Revue de presse (Libération, L’Express,
Nous n’accréditerons pas nos journalistes pour couvrir les manifestations Vendredi 20 Novembre 2020
Responsables de rédaction, nous nous inquiétons de la volonté du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de porter atteinte à la liberté de la presse dans le cadre des manifestations.
La volonté exprimée d’assurer la protection des journalistes revient à encadrer et contrôler leur travail. Ce dispositif s’inscrit dans un contexte particulièrement inquiétant avec la proposition de loi sur la sécurité globale qui prévoit la restriction de la diffusion des images de policiers et de gendarmes.
Les journalistes n’ont pas à se rapprocher de la préfecture de police pour couvrir une manifestation. Il n’y a pas d’accréditation à avoir pour exercer librement notre métier sur la voie publique.Nous refuserons, pour cette raison, d’accréditer nos journalistes pour couvrir les manifestations.
Nous réaffirmons notre attachement à la loi de 1881 sur la liberté de la presse et serons vigilants pour qu’elle soit préservée.
Liste des premiers signataires : AFP, BFM TV, Le Canard Enchaîné, Charlie Hebdo, C News, Courrier International, les rédactions de France Télévisions, le HuffPost, La Croix, La Croix hebdo, La Vie, LCI, Les Échos, L’Express, Le Figaro, Le Figaro Magazine, Le Pèlerin, Le Point, Le Monde, Le Parisien/Aujourd’hui en France, Libération, L’Humanité, L’Humanité-Dimanche, L’Obs, M6, Marianne, Mediapart, Télérama, les rédactions des antennes de Radio France, RMC, RTL, TF1...
L’Assemblée a adopté vendredi la disposition qui prévoit, désormais « sans préjudice du droit d’informer », de réprimer la diffusion de l’image d’un policier si elle a pour but « manifeste » d’attenter « à l’intégrité physique ou psychique ». Une retouche imposée à Darmanin qui ne lève pas les doutes.
Loi sécurité globale : un article 24 décrié, rebricolé mais bien voté
Ripoliné mais voté. Malgré les protestations des organisations de défense des droits de l’homme, les vives inquiétudes des journalistes et de la plupart des rédactions, malgré les alertes de la Défenseuse des droits et des rapporteurs des Nations unies, l’article 24 de la proposition de loi « sécurité globale » a été largement adoptée vendredi à l’Assemblée, sous les applaudissements de la majorité.
Le but de cette disposition, la plus décriée du texte, sur fond d’inquiétudes grandissantes face aux atteintes répétées aux libertés publiques, est de restreindre la diffusion des images d’intervention des forces de l’ordre. In extremis, le gouvernement a bricolé jeudi un amendement pour tenter de répondre aux vives controverses. « Sans préjudice du droit d’informer », dit-il désormais
A la veille de la mobilisation contre la loi sécurité globale, des salarié·e·s de Mediapart affirment leur soutien à la manifestation et expliquent pourquoi ils seront présent·e·s à la manifestation.
Cette semaine, le projet de loi « sécurité globale » fortement contesté de toute part, est débattu à l’assemblée. Après une première manifestation réunissant plusieurs milliers de personnes à proximité de l’Assemblée Nationale mardi 17 novembre, des dizaines d’organisations appellent à un nouveau rassemblement ce samedi à 14h Place du Trocadéro à Paris.
Si de nombreux.ses journalistes dont celles et ceux de Mediapart appellent à se mobiliser et participer à cette manifestation, voyant en ce projet de loi, et notamment avec l’article 24, une atteinte grave à la liberté d’informer, nous, salarié.e.s non journalistes de Mediapart* manifesterons à leurs côtés et appelons le plus grand nombre à nous rejoindre.
En effet, la loi sécurité globale, véritable pot-pourri sécuritaire et répressif vise notamment (avec l’article 24) à empêcher la diffusion d’images permettant l’identification des forces de l’ordre. Si cet article met un frein direct au travail journalistique, il est tout autant problématique pour les citoyens, les vidéos amateurs permettant de révéler de nombreuses affaires de violences policières que ce soit dans les quartiers populaires, dans les manifestations ou aux abords des stades comme le précise Pascale Pascariello dans cet article ou comme en témoigne l’énorme travail réalisé par David Dufresne pendant le mouvement des Gilets Jaunes avec « Allô Place Beauvau ».
