Pour la laïque !

dimanche 3 novembre 2019.
 

En Grec ancien, le terme qui désigne la vérité est aletheia et signifie dévoilement. Parménide oppose l’exigence de vérité à la simple opinion. Or que n’entendons-nous pas en ce moment à l’occasion d’une énième affaire de voiles. Acte I par une provocation éhontée, un obscur élu régional fait le buzz. Il est immédiatement repris par une cohorte d’éditorialistes qui savent tenir là un sujet à polémiques et coups d’éclats. Acte II, plutôt que de rappeler les dispositions très claires du Conseil d’État et l’esprit de la loi de 1905, le ministre J.M. Blanquer s’enfonce dans l’ambiguïté. Des années de racisme anti-musulmans font leur œuvre et Éric Zemmour peut aller encore plus loin dans l’ignominie, il en restera toujours quelque chose. Acte III le rassemblement national entend clore la pièce par une proposition visant à interdire l’expression religieuse pour les juifs et musulmans dans l’espace public. Ils révèlent leur vraie nature, mais le travail de sape a été fait.

Quel sera le quatrième acte de cette tragédie ? Depuis des années la laïcité est instrumentalisée. Tous les partisans du choc des civilisations ont le même agenda : détruire le socle de l’émancipation républicaine pour n’avoir plus qu’à gérer des communautés dont chacun serait alors le garant. La situation est très alarmante. La logique du repli précède souvent celle de l’affrontement. Le président Macron a ici une responsabilité très grave. En choisissant dès la campagne présidentielle de faire de la laïcité un instrument électoraliste, en s’adressant directement aux cultes, et en leur donnant des gages, il a permis que l’on revienne sur l’esprit de la laïcité.

Il est temps que le camp des laïques se ressaisisse et mène l’offensive. La loi de 1905 ne doit pas être vidée de son contenu : la République doit assurer de front la liberté de conscience et le libre exercice des cultes. L’État doit conserver sa neutralité. Par conséquent il ne saurait faire de différences de traitements. L’interdiction de signes religieux dans l’espace public est contraire à la déclaration des droit de l’homme parce qu’attentatoire à la liberté de conscience. Les porteurs de ce type de demande ne viseront que les musulmanes : jamais ils ne souhaiteront interdire les cornettes et collerettes des bonnes sœurs ou les soutanes. Si la laïcité a besoin d’être renforcée, c’est pour mettre fin aux privilèges du culte catholique, qui reçoit l’essentiel des milliards de subventions aux écoles privées, jouit de dispositions fiscales indues surtout en ces temps d’austérité. Il faut mettre fin au concordat, et assurer la laïcité sur l’ensemble du territoire. Jaurès disait en 1904 que « Démocratie et laïcité sont deux termes identique » car « la démocratie n’est autre chose que l’égalité des droits ». Il s’en suit que la défense de la laïcité doit s’accompagner d’une bataille sociale, d’un retour aux services publics sur tout le territoire, car les communautarismes se nourrissent du délitement de l’État.

Benoît Schneckenburger


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