Primaire écologiste : Yannick Jadot et Sandrine Rousseau sont au coude à coude

jeudi 23 septembre 2021.
 

Incarnant deux offres politiques bien distinctes, Yannick Jadot et Sandrine Rousseau se sont qualifiés pour le second tour de la primaire écologiste, qui se tiendra du 25 au 28 septembre. Les résultats serrés du premier tour et le nombre inédit de participants laissent le scrutin très ouvert.

Des résultats serrés et des tractations d’entre-deux-tours qui s’annoncent intenses. Dimanche 19 septembre, en fin d’après-midi, le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), Julien Bayou, a détaillé depuis le Pavillon des canaux, dans le XIXe arrondissement de Paris, les scores des cinq candidat·e·s au premier tour de la primaire écologiste : Yannick Jadot arrive en tête avec 27,70 % des suffrages exprimés, suivi de près par Sandrine Rousseau (25,14 %).

L’ancienne ministre de François Hollande, Delphine Batho, se hisse en troisième position avec 22,32 % des voix, devant le maire de Grenoble Éric Piolle (22,29 %) et Jean-Marc Governatori (2,35 %). D’après les organisateurs du scrutin, 106 000 des 122 670 inscrits ont pris part au vote. Une participation sept fois plus importante que celle de la primaire écologiste de 2016 (12 582 votants sur près de 17 000 inscrits) et quatre fois plus importante que celle de 2011 (25 437 votants sur près de 33 000 inscrits).

Un record qui ravit les cadres du parti : « Je suis très contente de la participation, indique Léa Balage, déléguée aux élections pour EELV. Le résultat serré montre qu’il y a une forme de cohérence sur le projet. » Derrière cette « forme de cohérence » se détachent pourtant deux offres politiques bien distinctes, selon Amandine Richaud-Crambes, la directrice de campagne de Sandrine Rousseau : « On se retrouve sur deux candidats bien différents, entre gauche gauche et gauche centriste. »

« Je suis une écologiste de gauche, une écologiste sociale », a d’ailleurs souligné la candidate, ancienne porte-parole du parti. Et de poursuivre, depuis la tribune : « Ce résultat n’est finalement une surprise que pour les personnes qui n’ont pas saisi ou qui n’ont pas voulu voir les évolutions de la société, les modifications en son sein qui prônent et qui portent des mesures ambitieuses, une politique courageuse et une incarnation différente. [...] Nous sommes en capacité de gagner et d’aller jusqu’à l’Élysée. »

Arrivé quelques minutes après la proclamation des résultats, Yannick Jadot, lui, parle d’entrée de jeu d’une « écologie de gouvernement ». « Je vous le dis : on a une responsabilité particulière. On ne peut pas s’offrir un quinquennat de plus de Macron, qui sacrifie les oiseaux aux lobbies de la cruauté », insiste-t-il, en référence à la volonté du gouvernement d’autoriser de nouveau certaines chasses traditionnelles d’oiseaux que le Conseil d’État avait décidé d’interdire au mois d’août.

Si Jean-Marc Governatori a immédiatement annoncé soutenir l’eurodéputé pour le second tour de la primaire, qui se tiendra du 25 au 28 septembre, Delphine Batho a indiqué qu’elle ne donnerait aucune consigne de vote. « Pour le second tour, les électrices et les électeurs qui ont voté pour le projet alternatif de la décroissance feront librement leur choix », a-t-elle écrit. Coutumiers des scrutins à surprises, rares sont les écologistes à se risquer à la moindre conjecture quant aux reports de voix. « Les gens ne vont pas suivre forcément les consignes », assure Léa Balage.

