À propos du facho-« féminisme » et de ses relais médiatiques

lundi 23 août 2021.
 

Le 13 août dernier, à Nice, Samira été brûlée vive par son conjoint. Une tentative de féminicide de plus ? Oui, mais l’agresseur s’appelle Nabil. Et Vardon, élu RN, de souligner « le poids de l’immigration dans les violences conjugales », ce qui est faux. Quand les fachos s’essayent au féminisme, relayés par la presse locale, une mise au point s’impose, chiffres à l’appui.

Le 13 août dernier, Samira été brûlée vive par son conjoint. Au moment où j’écris ces lignes, elle est toujours dans le coma, des brûlures sur 30% du corps, son pronostic vital engagé. Une réaction humaine ? Une tentative de féminicide de plus, une femme que son compagnon pensait sienne, voulait posséder. Et la colère de savoir qu’une femme meurt assassinée par son compagnon ou ex-compagnon tous les deux jours et demi (146 en 2019, 90 en 2020, et nous en sommes à 75 à la mi-août 2021).

Dessin de PP.P pour Mouais Dessin de PP.P pour Mouais Sauf que Nice-Presse, officine médiatique niçoise s’efforçant avec succès de faire pire que Nice-Matin, qui ne vole déjà pas haut, ce genre de réaction, ça ne l’intéresse guère. A qui demander leur avis, alors ? Les proches de la victime ? Des travailleuses sociales et travailleurs sociaux vivant au plus près de cette dure réalité de terrain ? Des militantes féministes luttant contre le patriarcat ? Mais non, voyons : un élu RN local du conseil municipal, et pas n’importe lequel : Philippe Vardon, ex-skin néonazi (on peut l’apercevoir entonner un chant nazi au milieu d’une forêt de saluts romains dans le documentaire Skin or die, de Daniel Schweitzer) reconverti dans la politique en costard-cravate. Parce que les réactions humaines et raisonnées à un féminicide abject, bon, ça va deux secondes, c’est pas ça qui fait vendre du clic.

Et c’est quoi, l’avis du Vardon ? Eh bien très étonnamment, c’est un truc raciste, bah ouais, c’est fou. Sa réaction est bien entendu axée sur l’immigration, son obsession (on lui dit chou-fleur ou nuages, il pense migrants). Samira, d’origine tunisienne, a été victime de son mari Nabil. Tunisie + Nabil : dans son cerveau, ça a fait schpouf là-dedans. Et Vardon, sans la moindre honte, de récupérer cet acte odieux à des fins politiques, comme l’extrême-droites sait si bien le faire, en évoquant « le poids de l’immigration dans les violences conjugales », sans bien sûr le moindre chiffre pour appuyer cette analyse aussi fine qu’une blague de Cyril Hanouna.

L’extrême-droite est coutumière de la récupération politique de toutes les horreurs commises, qu’il s’agisse d’attentats ou des violences faites aux femmes (dont elle se fout éperdument le reste du temps d’ailleurs), occultant complètement le fait que ces violences font partie d’un système patriarcal qui n’épargne pas une femme dans le monde, et que des féminicides ont lieu partout dans le monde.

Si vous voyez ce stickers sur les murs de votre quartier faut l’enlever. Si vous voyez ce stickers sur les murs de votre quartier faut l’enlever. Le groupe identitaire Némésis, en particulier, fait parler de lui depuis quelques temps –vous avez peut-être vu passer leurs stickers ici où là. Il s’agit d’un collectif de (souvent très jeunes) femmes, se revendiquant, accrochez-vous, féministes et anti-immigration, mais oui, et inventant de façon audacieuse des liens entre les deux. En 2019, par exemple, elles relayaient, de concert avec Marine Le Pen, l’affirmation selon laquelle « en 2014, 52% des viols commis à Paris l’ont été par des étrangers », se basant sur une étude de l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) de 2016. Statistique qui pourrait être troublante, en effet. Mais il suffit de se pencher un peu (allez, 4 secondes) sur ce rapport pour constater qu’il n’a aucune valeur statistique, selon l’ONDRP lui-même, qui affirme que son étude « n’est pas représentative ».

Slate s’est consciencieusement penché sur cette stat’ fantaisiste, et voici ce qu’il en ressort : « le chiffre de 52% ne représente en réalité que 43% du total des 688 viols recensés par l’étude. Une base statistique qui est en outre, et c’est un biais potentiel majeur, constituée des seuls viols déclarés aux autorités, soit à peine 10% des faits selon les estimations (« environ une personne sur dix seulement se déclarant victimes [...] de viol porte plainte », énonce clairement l’ONDRP dès son introduction). Et ce n’est pas tout : le chiffre cité par Marine Le Pen exclut également les cas de viol sur mineur·e, soit près de 15% des faits répertoriés (pour lesquels des étrangers ne représentent que 22% des mis en cause), ou encore ne tient pas compte du fait que le mis en cause au début d’une procédure judiciaire n’est pas forcément le condamné en cas de procès. »

