Le 27 septembre 1959 Djamila Boupacha dépose une bombe à la Brasserie des facultés à Alger. Dactylographe de 22 ans, elle appartient aux 2 % de fidayates, les porteuses d’armes et poseuses de bombes luttant pour l’indépendance de l’Algérie. Ces femmes, pour qui l’espoir de l’indépendance nationale correspondait aussi à un engagement féministe ont lutté sur deux fronts.
Djamila a dû d’abord se battre pour être admise par ses pairs et son père au sein du FLN. La bombe, finalement désamorcée par les artificiers, ne fait aucune victime. Pour Gisèle Halimi, son avocate « elle n’avait pas commis d’attentat mais était sur le point d’en commettre un ». C’est son procès qui sera explosif.
« Ce qu’il y a de plus scandaleux dans le scandale c’est qu’on s’y habitue. Il semble pourtant impossible que l’opinion demeure indifférente à la tragédie qu’est en train de vivre une jeune fille de vingt-deux ans, Djamila Boupacha. » Ainsi s’ouvre la tribune écrite par Simone de Beauvoir dans le journal Le Monde au mois de juin 1960, afin de mobiliser les Français pour obtenir le report du procès de la jeune Algérienne.
Le 10 février 1960, en pleine guerre d’Algérie, la militante nationaliste est arrêtée chez elle par l’armée française en compagnie de son père et de son beau-frère. Battue, brûlée et violée par les militaires, elle avoue au bout d’un mois de détention avoir posé la bombe. Poursuivie pour acte de terrorisme par un tribunal militaire algérois, elle encourt la peine de mort. Pourtant aucun témoin ne l’a identifiée. Pour établir sa culpabilité, il faut des aveux : ils sont obtenus par la torture. Gisèle Halimi décide alors de la défendre, en assumant de faire de ce procès celui de la torture en Algérie et du viol comme crime. L’avocate entraîne avec elle l’écrivaine ainsi que Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Geneviève de Gaulle et Germaine Tillion. Le comité de soutien créé fait dessaisir le tribunal d’Alger du dossier au profit de Caen, arguant des risques de disparition qu’encourent les acteurs gênants de cette guerre qui ne dit pas son nom. Jugée en France en 1961, elle est condamnée à mort, en dépit de la brillante plaidoirie de Gisèle Halimi, mais est amnistiée et libérée en 1962 après les accords d’Evian qui mettent fin à la guerre d’Algérie.
Née en Tunisie, engagée dans la cause indépendantiste, Gisèle Halimi a trouvé en Djamila Boupacha l’incarnation de tous ses combats : l’intégrité du corps de la femme, son respect, son indépendance, son engagement politique, et l’anticolonialisme.
Bérénice Hemmer
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