La pression exercée par la police sur les auteurs de ces vidéos pourrait donc s’accentuer en plus d’y ajouter des peines judiciaires, que ces auteurs soient journalistes (avec ou sans carte de presse) - nous en avons déjà eu l’exemple mardi où plusieurs journalistes ont été interpellés ou violentés - ou bien envers les citoyens documentant ces dérives. Nous craignons donc que cette mesure renforce l’impunité policière.
Bien que l’article 24 soit le plus contesté, nous n’en demeurons pas moins inquiets concernant les autres, risquant de mettre à mal les libertés individuelles de chacun.e.s avec entre autre la généralisation de la vidéosurveillance et l’assouplissement des conditions de consultations ou bien avec la surveillance à l’aide de drones dans les manifestations par exemple. Mesures déjà pratiquées par la Préfecture de Paris et d’autres villes en France, comme à Lille pendant le mouvement des Gilets Jaunes.
En plus de la loi sécurité globale, le gouvernement Macron vient ajouter, en pleine crise sociale et sanitaire, de nombreuses mesures portant atteinte aux libertés fondamentales sous couvert de défense de la République, tout en jouant sur les peurs des citoyens pour faire accepter ces mesures et en accentuant les divisions entre la population. Les lois pleuvent, l’une réduisant l’accessibilité des associations aux subventions, l’autre souhaitant atténuer les oppositions actives sur les réseaux sociaux, une autre encore rendant passible de peines l’occupation des universités.
Face à toutes ces mesures qui inquiètent bon nombre de personnes au-delà de l’opposition, nous faisons donc le choix, pour défendre notamment la liberté d’informer mais aussi les autres principes fondamentaux, piliers de notre démocratie, d’apporter notre soutien à l’appel à joindre les manifestations partout en France et serons nombreux.ses à également y prendre part, aux côtés de nos collègues journalistes mais aussi de tous.tes les citoyen.ne.s qui se mobiliseront lors de cette journée qui s’annonce être importante.
C’est l’histoire d’un ratage assez classique, avec des ingrédients connus : des motivations un peu vagues, des arguments douteux, une mobilisation des défenseurs des libertés et une majorité qui veut exister.
Pour ne rien arranger, Gérald Darmanin s’est retrouvé seul dans son aventure. Il n’a pas été soutenu, ni par l’Élysée ni par Matignon. Le président de la République comme le Premier ministre se sont inquiétés assez tôt dans la semaine de la tournure des débats.
D’ailleurs, les entourages de l’un et de l’autre renvoyaient vers le ministère de l’Intérieur à la moindre question. "C’est le problème de Darmanin." Ce n’est jamais bon signe pour un ministre !
Le symbole d’un recul des libertés
Et pour être plus précis, c’est le problème des promesses qu’a fait Gérald Darmanin aux syndicats de policiers. À la base, c’était une loi très technique sur la police municipale et la sécurité privée, et c’est devenu le réceptacle de toutes les demandes corporatistes des syndicats de police, m’a résumé un conseiller.
La loi est surtout devenue le symbole d’un recul des libertés : celle d’informer mais pas seulement, puisqu’elle autorise l’utilisation de drones pour surveiller l’espace public. La loi est devenue un problème… comme si nous n’avions pas suffisamment de problèmes en ce moment !
Gérald Darmanin a donc fait une erreur d’appréciation. Dire : protéger ceux qui nous protègent, personne ne peut être contre. Mais il en a rajouté. Il a parlé de l’obligation de flouter les policiers sur les vidéos, alors que ce n’était pas dans le texte.
Il a aussi donné l’exemple du couple de policiers atrocement tué devant leur enfant à Magnanville. Mais cet acte terroriste n’a rien à voir avec les réseaux sociaux. Quand le point de départ n’est pas bon, le point d’arrivée est souvent compliqué.
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