7 septembre 1812 Bataille indécise de la Moskowa (Borodino)

lundi 9 septembre 2024.
 

1) Contexte général

Napoleone di Buonaparte a participé aux campagnes militaires de la Révolution française, particulièrement à Toulon, en Italie (Montenotte, Lodi, Castiglione, Arcole, Rivoli... Marengo) et en Egypte (bataille des Pyramides...).

Il a été sacré empereur des Français le 18 mai 1804

Les premières années sont marquées :

- par une activité intense de stabilisation économique, institutionnelle et juridique pour faire émerger une nouvelle société après l’effondrement de l’Ancien régime et la tempête révolutionnaire

- par des victoires militaires contre les puissances coalisées (Ulm, Austerlitz, Iéna, Eylau, Friedland, Wagram...)

Peu à peu la machine s’enraye :

- En Espagne, des troupes de guerrilleros poursuivent une guerre d’usure qui saigne les meilleures unités et les meilleurs maréchaux depuis 1808. 300000 soldats français y subissent une sorte de guerre populaire subversive aussi atroce qu’impossible à vaincre. Or, l’empereur fait l’énorme erreur d’en sous-estimer l’importance, laissant ses maréchaux gérer au mieux la situation.

- En faisant de l’empire une sorte de super royauté, Napoléon s’est coupé de l’élan révolutionnaire qui avait valu la motivation des volontaires français et des sympathies dans toute l’Europe. A partir de 1809, la conscription est bien plus vécue comme un passeport pour la mort que comme un idéal républicain.

- Le pape Pie VII excommunie Napoléon et pousse les feux partout contre lui.

- Au Portugal, l’armée de Wellington fait face aux divisions françaises en s’appuyant sur un sentiment national en progression

- L’Empire subit depuis 1810 une crise bancaire et boursière, financière puis économique, enfin sociale

Napoléon 2 naît dans un Premier empire fragilisé le 20 mars 1811

2) Contexte européen de la campagne de Russie en 1812

Depuis 1805, le Royaume-Uni poursuit son objectif premier : rassembler les forces nécessaires pour battre militairement Napoléon et le renverser.

Celui-ci a mis en place un blocus continental interdisant le commerce avec les iles britanniques afin de les affaiblir économiquement.

Acculée, l’Angleterre fait feu de tout bois contre la France impériale. Elle pousse la Russie à lever le blocus continental ce qui met Napoléon dans une rage incommensurable car cette tactique ne peut réussir que si elle est appliquée partout.

Napoléon déclare la guerre à la Russie. Il ne s’attend pas aux manoeuvres politiques que Londres met en oeuvre pour aider Moscou :

- Le gouvernement britannique obtient de la Turquie la fin de ses hostilités militaires contre la Russie ce qui va libérer l’armée de Tchitchagov

- Elle promet la Norvège à Bernadotte, ex-maréchal d’empire devenu roi de Suède libérant l’armée russe de Finlande qui va également pouvoir renforcer le dispositif face à la Grande armée

- Elle renouvelle un accord secret avec le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche pourtant obligés par Napoléon d’envoyer des troupes

- Elle attend que Napoléon avance dans l’immensité russe pour attaquer à l’autre bout du continent, au Portugal

3) La Grande armée napoléonienne en 1812 au début de la campagne de Russie

4) La campagne de Russie, du Niémen à la Moskowa

http://www.herodote.net/histoire/ev...

Le 24 juin 1812, Napoléon 1er franchit le Niemen avec ses troupes. Il envahit la Russie sans déclaration de guerre préalable (comme Hitler 129 ans plus tard à deux jours près !).

Cette campagne de Russie, que les Russes préfèrent qualifier de « Grande guerre patriotique », sera fatale à l’Empereur des Français. Elle sera aussi l’acte de naissance du nationalisme russe.

Quand il franchit le Niemen avec la Grande Armée, Napoléon 1er cherche comme à son habitude le choc frontal avec l’armée ennemie. Mais, tirant parti de l’immensité de leur pays, les Russes se dérobent aux attaques et insidieusement, d’étape en étape, entraînent la Grande Armée vers l’Est...

Un ennemi insaisissable

Après le traité de Tilsitt, conclu cinq ans plus tôt, l’Empereur des Français a été décontenancé par le tsar Alexandre 1er qui a feint d’être son allié mais a continué d’accueillir dans ses ports des navires britanniques et, après le congrès d’Erfurt, n’a rien fait pour empêcher l’Autriche de reprendre les armes.