Parmi les soutiens de Yannick Jadot, les sourires sont de mise, mais la déception est évidente : chacun s’attendait à une avance plus nette du candidat. En octobre 2016, l’eurodéputé avait ainsi davantage de certitudes à l’issue du premier tour, dont était éliminée la favorite d’alors, Cécile Duflot, et l’avait emporté avec 54,25 % des voix au second tour. Pour autant, sous couvert d’anonymat, certains se rassurent : « A priori, tout le monde ira derrière Jadot, sinon ça veut dire que le parti ne se transforme pas en parti de gouvernement, mais revient en arrière. »

Les mêmes rappellent que Sandrine Rousseau ne croule pas sous les soutiens en interne, tout en reconnaissant que le nombre inédit d’inscrits laisse le second tour très ouvert. En 2016 déjà, c’était ce profil moins radical qui avait séduit une base militante alors soucieuse de rompre avec les audaces présidentielles du passé – Eva Joly en 2012 ou Alain Lipietz, finalement remplacé par Noël Mamère, en 2002. Mais avec plus de 100 000 électeurs, le noyau vert est submergé et les reports de voix sont illisibles.

Pour la conseillère de Paris Alice Coffin, qui soutient Sandrine Rousseau, ces résultats sont « une merveilleuse nouvelle ». « On voit que les électeurs et les électrices sont prêts à avoir des choix radicaux, dit-elle. Les écolos ne cherchent plus à entrer dans le moule. Avec la “zemmourisation” des médias, on a besoin d’une vraie gauche ! »

Arrivé quatrième du scrutin, Éric Piolle est l’un des derniers à se présenter au Pavillon des canaux. Autour de lui, les visages sont fermés. « C’est la pire des configurations, se désole l’un de ses soutiens. Tout le monde est dans un mouchoir de poche, ça va cliver encore plus. » Interrogé sur son choix pour le second tour, le maire de Grenoble botte en touche : « Je soutiens l’écologie politique. »

La qualification de Sandrine Rousseau au second tour a suscité les commentaires amers d’anciens écologistes convertis au macronisme, comme François de Rugy. « Si certains avaient des doutes (ou des espoirs), la preuve en est une nouvelle fois apportée : la course à la radicalité dans laquelle les Verts français sont engagés depuis 2014 n’est pas près de s’arrêter… », a tweeté l’ancien ministre de la transition écologique, qui s’était lui fait remarquer en 2017 en recueillant 3,9 % de la primaire socialiste, avant de soutenir Emmanuel Macron au détriment du vainqueur Benoît Hamon.

Éditorialistes et adversaires politiques s’enthousiasment déjà sur un mouvement incapable de se trouver clairement un chef, et il est vrai que le risque existe d’ici le second tour de voir Sandrine Rousseau et Yannick Jadot intensifier leurs divergences. Et offrir un débat qui laisserait des traces et verrait le perdant ne pas réellement s’incliner derrière le vainqueur. Le spectre de l’entre-deux tours de 2011 plane, où Eva Joly s’était montrée offensive à l’encontre de Nicolas Hulot, remportant le scrutin primaire mais plombant d’emblée sa dynamique écolo dans le jeu médiatique de la campagne présidentielle.

Mais pour l’heure, les écologistes semblent avoir appris de leurs excès stratégico-politiques, ainsi que l’a démontré la tenue des débats de premier tour. Si Yannick Jadot et Sandrine Rousseau n’incarnent pas la même ligne, ils ont plusieurs années de vie commune au sein d’un parti dont ils sont tous deux des figures rompues aux joutes internes. D’ailleurs, lors de la primaire de 2016, Rousseau avait soutenu le futur vainqueur – qui s’était finalement retiré au profit de Benoît Hamon.

« Je ne partage pas toutes les positions de Sandrine Rousseau et Yannick Jadot mais au moins EELV ils ont le courage de débattre sur des idées et des projets », a ainsi commenté le socialiste Stéphane Le Foll, au terme d’un week-end de congrès, durant lequel le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a écarté l’idée d’une primaire ouverte, pavant ainsi la voie à la candidature par voie d’investiture à l’ancienne de la maire de Paris, Anne Hidalgo.


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