La majorité s’allie avec la droite et l’extrême droite pour supprimer la redevance télé

mercredi 27 juillet 2022.
 

Par 170 voix pour et 57 contre, les députés de la majorité, de LR et du RN ont adopté la suppression de la « contribution pour l’audiovisuel public », promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Une partie de la TVA serait affectée, pour compenser, au financement des médias publics.

C’est donc au cœur de l’été, par un article glissé dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR), et au nom de mesure en défense du pouvoir d’achat, que la suppression de la « contribution pour l’audiovisuel public » ou redevance a été votée samedi 23 juillet.

Après des mois de polémiques, et de très vives inquiétudes dans les médias concernés, l’Assemblée nationale a adopté par 170 voix pour et 57 voix contre, après de vifs débats, l’article 1 du PLFR qui entérine cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron.

Les débats autour de la redevance qui finance aujourd’hui France Télévisions, Radio France, RFI, France 24, l’INA et Arte ont été particulièrement vifs avec une opposition portée presque exclusivement par la Nupes. Les parlementaires de la majorité étant rejoints par Les Républicains (LR) et l’extrême droite (RN).

La députée Nupes du Val-de-Marne, Sophie Taillé-Polian a, dès l’ouverture des débats, déploré un « acte assez grave » contre le service public audiovisuel et ce « à l’heure où l’indépendance des médias est en berne, menacée par une extrême concentration des médias entre les mains de dix milliardaires qui détiennent 80 % des quotidiens nationaux, 47 % des radios généralistes ». Une décision qui vient s’ajouter aux attaques contre la presse constituées par la loi sur le secret des affaires, et la loi sur la sécurité globale.

« Ce n’est pas qu’un simple débat budgétaire. […] Ce débat est un débat sur la question de la démocratie. […] L’indépendance de l’audiovisuel public est une condition pour toute vie démocratique et républicaine. Cela ne se négocie pas », a renchéri le député de La France insoumise Alexis Corbière, qui a annoncé que son groupe allait prochainement saisir le Conseil constitutionnel sur le sujet.

Un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires culturelles, publié le 13 juillet dernier, a en effet pointé le risque d’inconstitutionnalité planant sur cette suppression.

Il affirme que le Conseil constitutionnel pourrait en effet censurer une mesure consistant à remplacer « une ressource dédiée par un financement par le budget de l’État » au nom du « principe d’indépendance de l’audiovisuel public protégé y compris dans sa dimension financière ». La « volatilité » de ce financement, conséquence du transfert du financement au budget de l’État, fragilise ce principe d’indépendance, s’inquiète le rapport.

Au nom du gouvernement, Gabriel Attal, ministre délégué en charge des comptes publics, a de son côté avancé qu’un consensus politique s’était exprimé sur la nécessité de revoir cet impôt, adossé à la taxe d’habitation désormais supprimée, et rendu « obsolète » par les nouveaux modes de consommation des médias.

« Nous assumons de supprimer des impôts qui pèsent sur les Français », a aussi déclaré le ministre, applaudi par une grande partie de l’hémicycle favorable à la fin d’une taxe annuelle d’un montant de 138 euros par foyer.

Une grande démocratie comme la nôtre n’a plus besoin de service public.

Caroline Parmentier, députée RN

L’article 1 du PLFR a été soutenu par les groupes Renaissance, MoDem, Horizons, Les Républicains et le Rassemblement national. Ce dernier, par la voix de la députée RN de la Somme Caroline Parmentier, ancienne rédactrice en chef du journal d’extrême droite Présent, a expliqué que cette suppression était une « bonne nouvelle », conforme au programme de Marine Le Pen, mais que la copie du gouvernement pouvait être améliorée par « la privatisation de France Télévisions et de Radio France. […] Une grande démocratie comme la nôtre n’a plus besoin de service public », a-t-elle asséné pour conclure son intervention.

Sur la question décisive du nouveau mode de financement de l’audiovisuel public - 3,7 milliards d’euros - Gabriel Attal a défendu le principe de « remplacer par une dotation budgétaire de l’État » la redevance, c’est-à-dire consacrer à cet effet une partie des recettes de la TVA (92 milliards d’euros l’an dernier).

Le 13 juillet dernier, les députés avaient adopté en commission des finances la suppression de la redevance, mais sans qu’aucune solution de financement alternatif ne soit proposée.

Pour la députée LFI Clémentine Autain, affirmer qu’il n’y aura aucune baisse de dotation pour l’audiovisuel public par ce nouveau mode de financement relève pourtant du tour de passe-passe : « On retrouvera dans la main gauche ce qui vient d’être perdu dans la main droite. » Plusieurs députés de la Nupes ont également fustigé le recours à la TVA, un impôt payé indistinctement par l’ensemble de la population vivant en France, sans critère de revenu.

Et quid des conséquences de cette réaffectation d’une partie de la TVA sur d’autres services publics ? Les questions posées dans l’hémicycle sur ce point sont restées sans réponse.

Les salariés de l’audiovisuel public s’étaient particulièrement mobilisés ces dernières semaines contre la suppression de la redevance. Le 20 juillet, après une cascade de tribunes, des figures emblématiques de France Télévisions Élise Lucet, Léa Salamé ou Laurent Delahousse avaient diffusé une vidéo mettant en garde contre les conséquences néfastes de la fin de la redevance en termes d’indépendance et de qualité des contenus éditoriaux. Les syndicats de journalistes sont également très inquiets.

Le texte doit désormais être examiné au Sénat.

La rédaction de Mediapart


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