Il croit pouvoir le ramener à la raison au terme d’une campagne militaire (une de plus) avec une armée plus nombreuse qu’aucune autre : la Grande Armée compte en effet pas moins de 700.000 hommes à son entrée en Russie, en juin, dont 300.000 Français.

Fort de cet avantage numérique, Napoléon 1er cherche comme à son habitude le choc frontal avec l’ennemi. Mais il se montre très vite désemparé par la tactique russe.

Sous le commandement du prince Mikhaïl Barclay de Tolly et du général Bagration, les deux armées ennemies, environ 200.000 soldats au total, se dérobent au combat tout en se repliant vers l’Est et en brûlant sur leur passage les récoltes et les entrepôts de vivres.

Napoléon ne résiste pas à la tentation de les poursuivre. C’est seulement en prenant Vilnius, en Lituanie, le 28 juin, qu’il prend conscience de la tactique ennemie : entraîner la Grande Armée dans les profondeurs du pays pour l’épuiser. Il n’en poursuit pas moins son chemin vers Vitebsk puis Smolensk.

Cette tactique de la terre brûlée a été préconisée par Clausewitz, officier prussien entré au service du tsar, et appliquée par Barclay de Tolly, un officier d’origine écossaise.

Coûteuse en vies humaines, elle suscite des récriminations dans l’état-major russe qui obtient le 17 août 1812 le limogeage de Barclay de Tolly et son remplacement par le vieux maréchal Koutouzov (67 ans).

Erreurs tactiques des deux côtés

Ignorant des réalités climatiques et géographiques, Napoléon commet erreur sur erreur.

Au lieu de se diriger vers la capitale Saint-Pétersbourg, il se laisse entraîner vers l’ancienne métropole, Moscou, à plusieurs centaines de kilomètres. Le climat continental, caniculaire, épuise les soldats et ceux-ci souffrent de la dysenterie et du manque de ravitaillement.

Mais le 7 septembre 1812, contre toute attente, sur les bords de la Moskova, près du village de Borodino, Koutouzov, le nouveau généralissime russe, offre enfin à Napoléon l’affrontement tant attendu...

Au milieu de l’abondante bibliographie napoléonienne, nous recommandons le livre très accessible et complet de Marie-Pierre Rey : L’effroyable tragédie, Une nouvelle histoire de la campagne de Russie (Flammarion, 2012). Bien sûr, on peut dévorer aussi le grand roman de Léon Tolstoï, Guerre et Paix (1869), chef d’oeuvre de la littérature russe.

5) 7 septembre 1812 Bataille indécise à Borodino

Le 7 septembre 1812, sur les bords de la Moskova, près du village de Borodino, à 124 kilomètres de Moscou, la Grande Armée de Napoléon 1er trouve en face d’elle l’armée russe au grand complet.

Le maréchal Mikhaïl Koutouzov (67 ans), qui a succédé au prince Mikhaïl Barclay de Tolly à la tête de l’armée russe, ne veut plus se dérober. Sous la pression de l’opinion russe comme de l’état-major, il décide de défendre autant que faire se peut la vieille capitale russe. Ainsi offre-t-il à l’Empereur des Français l’affrontement frontal que celui-ci attendait depuis son invasion de la Russie, neuf semaines plus tôt.

Il va en résulter une indécise bataille, dont chaque belligérant revendiquera la victoire. C’est le moment fort de la campagne de Russie que les Russes préfèrent qualifier de « Grande guerre patriotique », avec davantage de morts et de blessés qu’aucune autre bataille avant cette date.

Baptisée Borodino par les Russes, elle est plus connue sous le nom de Moskova par les Français, ce nom rappelant la proximité de Moscou, l’ancienne capitale russe.

Un choc sans suite

Du fait de ses pertes antérieures et de l’effilochement de la Grande Armée sur plusieurs centaines de kilomètres, Napoléon ne dispose au moment crucial que du tiers de ses effectifs initiaux. Sur les 440.000 soldats qui ont traversé le Niemen (non compris les hommes des équipages), 100.000 sont restés à l’arrière pour sécuriser les régions occupées. Et près de 200.000 ont disparu, morts, blessés, déserteurs ou prisonniers, victimes de la dysenterie, de la faim, des attaques des Cosaques ou des combats.

Le 28 août, la Grande Armée arrive dans la petite ville de Viazma. Comme les précédentes, celle-ci a été vidée de ses habitants et de ses réserves de vivres puis incendiée sur ordre de l’état-major russe. Le feu n’ayant pas eu le temps de dévorer des réserves de vodka, celles-ci procurent un bonheur inespéré mais bref aux soldats français.

