Le temps des pénuries

jeudi 19 novembre 2020.
 

La civilisation occidentale vivait jusqu’à présent sous l’illusion de l’abondance en raison de l’excès généré par la société de consommation. À l’instar d’autres peuples, hélas depuis longtemps dans le manque, nous découvrons le temps des pénuries.

Nous avons vécu – malgré les dénis du gouvernement – la pénurie de masques. Nous avons découvert combien nos chaines d’approvisionnements, tous secteurs confondus, étaient devenues fragiles, du fait de la course aux économies de main-d’œuvre et aux délocalisations. Ce que les professionnels de santé et les associations dénoncent depuis des années éclate au grand jour : pour des raisons de rentabilité de plus en plus de médicaments essentiels connaissent des périodes de rupture de stocks : ils étaient 132 en 2010, ils sont 2400 cette année. Et la crise de la covid-19 n’est pas, loin de là, seule en cause. Il s’agit d’une tendance lourde.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la crise sanitaire actuelle d’ailleurs paraît largement amplifiée par la pénurie de lits et de personnels hospitaliers, constamment organisée par les tenants du libéralisme, mis en œuvre sous les gouvernements socialistes, LR et d’Emmanuel Macron : 69 000 entre 2003 et 2017, 3400 lits en 2019, 4000 en 2018. Tous les secteurs de la fonction publique connaissent désormais cette réalité : l’État organise sa propre défection et offre l’occasion au secteur privé de générer de nouvelles rentes.

Le marché à lui seul ne saurait par conséquent pas répondre à la crise de pénurie, parce qu’une partie de son économie en vit. Combien de profits sont aujourd’hui générés par des phénomènes créant ici des pénuries artificielles, là proposant à des prix d’or ce que seuls certains peuvent s’offrir ? Et il va de soi que ce ne sont pas seulement les biens de luxe qui sont concernés, mais, nécessité faisant loi, des biens essentiels. Le système d’assurance maladie privée réserve aux plus riches les médicaments et traitements derniers cris. L’annonce des premiers résultats optimistes sur les vaccins masque des questions moins avenantes : quels pays en bénéficieront en premier ? Combien de morts du fait de la rareté ?

Face à ces défis seule une planification organisée peut anticiper sur les pénuries à venir. Les biens essentiels, qui tiennent aux besoins fondamentaux de l’espèce humaine, ne peuvent pas être considérés comme de simples marchandises : santé, eau, nourriture, pour commencer par les plus évidents, appellent une sortie des seules lois de la concurrence financière. Seul un secteur public du médicament saura palier le jeu cynique des laboratoires privés. La guerre de 1914-1918 a permis que la firme allemande Bayer renonce à l’exclusivité de l’aspirine. Si nous sommes en guerre contre le virus, alors n’hésitons pas à affronter des bataillons d’avocaillons défendant des brevets. Voilà une des leçons de la période qui devra être rappelée lors des prochaines échéances électorales : le marché ou la vie.

Benoît Schneckenburger


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