Dans une Martinique sous tension, l’ode à l’autonomie de Jean-Luc Mélenchon

mercredi 22 décembre 2021.
 

Sur l’île, où l’instauration du passe sanitaire électrise les colères, le candidat insoumis a prôné une souveraineté accrue pour le peuple antillais. Une évolution notable pour cet ancien jacobin qui reste toutefois flou sur les contours qu’il donne à cette autonomie.

Raisons sanitaires ou sécuritaires ? À Fort-de-France, plus personne ne sait au juste pourquoi le couvre-feu dure depuis au moins trois mois.

Il est 20 heures, samedi 18 décembre : une nuit moite est tombée sur les rues désertes et les échoppes ont fermé leur rideau. Dans la capitale fantôme, la colère gronde en sourdine. « Vous verrez, après le 31 décembre [date à laquelle la date limite de vaccination a été repoussée en Martinique – ndlr], ça va péter », pronostique le patron du Carib Hotel qui, en quarante ans de vie sur l’île, n’a jamais ressenti une telle atmosphère dans les rues de la capitale.

Il ne faut pas se fier aux villas qui montent sur les hauteurs verdoyantes de Fort-de-France ni à cette jeunesse dorée qui s’enivre, aussi longtemps que le permet le couvre-feu, dans les bars dansants des hôtels touristiques. Du centre-ville paupérisé, où la bouffée de crack s’adjuge à 2 euros, au quartier « chaud » de Volga-Plage et à ses petites maisons délabrées bâties sur d’anciennes mangroves, la pression monte.

En Martinique, où seulement la moitié de la population est vaccinée, les mesures gouvernementales pour lutter contre la pandémie ont conduit, comme en Guadeloupe, au conflit social le plus dur depuis une décennie, avec barrages et affrontements violents entre jeunes et gendarmes. « Il y a ici un mille-feuilles de problématiques non réglées. Les deux ans de crise sanitaire et leurs restrictions incompréhensibles imposées par la préfecture, comme le contrôle sur les plages, ont été très mal vécues et ont crispé tout le monde », explique Karine Varras, ancienne candidate La France insoumise aux législatives en 2017.

Empoisonnement au chlordécone, invasion de sargasses sur la côte atlantique, chômage endémique des jeunes, prix à la consommation 30 % plus élevés du fait d’une économie reposant presque exclusivement sur l’importation… Autant de sujets de colère qui, sur fond d’histoire coloniale exacerbant le sentiment d’être méprisés et abandonnés, ont fait grimper en flèche la défiance vis-à-vis du gouvernement.

Un État aux abonnés absents quand il s’agit de régler les problèmes du quotidien, mais qui impose, sans faire de détails, sa loi d’urgence sanitaire et son lot d’ordres et de contre-ordres compliquant toujours plus la vie des non-vaccinés.

« Paternalisme puant »

Juste avant son départ, conscient qu’il s’apprêtait à danser sur un volcan, Jean-Luc Mélenchon avait prévenu : « Je ne vais pas aux Antilles pour mettre le feu. » Comme une réponse au sentiment de relégation des insulaires, le candidat en campagne n’a eu de cesse, pendant les 5 jours qu’a duré son voyage, de lancer des signaux en faveur d’une plus grande autonomie du peuple antillais, selon lui seule issue « pacifique » possible aux souffrances causées par le « paternalisme puant » du pouvoir métropolitain.

Souveraineté sanitaire, énergétique et alimentaire : un triptyque programmatique que l’Insoumis a appelé de ses vœux, aussi bien lors de son meeting final que pendant la visite du moulin hydroélectrique de Gros-Morne. Entouré d’une nature luxuriante, il a alors évoqué avec le patron des lieux les diverses pistes pour développer, jusqu’à l’autosuffisance alimentaire, une agriculture locale encore focalisée sur la canne à sucre et la banane.

Tout au long de son séjour martiniquais, le leader de La France insoumise, arrivé devant Macron à la présidentielle de 2017 (avec 28 % des voix au premier tour) sur cette terre qui reste bien à gauche, s’est mis dans les pas d’Aimé Césaire, maire historique de Fort-de-France, fondateur de Parti progressiste martiniquais (PPM), et artisan de la départementalisation de l’île – une étape, pensait-il alors, vers l’autonomie politique.


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