Napoléon comprend ce jour-là que les Russes préparent enfin à une bataille frontale.

Ils se sont positionnés sur cinq ou six kilomètres, entre deux routes qui mènent l’une et l’autre vers Moscou. Au nord est le village de Borodino. Plus au sud, sur une hauteur, près du village de Raïevski, les Russes aménagent à la hâte une « Grande redoute » avec des canons en batterie et des fortifcations en terre. À l’extrême sud, à Semenovskoïe, où s’est déployée l’armée du prince Bagration, sont aménagées trois petites redoutes également bourrées d’artillerie et ouvertes sur l’arrière, des « flèches » ou une « redans ».

Pour gagner du temps et lui laisser le temps d’achever ces ouvrages, Koutouzov donne l’ordre au général Neverovski de défendre coûte que coûte la redoute de Schevardino, située à trois kilomètres à l’avant du dispositif.

C’est à la cavalerie du roi de Naples Murat et à l’infanterie du général Compans que revient la responsabilité de prendre Schevardino. Le combat s’engage le 5 septembre.La bataille est brève mais rude et sanglante. Les troupes de Neveroski se replient sur les flèches de Semenovskoïe. La journée du lendemain se passe dans les préparatifs de la grande bataille.

Koutouzov, meilleur communiquant que général, fait dire à ses soldats : « Frères et compagnons d’armes ! (...) Remplissez votre devoir. Songez aux sacrifices de vos cités livrées aux flammes et à vos enfants qui implorent votre protection. Songez à votre Empereur, votre Seigneur, qui vous considère comme le nerf de sa force, et demain, avant que le soleil ne se couche, vous aurez écrit votre foi et votre fidélité à votre souverain et à votre patrie avec le sang de l’agresseur et de ses armées ».

Napoléon n’est pas en reste. Au petit matin du 7 septembre, il fait lire à ses troupes une célèbre proclamation : « Soldats, voilà la bataille que vous avez tant désirée ! Désormais, la victoire dépend de vous : elle nous est nécessaire. Elle nous donnera l’abondance, de bons quartiers d’hiver et un prompt retour dans la patrie ! Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friedland, à Vitebsk, à Smolensk , et que la postérité la plus reculée cite avec orgueil votre conduite dans cette journée ; que l’on dise de vous : il était à cette grande bataille sous les murs de Moscou ! »

Les deux commandants en chef vont se tenir toutefois à l’écart de la bataille, Koutouzov parce qu’il est vieux, obèse, borgne et impotent, Napoléon parce qu’il souffre d’un méchant rhume !

À 6h30, après lecture de la proclamation de ce dernier, l’artillerie française ouvre le feu et permet au prince Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, d’occuper le village de Borodino. Il s’agit d’une manoeuvre de diversion destinée à masquer la principale offensive vers les trois flèches de Bagration.

Louis-Nicolas Davout lance l’attaque avec succès et emporte les trois flèches. Au passage, son cheval est fauché par un boulet et lui-même perd connaissance. Mais il se replace quelques minutes plus tard à la tête de ses hommes. Succès éphémère. Bagration revient à la charge et reprend les flèches. Entre alors en scène le maréchal Michel Ney qui reprend les flèches. Son comportement à la tête du 3e Corps de la Grande Armée lui vaudra plus tard le titre de prince de la Moskova.

Côté russe, le prince Bagration est grièvement blessé à la cuisse et doit se remplacer par Alexandre de Wurtemberg. Il mourra quelques jours plus tard de gangrène. C’est un coup dur pour le moral de ses troupes. À dix heures, la victoire semble aux Français à portée de main mais il reste à prendre la grande redoute de Raïevski.

Le vice-roi Eugène et les divisions Broussier, Morand et Gérard engagent l’attaque contre la redoute. L’assaut devient bientôt général. Les généraux Montbrun, Caulaincourt et beaucoup d’autres y laissent la vie.

Malgré cela, les Russes continuent de résister. Face à un ennemi nombreux et bien armé, qui a pris le temps de préparer la bataille, Napoléon est saisi par le doute. Sous le coup de la fatigue ou de l’âge, il commet l’erreur fatale de ne pas engager la Garde impériale malgré les demandes réitérées de ses maréchaux. Il veut la garder intacte pour la suite.

