ».

Faire peuple ensemble, le pays en a une expérience récente avec la mobilisation populaire contre le COVID, celle des personnels soignants, des premiers de corvée, des associations, des réseaux de solidarité issus des Gilets jaunes envers et contre la gestion autoritaire et centralisée d’un pouvoir incompétent.

Faire peuple ensemble, on le ressent physiquement dans les émotions de la rue rassemblée. Un nouveau pacte de solidarité est en germe dans la mobilisation de ces derniers mois, comme il l’était dans le mouvement des Gilets jaunes, comme il le fut au Chili ou en Ukraine. Il s’agit de donner à cette aspiration, sur la durée, en profondeur, une force constituante.

Mais faire peuple nécessite aussi de se parler et de dire ensemble. Les lieux et les moments de cette construction ont été les grands absents de la séquence qui s’achève. Alors que la parole populaire s’est exprimée à profusion sur les pancartes bricolées des cortèges et le foisonnement des slogans, parole publique collective, stratégie et enjeux ont été délégués aux organisations.

Il nous a manqué cette parole commune. Il est urgent de délibérer ensemble, de construire ensemble un autre discours, d’aller puiser dans ce savoir-faire collectif pas si ancien qu’ont été les Forum sociaux, les places occupées, les ronds-points, les Assemblées des assemblées des Gilets jaunes ou Nuit debout.

Nous ne résisterons que dans la construction partagée. Le nouvel ordre de bataille ne peut être que constituant.

Article publié dans Regards le 24 avril 2023


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