Mais l’extrême-droite, des groupuscules facho-féministes à Philippe Vardon, ne compte pas sur l’esprit d’analyse pour faire son beurre électoraliste : mais plutôt sur sa capacité à exalter leurs peurs, leur colère, et les diriger vers un ennemi si facile à identifier, si classique, quasiment mythique à ce stade-là : l’Etranger. Celui qui vient d’ailleurs pour violer nos femmes et égorger nos enfants (même si les Français font ça très bien eux-mêmes). Evidemment, les récents et terribles événements d’Afghanistan ne vont pas aider à rassurer les foules (c’est mathématique : étranger = taliban), et c’est d’ailleurs ce qu’il a dit, Vardon : « Il n’y a pas qu’en Afghanistan que les talibans prennent le pouvoir ! » Mais qu’il se rassure, notre bon maire Estrosi, raccord avec son bon président, a décidé de n’accueillir aucun réfugié Afghan, parce que la lutte contre l’Islamisme radical ne va pas jusqu’à aider ceux qui en sont victimes, faut pas déconner.

Et pourtant, les chiffres, si tant est qu’on en ait besoin pour se rassurer (de quoi d’ailleurs, exactement ? on se demande), sont là : en 2018, selon un rapport de la SSMSI, 86% des auteurs d’agressions sexuelles étaient de nationalité française. Parce souvent le taré macho il s’appelle Gérard ou Robert, eh oui, et généralement ça ne change pas grand-chose pour les victimes –sauf qu’elles n’auront pas les honneurs de la presse poubelle ou d’un Tweet de facho en campagne.

Parce que oui, désolée, les facha-féminista, désolée, Vardon, désolée, Ciotti, toutes les études menées sur le sujet des violences sexuelles contredisent vos slogans, vos pancartes et vos affirmations péremptoires haineuses.

En 2000 l’institut de démographie de l’Université de Paris 1 réalise la première Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF). Six ans plus tard, l’enquête Contexte de la sexualité en France (CSF), de l’Inserm, suivant la méthodologie de l’ENVEFF, poursuit cette étude. Puis, à partir de 2007, les enquêtes de victimation Cadre de vie et sécurité (CVS) de l’Insee et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (citées plus haut, et donc à utiliser avec précaution, on l’a vu), finissent d’approfondir la connaissance que nous avons de ces sujets, désormais très documentés. Et le résultat est sans appel : « Ces enquêtes ont au final validé les propos théorisés par les féministes dans les années 1970 : les violeurs (en tout cas la grande majorité d’entre eux) sont issus de tous les milieux sociaux et aucun groupe culturel ou social n’a l’exclusivité de cette pratique d’agression, d’une part ; les violeurs sont généralement des proches ou des familiers des victimes et seulement minoritairement des inconnus ou des étrangers, d’autre part. » (Le Goaziou, Véronique. « Les viols en justice : une (in)justice de classe ? », Nouvelles Questions Féministes, vol. 32, no. 1, 2013, pp. 16-28.) Et il en va de même pour tous les autres types d’agressions sexuelles. Voilà. C’est clair, net, précis, sourcé, référencé.

« Refuser cette réalité, c’est simplement nier les faits », dit Vardon dans « l’article » de Nice-Presse à propos du supposé « poids de l’immigration » sur les violences conjugales. Sauf que c’est bel et bien lui qui vit dans le déni (volontaire ? je vous laisse juge) de la réalité statistique.

Bon. On voit très bien l’intérêt de Vardon à répandre son fiel et sa démagogie électoraliste sur le dos des féminicides, sachant que la cheffe de son parti, Marine le Pen donc, a déclaré que la lutte contre les violences masculines contre les femmes était sans objet, celles-ci n’étant pas, tenez-vous bien, une « espèce à protéger » (sic et beurk).

Ce qu’on saisit moins, c’est l’intérêt de Nice-Presse à venir tendre le sac poubelle à l’ancien skin néonazi afin qu’il puisse y vomir ses horreurs sur les migrants.

Au quotidien, et le plus souvent dans l’indifférence générale, des associations, des bénévoles, des assistantes sociales, des éducateurs et éducatrices, des travailleurs sociaux et des travailleuses sociales sont présentes pour prendre en soin les femmes victimes de violence, les écouter, les aider, les mettre à l’abri. Des femmes violentées, violées, torturées, le plus souvent également dans l’indifférence générale.

Sauf quand l’agresseur s’appelle Nabil.

Alors la prochaine fois on conseille à Nice-Presse, et à tous les organes médiatiques de cet acabit, de prendre plutôt contact avec les copaines du Planning familial, ils en tireront un article plus pertinent que le tract du RN qu’ils ont pondu à la va-vite. Pensez à Samira à l’hôpital, instrument malheureux des ambitions politiques. Pensez à elle, à sa souffrance, et, on vous en prie, ne faites plus le jeu de politiques prêts à tout, le ridicule, la bêtise crasse, l’hypocrisie, le mépris, la haine, le mensonge, les généralisations manipulatrices, pour faire leurs intéressants sur le dos des victimes du patriarcat, partie intégrante du capitalisme autoritaire et nationaliste.

Par Tia Pantaï, Macko dràgàn et PP.P


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