En conséquence de quoi, la nuit venue, après l’interruption des combats, l’armée russe se retire discrètement mais non sans précipitation, abandonnant beaucoup de blessés à leur triste sort. L’armée française reste maîtresse du terrain et peut revendiquer la victoire. La route de Moscou lui est ouverte. Mais elle n’a encore pu détruire l’armée russe.

Les pertes humaines sont très lourdes : 28.000 morts, blessés et disparus du côté français dont 47 généraux, contre 45.000 côté russe, soit le tiers des effectifs. Koutouzov, remis de son erreur stratégique et heureux de s’en tirer à bon compte, reprend à son compte la tactique de la terre brûlée de son prédécesseur Barclay de Tolly en refusant tout nouvel affrontement.

L’Histoire russe retient que le 13 septembre, dans le village de Fili, dans l’isba du moujik Frolov, il réunit les principaux généraux de son état-major (Barclay de Tolly, Bennigsen, Platov, Ermolov...) et prend leur avis sur l’opportunité de défendre Moscou. Il y renonce finalement mais n’ose l’avouer au tsar.

Alexandre 1er, qui n’aime pas Koutouzov depuis sa fuite d’Austerlitz, lui offre néanmoins le bâton de feld-maréchal, en récompense de sa « victoire » de Borodino. C’est que l’opinion publique, comme plus tard Léon Tolstoï, auteur de Guerre et paix, tiennent bien à tort le vieux courtisan pour un grand stratège...

Par une satisfaction en trompe-l’oeil, une semaine après la bataille de Borodino, la Grande Armée entre à Moscou. C’est pour s’apercevoir que la ville a été désertée par tous ses habitants...

COMPLEMENT : Le 7 septembre 1812 : La bataille de Borodino

https://heuredupeuple.fr/le-7-septe...

Le 6 septembre, à 125 km de Moscou, Napoléon tente de motiver ses troupes : « Soldats, la victoire nous donnera l’abondance ! » Il espère recevoir de la Russie autant de contributions qu’il a tirées de l’Autriche et de la Prusse réunies. Il affirme en pillard assumé : « La guerre est la source de la richesse nationale. » Une pratique depuis la campagne d’Italie qui lui a permis de cultiver sa popularité auprès des soldats, de remplir les caisses du Trésor public (et en priorité les siennes et celles de son clan) se rendant ainsi incontournable avant de se saisir par le coup d’État de 1799 de tout le pouvoir.

Il aborde cette confrontation avec les troupes tsaristes du général Koutouzov avec confiance. Il a fallu trois jours à la Grande armée pour traverser le Niémen. Elle compte alors plus de 675.000 soldats dont un tiers de Français, 180.000 Allemands, 90.000 Polonais. En face, les Russes n’ont que 150.000 soldats à aligner auxquels s’ajoutent quelque 40.000 cosaques indisciplinés. En réalité, l’armée napoléonienne a déjà perdu près de 150.000 soldats. L’intendance ne suit pas. Napoléon, très sûr de son fait, s’est engagé à la poursuite de Koutouzov qui par nécessité se dérobe constamment, avec seulement 4 jours de pain et 21 jours de farine. La politique de terre brûlée des Russes ne permet pas de vivre sur le pays. Les désertions viennent renforcer les effets des escarmouches et des maladies : plus aucun soldat n’ignore le sort que leur réserve celui qu’ils appellent dorénavant l’Ogre. A juste titre, ce dernier professant en coulisses ses sentiments et recommandations : « je n’aime personne », « ne pas se soucier des pertes »…

Le 7 septembre, s’affrontent donc 125.000 Français à 104.000 Russes (le reste des effectifs n’étant pas engagé). Napoléon améliore son record d’Eylau et Wagram (50.000 et 55.000 morts) avec 80.000 victimes (45.000 pour les Russes, 35.000 pour les Français). Absent, comme hébété pendant la bataille, il poursuit jusqu’à Moscou bientôt en flammes qu’il quittera trop tard, paniqué par les premières neiges, à la mi-octobre.

On sait que seulement 18.000 combattants repasseront le Niémen talonnés par les Russes qui entreront dans Paris avec les Prussiens le 31 mars 1814. Certes, Napoléon a réussi à coaliser tous les possédants autour de son coup d’État en 1799 mais ceux-ci excédés par les charges en hommes et en argent en constante augmentation parient désormais sur un cheval de retour : Louis XVIII. Borodino, c’est le résumé du génie militaire et politique du très réactionnaire, cupide et sanglant Napoléon dont la France bourgeoise a fait le mythe héroïque français par excellence.

Jean-Luc Bertet


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